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Interview Flashscore - Carlens Arcus (Angers) : "La Ligue 1 est très imprévisible"

François Miguel Boudet
Carlens Arcus contre Strasbourg
Carlens Arcus contre StrasbourgImago sportfotodienst / Eurasia Sport Images / Profimedia
Cadre d'Auxerre quand le club icaunais était en Ligue 2, Carlens Arcus découvre l'élite française avec Angers après avoir évolué en Eredivisie avec Vitesse pendant deux saisons. Alors que le promu n'a pas été grandement servi par un calendrier difficile, le latéral droit en est convaincu : le SCO a les moyens de se maintenir. Pour Flashscore, l'international haïtien évoque son parcours depuis Port-au-Prince et témoigne de son rêve de participer à la prochaine Coupe du monde.

Flashscore : Vous découvrez la Ligue 1 cette saison, quelles sont vos premières impressions ?

Carlens Arcus : C'est une très belle découverte, même si j'avais déjà assisté à quelques matches sur le banc quand j'étais à Lille. C'est tout nouveau pour moi. Je savais à peu près comment cela serait en termes de jeu et d'intensité mais le vivre, c'est autre chose. Chaque journée est une surprise parce qu'il y a de belles équipes et de très bons joueurs. Je n'arrête pas d'être impressionné après chaque match. 

Vous évoluez à Angers, club promu. Le calendrier n'a pas été en votre faveur mais vous avez tout de même pris deux points contre Nantes et Strasbourg qui sont en forme. Cela reste encourageant malgré cette 18e place actuelle ? 

Notre classement est assez foncé par rapport à ce qu'on a pu faire sur le terrain. Nous avons réalisé de très belles choses. On savait que cela serait très dur lors des trois premiers matches (Lens, Nice, Lille) mais on a eu de bonnes intentions. L'équipe commence à prendre conscience de plein de choses et nous avons beaucoup de joueurs qui arrivent à leur meilleur niveau. D'ici quelques semaines, nous aurons une autre image, je n'ai aucun doute là-dessus. Notre équipe a beaucoup de qualité et d'expérience en Ligue 1. Avec ça, je pense qu'on a de bonnes bases. 

Vous avez déjà eu l'occasion de croiser des latéraux droits réputés en Ligue 1 : Ruben Aguilar contre Lens, Jonathan Clauss contre Nice, Thomas Meunier contre Lille. Même si vous êtes de l'autre côté du terrain, est-ce que vous repérez des choses qui vous inspirent ?

Bien sûr ! Comme je suis très compétiteur, ce sont des joueurs que je suis parce qu'ils sont exemplaires. Ils ont une belle carrière, avec une expérience des grands matches. Je pense à Jonathan Clauss mais aussi à Gabriel Gudmundsson, le latéral gauche de Lille et à Thomas Meunier. Je suis le petit nouveau en Ligue 1, je regarde souvent ce qu'ils font pour essayer de faire pareil, voire mieux. C'est un très beau challenge et mon objectif est de rivaliser. 

"Rien à envier à d'autres équipes de Ligue 1"

Vous étiez un cadre à Auxerre quand le club était en Ligue 2. Quelle est la différence entre la Ligue 2 et la Ligue 1, sachant que vous sortez aussi de deux saisons à Vitesse en Eredivisie ? 

Quand je jouais en Ligue 2, je trouvais que c'était un championnat très dur parce qu'il y a beaucoup d'impact, de duels, d'intensité. Je me rends compte que la Ligue 1, c'est vraiment au-dessus. Il y a tellement de joueurs de haut niveau ! Ils n'arrêtent pas de faire des courses, ils ont un gros volume de jeu. Jusqu'à la fin du match, ils continuent à mettre du gaz. C'est au-dessus de la Ligue 2 mais c'est aussi au-dessus de l'Eredivisie. La différence, c'est qu'aux Pays-Bas, c'est davantage axé sur la possession, avec des équipes qui aiment ressortir le ballon et faire du beau jeu. En Ligue 1, on n'a pas peur de balancer le ballon devant pour s'appuyer sur des individualités en attaque. Par exemple, on savait très bien que Nantes n'était pas une équipe de possession mais savait s'appuyer sur Moses Simon et Matthis Abline. Ça leur réussit bien cette saison. 

À Angers, vous évoluez avec Jim Allevinah devant vous, un joueur qui connaît bien la Ligue 1 : que vous demande Alexandre Dujeux au niveau tactique, notamment quand vous montez ? 

Je ne vais pas tout dévoiler ici (rires). Il nous demande souvent d'avoir un trio avec le milieu offensif droit, l'ailier et moi pour créer le décalage et surprendre l'adversaire. Avec l'ailier, l'idée est de garder une certaine distance : s'il est un peu plus haut, je dois rester à l'intérieur et vice-versa. L'entraîneur nous demande aussi de faire beaucoup de courses, de passes dans le dos car il y a beaucoup d'équipes en Ligue 1 qui n'aiment pas trop ça. Étant donné que Jim et moi aimons bien évoluer en profondeur car nous sommes très toniques, il nous demande d'être bien positionné pour pouvoir enchaîner vers l'avant. Ensuite, il y a de nombreux principes de jeu que nous mettons en place ces derniers temps, on essaie de les travailler au maximum à l'entraînement et, d'ici deux mois, l'équipe sera bien rodée et on aura une autre image de nous. 

La heat map de C.Arcus contre Strasbourg
La heat map de C.Arcus contre Strasbourgimago sportfotodienst / Eurasia Sport Images / Stats Perform / Opta

Vous vous êtes fixé un nombre de passes décisives cette saison ? 

Je ne me focalise pas sur des objectifs individuels bien que je sois ambitieux et compétiteur. Ce serait plus sur mon approche des matches, comment j'étudie l'adversaire, comment j'essaie d'être meilleur. Si je peux réaliser 5-6 passes décisives, ce serait vraiment bien parce que ça voudrait dire que je contribue à la réussite de l'équipe. Mais le principal objectif, c'est le maintien. 

Le SCO dispose effectivement de joueurs dotés d'une belle technique comme par exemple Haris Belkebla, Himad Abdelli, Farid El-Melali. Bamba Dieng est probablement le joueur le plus connu car il a débuté en L1 avec l'OM, avec Yahia Fofana qui est champion d'Afrique avec la Côte d'Ivoire. Pour autant, se maintenir pour un promu, même avec seulement deux descentes directes, sera très difficile. Vous pensez franchir ce cap ?

Angers a la matière pour exister en Ligue 1. Je ne le dis pas parce que je suis un joueur du SCO mais parce que j'ai vraiment confiance en cette équipe. Vous avez cité quelques joueurs mais quand on voit l'effectif qu'on a, ça reste un groupe de haut niveau, avec des joueurs expérimentés au niveau national en Ligue 1 et Ligue 2 mais aussi au niveau international avec Jim et Jacques Ekomié avec le Gabon, Yahia avec la Côte d'Ivoire, Abdelli qui est de plus en plus appelé avec l'Algérie et moi qui ai déjà participé à de grandes compétitions avec Haïti. Il y a de la jeunesse et des joueurs confirmés, on n'a rien à envier à d'autres équipes de Ligue 1. On sait tous que ce sera compliqué, avec notre budget qui est le plus petit du championnat, mais cela se joue sur le terrain et on veut le montrer. 

Récemment, Niklas Schimdt nous a expliqué que l'homogénéité de la Ligue 1 rendait le championnat très difficile car toutes les équipes sont compétitives et proches. Vous confirmez ?

Bien sûr. Si vous prenez le match contre Strasbourg, beaucoup de monde a annoncé qu'on allait perdre et on fait match nul (1-1). Et même contre Lille (2-0), si vous regardez la deuxième période, on était proche d'accrocher le nul, voire mieux. Il ne nous manquait pas grand-chose pour rivaliser. Le score ne reflète pas ce que je viens de vous dire, mais il n'y a pas de petites équipes, elles ont toutes les capacités de rivalité contre des gros. La Ligue 1 est très imprévisible. 

"La Coupe du monde, c'est le rêve absolu"

Vous êtes international haïtien et avant de venir en Europe, vous êtes passé par le Brésil. Vous pouvez nous raconter ? 

Quand j'étais très jeune en Haïti au centre de formation, nous étions 35 et il y avait un groupe de recruteurs qui était venu pour nous faire faire des essais. Cent joueurs étaient convoqués mais seulement 11 pouvaient partir au Brésil pour augmenter leur niveau, devenir professionnels mais aussi apprendre le portugais. On avait 14-15 ans, c'était une belle opportunité car c'était la première fois que je pouvais partir de chez moi. Je suis resté un an là-bas. En termes de football, la différence entre le Brésil et Haïti est immense et l'objectif était d'y aller pour apprendre. C'est là où tout à commencer. 

Et puis vous arrivez à Troyes : on devine le choc thermique ! 

(Rires) Surtout que je suis arrivé en décembre ! Le changement climatique n'a pas été évident mais j'étais vraiment en mission, je voulais absolument quitter mon pays pour réaliser mon rêve, ça ne m'a pas trop impressionné parce que j'étais vraiment là pour réussir. Ce n'était pas un souci, parce que j'étais à la guerre comme on dit (sourire). 

Vous avez disputé une demi-finale de Gold Cup avec Haïti en 2019. Un grand souvenir on imagine ?

C'est le meilleur parcours de l'histoire d'Haïti. La Gold Cup réunit toutes les grandes équipes d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et de la Caraïbe. On arrive en demi-finale contre le Mexique et on est éliminé à ça... Il faut qu'on prenne conscience que, même si Haïti est une petite équipe, nous avons de très bons joueurs qui évoluent à l'étranger, avec un vrai potentiel. Nous avons une bonne base et nous espérons faire mieux lors de l'édition 2025. 

Il y a une grande diaspora haïtienne aux États-Unis et de nombreux internationaux évoluent dans les divers championnats nationaux. Quelle est la proportion entre natifs comme vous et la diaspora ? 

Il y a aussi de Franco-haïtiens, comme Mike Maignan, et les gens ne le savent pas. Il y a Jean-Kevin Augustin et il ne manque pas grand chose pour qu'il vienne nous aider. Avec tout ce que l'on montre en ce moment, de nouveaux joueurs pourraient venir aider l'équipe et on sera très ouvert pour les accueillir car il y a de belles choses à faire. Outre la Gold Cup, il y a la Coupe du monde chez nous, dans notre zone et avec les États-Unis, le Canada et le Mexique qui sont qualifiés d'office, il y a la place pour y participer. Ceux qui sont déjà là veulent envoyer de vrais signaux pour montrer qu'avec l'arrivée de nouveaux joueurs, ce sera encore mieux. 

L'accroissement du nombreux de pays participants au prochain Mondial pourrait en décider plusieurs parce que, sur vos résultats, vous pouvez y arriver ? 

On en est conscient. Nous avons gagné nos derniers matches, même si on sait que la première phase de poules propose des équipes à notre portée, sans prétention car nous sommes Haïti avec de nombreux joueurs qui évoluent à l'étranger. Sur les autres phases à venir, le challenge sera d'autant plus beau. Si on garde cette mentalité, cet état d'esprit, on peut espérer quelque chose parce que ça fait longtemps, 1974, qu'Haïti n'a pas participé à une Coupe du monde. Si des joueurs veulent nous rejoindre, nous en serions ravis car il en faut peu pour que nous puissions rivaliser avec les États-Unis, le Canada et le Mexique. 

Le football ne règle pas les problèmes mais Haïti, malgré sa riche histoire, celle de la première colonie à avoir acquis son indépendance, est le plus souvent évoqué pour des catastrophes naturelles. Une qualification pour la Coupe du monde offrirait un point de vue positif dans le monde. 

La Coupe du monde, c'est le rêve absolu mais, à chaque match que nous disputons, nous voulons montrer qu'il y a autre chose que les images que l'on voit à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Haïti a de belles choses, dans le sport, dans le tourisme et d'autres domaines. Évidemment, des choses sont arrivées en Haïti qui peuvent donner l'impression qu'il n'y a que ça mais nous, sur le terrain, on veut faire de notre mieux pour donner le sourire à nos compatriotes qui souffrent quand nous sommes des privilégiés mais aussi montrer que nous sommes une grande équipe qui a des rêves. 

Pour terminer sur une note plus légère : qui est le plus connu en Haïti, Carlens Arcus ou Wycleaf Jean ? 

(Rires) C'est Wycleaf Jean, c'est sûr ! C'est un très grand chanteur haïtien, il a travaillé avec Shakira, Mary J.Blige, les plus grands rappeurs américains. Ah oui, Wycleaf, il est plus connu que moi (grand sourire). 

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