Interview - Dominique Nato : "On ne s'improvise pas président de fédération du jour au lendemain"
Flashscore : La campagne a pris un tournant inattendu avec l'invalidation de la candidature d'Estelle Mossely. Celle-ci vous accuse d'y avoir contribué. Quelle est votre réponse ?
Dominique Nato : J'aurais tendance à dire que certains veulent reporter sur les autres leurs propres insuffisances. Je n'ai pas d'interactions avec la commission qui est totalement neutre et indépendante. À aucun moment je ne suis intervenu.
Pensez-vous que sa liste sera retoquée et qu'elle pourra se présenter face à vous ?
Je n'ai pas d'appréciation à donner. Je le souhaite pour elle. Il y a d'autres fédérations françaises au sein desquelles il y a eu des invalidations. Ça a été le cas pour le canoë-kayak pour trois listes sur quatre. Personnellement, je me suis préoccupé de ma liste et de mon projet, le reste n'est pas de mon ressort. C'est une campagne dure et agressive. Sur les réseaux sociaux, je ne suis pas habitué à me répandre. Déjà, ça a été très dur suite aux insultes subies par Sarah Ourahmoune qui s'est retirée d'un projet novateur et très intéressant. C'était la mandature de la transmission et une co-présidence ne s'était jamais faite, même s'il aurait fallu revoir les textes. On sent que ça dépasse l'entendement ainsi que le cadre FFB et la présidence. Il y a quelque chose qui se joue derrière.
L'interview d'Estelle Mossely est à retrouver ici
À quoi pensez-vous ?
Aux enjeux olympiques. La boxe est dans une phase critique. Le CIO a été clair auprès des comités nationaux olympiques. J'ai reçu une lettre de David Lappartient, le président du CNOSF, qui expliquait que la FF Boxe n'était plus reconnue comme olympique dans la mesure où l'IBA est suspendue. Il m'a demandé ce que l'on comptait faire et c'est pour ça qu'on a tout de suite mis en place un comité directeur pour bien penser et réfléchir à cet aspect essentiel. La présidence, c'est bien; mais la présidence d'une fédération qui n'est plus olympique, sincèrement... Les gens ne mesurent pas les réalités de ce que la boxe serait si elle n'était plus olympique. Sans les JO, il n'y a plus l'accompagnement de la masse comme c'est fait par chaque fédération. Il reste de maigres espoirs et c'est pour ça que, si nous restons aux affaires, on le fera loyalement car le départ à World Boxing ne se fera que le 14 décembre avec la validation des clubs et des délégués.
"On pourra compter sur Sarah Ourahmoune d'une manière différente"
Vous avez évoqué Sarah Ourahmoune qui a reçu des insultes racistes et sexistes sur un compte WhatsApp de la part d'entraîneurs. Avez-vous trouvé son retrait trop hâtif ?
On avait un projet ensemble sur la co-présidence et la co-gérance de la FFB. J'ai du respect pour les gens et encore plus pour les gens brillants comme Sarah qui a été touchée au plus profond d'elle-même par certains messages. C'est vraiment ignoble. Je ne comprends pas qu'on puisse, au travers d'une élection, se permettre ça. Ça m'offense car cela vient de la part d'ex-amis qui ont fait un choix, légitime, de prendre partie pour une autre candidate. C'est blessant et je comprends sa décision. On pourra compter sur Sarah d'une manière différente car elle aime la boxe, notre fédération et elle se réinvestira différemment.
Elle a annoncé son retrait le 10 novembre, le dépôt des canditatures avait lieu le 14 : comment vous êtes-vous adapté ?
La stratégie a dû être revue mais le programme est le même et je le mènerai avec des gens expérimentés sur les territoires depuis de nombreuses années, ce qui nous est d'ailleurs reproché. Ça restera la mandature de la transition et de la transmission car c'est mon dernier mandat. Charge à nous, si on est réélu, de prévoir un transfert vers un autre directoire. Ça se prévoit et ça s'aménage. On ne s'improvise pas président de fédération du jour au lendemain. Il faut savoir mesurer les engagements, les difficultés, les problèmes qu'on a à gérer au quotidien. Ça nécessite un parcours initial comme dirigeant. J'ai passé 50 ans de ma vie au service de la boxe, comme athlète amateur et professionnel, comme cadre technique régional puis national. Je suis passé par toutes les filières. Les gens sont peut-être fatigués de me voir mais j'ai toujours donné le meilleur de moi-même. En toute honnêteté, je suis issu du Ministère de l'Intérieur et on m'a appris à être droit. C'est dans cette rigueur que j'inscris toujours ma démarche professionnelle, que ce soit comme président de la FFB, comme cadre technique, comme DTN, comme directeur de Creps de Nancy, comme élu. Il est hors de question de ne pas être dans la rigueur et la justesse des textes. Les textes, il faut les lire, s'adapter à eux et pas l'inverse. Il faut être vigilant au quotidien et au service de notre sport avec un collectif et un projet commun.
Mettre en avant Sarah Ourahmoune vous a permis d'être mis en lumière car Estelle Mossely, par son palmarès, avait une visibilité certaine dans les media. C'était lui opposer une autre femme au parcours olympique, une mère de famille et une entrepreneuse.
Sauf que je n'ai mis personne dans l'arène car Sarah était déjà ma vice-présidente, bien avant que Madame Mossely n'envisage même l'idée de devenir présidente. On avait décidé de construire ensemble un projet qui repose sur une équipe expérimentée, avec l'idée d'avoir une co-présidente. Ça n'a pas pu se faire. Les gens pensaient que j'avais besoin de quelqu'un pour me représenter... Je n'ai pas donné d'interview avant le 14 novembre car ça ne sert à rien de commencer le combat 6 mois avant. Je respecte les textes. La campagne a commencé le 14, j'ai commencé à m'exprimer le 14. Je n'ai pas besoin de faire parler les autres à ma place.
"L'argent qui ruisselle avec l'IBA provient d'un partenariat avec Gazprom"
Si la boxe n'est plus olympique, comment cela se traduira-t-il en termes de retombées pour la FFB ?
Ce sont des hypothèses qu'il faudra déterminer après le 14 décembre. Mais je ne vois pas, que ce soit elle ou moi, comment on ne pourrait pas aller vers l'olympisme. C'est une priorité pour tout le monde car il en va du financement du bas de la pyramide, de ceux qui sont au coeur du réacteur, qui forment nos futurs champions dans les clubs. Tout cela n'existerait plus. Je ne vois pas qui ne voudrait pas s'engager sur la voie olympique. Il y a aussi le rêve de millions de jeunes à travers le monde qui s'entraînent pour aller aux JO. Si vous demandez à Brahim Asloum le plus grand moment de sa carrière, son titre olympique passe devant sa ceinture de champion du monde. Au-delà de ces élections, les enjeux olympiques dépassent les enjeux nationaux.
Estelle Mossely a utilisé le terme de ruissellement. Pensez-vous que cela serait le cas si la France restait avec l'IBA ?
Chacun engage ses idées sur des convictions. L'argent qui ruisselle avec l'IBA provient d'un partenariat avec Gazprom. Ce sont des fonds qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, ne sont pas disponibles pour être utilisés n'importe où, notamment en France. Je n'ai pas tous les éléments sur ce qu'elle avance et promet, mais il faut aller chercher des financements. C'est important pour notre sport, aussi bien pour la boxe amateur que pour la boxe professionnelle, sachant que, pour la boxe amateur, nous sommes financés sur un plan quadriennal par l'ANS et l'État. La mise à disposition de 24 cadres techniques pour la FFB est possible car on est une fédération olympique qui ramène des résultats, n'en déplaise à certains. On a eu 8 athlètes engagés, on a eu trois médailles avec deux finales. On continue de s'interroger avec la direction technique sur la défaillance de nos féminines mais les résultats restent probants, sachant qu'on n'avait rien ramené de Tokyo avec 5 athlètes. Sur cette mandature qui s'achève, on s'était engagé sur la réussite à Paris; sur la suivante on s'engage à travailler sur la refonte de la boxe professionnelle car elle devrait être la vitrine et elle ne l'est pas.
Quelles sont vos propositions en la matière ?
Il faut aider nos boxeurs pro en redonnant du sens au projet sportif car c'est un sport spectacle par excellence. Or si on retire la notion d'incertitude d'un combat, cela devient un spectacle, comme du catch finalement. Il faut donc équilibrer les projets sportifs, que les boxeurs français soient amenés à se rencontrer entre eux, avec des compétitions attractives pour qu'ils puissent s'y retrouver, notamment financièrement. Cela passera pas le degré d'incertitude que provoque la boxe car, lorsqu'elle n'est pas là, on perd l'intérêt. Il y a du travail pour mieux accompagner nos athlètes et cela sera une priorité de cette mandature.
C'est ce qui a été amorcé avec le challenge Bouttier ?
C'est une refonte initiée du projet sportif. C'est une compétition qui réunit les garçons qui étaient sur la coupe et le critérium, de manière à ce que les espoirs s'affirment avec des combats de qualité. De ce que j'ai pu voir sur le challenge Bouttier, il y a vraiment de l'enjeu et c'est une trame à développer. Les boxeurs qui se rencontrent entre eux pourront trouver des financements et aller plus loin dans leur démarche. Il faudra aussi développer de nouvelles compétitions, type Master : on pourrait aller voir des diffuseurs pour créer une dynamique pour les jeunes boxeurs afin de les amener à se rencontrer et surtout leur donner les moyens financiers de les payer à leur juste valeur.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces compétitions Master ?
Ce sont des catégories pour les élites professionnelles, un projet que j'ai dans les cartons et qu'on a déjà proposé à Thomas Sénécal à Canal +. On veut affiner pour proposer dans 7 à 8 catégories chez les hommes, 2 à 3 catégories chez les femmes, des combats entre 4 athlètes. Ils et elles se rencontrent sur un format demi-finale/finale, ce qui permet d'avoir un programme établi avec le diffuseur et de déterminer qu'une fois par mois, le Master réunira les 4 meilleurs dans chaque catégorie, avec des combats engagés, un vrai sens de la compétition, de l'argent. La FFB y mettra son savoir-faire, avec les clubs partenaires qui savent organiser de gros galas rémunérateurs pour les boxeurs.
La candidature d'Estelle Mossely est appuyée par des promoteurs et des boxeurs professionnels. Ce pan de la boxe professionnelle est-elle votre talon d'Achille en regard à votre mandature ?
Il faut bien identifier qui sont les promoteurs car il n'y en a pratiquement plus. Un promoteur a une licence de promoteur. Là, on parle de personnes qui organisent à travers leurs clubs. Pour les boxeurs professionnels, je m'interroge sur le fait de pouvoir mener de front une carrière sportive de haut niveau. Pour moi qui connais la tâche que représente la gestion d'une fédération qui vous occupe 7 jours sur 7, je me demande comment on peut faire les deux. Dans mon équipe, il y a des gens impliqués dans la boxe d'un bout de l'année à l'autre, des présidents de comités régionaux : tous sont impliqués au service des clubs dans les territoires. C'est significatif. Les gens qui dirigent la boxe au niveau régional se retrouve dans l'équipe nationale, c'est légitime. Je n'ai pas à juger la composition de la liste de Madame Mossely, ce n'est pas moi qui valide ou invalide. Je n'ai pas d'observation particulière ou de critique à formuler.
"Pas besoin d'un débat pour faire le pitre"
Si la FFB peut accompagner des projets professionnels, le principal travail réside dans la formation, la gouvernance et la sanction des combats et que tout ça reste étroitement lié au maintien de la boxe aux JO. Quel est le nombre de licenciés actuellement en France ?
62.000 selon les chiffres du 31 août 2024 et nous sommes au plus haut. Ce sont de vrais licenciés car, par le passé, on comptait parfois plusieurs licences pour une seule personne, c'est-à-dire que si elle avait 4 licences, elle était comptée 4 fois ! Là, c'est un licencié unique. Il faut aussi ajouter les 9000 licenciés du MMA car on est engagé avec lui, pour le rendre à terme indépendant. Ce n'est pas encore le cas donc on gère cette partie comme discipline associée. Ce sont des clubs qui sont représentés et on ne va pas les abandonner au milieu du gué.
Pour la boxe, on revient à la question olympisme ou pas olympisme. Le financement des clubs et des comités régionaux se fait aussi par le biais de cette appartenance, tout comme le projet sportif fédéral et territorial. Nous allons avoir des difficultés de financement, même sur les territoires car les institutions locales considèrent différemment une fédération olympique d'une qui ne l'est pas. Dans tout ce qui se dit, on oublie cette priorité absolue. Ça doit être en permanence dans la pensée des gens qui vont voter.
Justement : qui vote pour l'élection du président ?
La moitié des voix par les clubs, l'autre par les 42 délégués qui sont issus des comités régionaux.
Si Estelle Mossely peut finalement se présenter et qu'elle gagne, pensez-vous qu'il est impossible de mener de front sa fin de carrière professionnelle avec la vie d'une dirigeante de fédération ?
Et il n'y a pas de salaire, simplement des frais de représentation ! Je ne connais pas ses prérogatives. C'est une athlète remarquable car on n'est pas championne olympique par hasard et je n'ai pas à juger des motifs qui l'ont amené à vouloir se présenter alors que sa carrière sportive n'est pas terminée. Ça ne me semble pas très compatible, vu l'expérience que j'en ai.
Elle vous sollicite pour un débat, que pensez-vous de cette proposition ?
Tout mon projet est clair, à disposition, pas besoin d'un débat pour faire le pitre. On a prévu d'intervenir lors des élections le 14 décembre où nous présenterons nos listes, si la sienne est validée. Je n'ai pas besoin d'aller voir systématiquement les clubs parce que ça fait 50 ans que je laboure les territoires et que je vais sur les compétitions. Je suis sur le terrain de manière permanente depuis 4 ans et avant j'étais acteur comme DTN et entraîneur. Je connais tous les acteurs de la boxe, je n'ai pas besoin d'aller faire des photos avec eux pour me montrer. C'est une autre démarche de communication, différente de la mienne. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui les animent sur les territoires car le club et l'entraîneur sont les cellules mères de notre discipline. Ce n'est pas la peine d'enfoncer des portes ouvertes. En tous cas, je remercie Estelle Mossely d'avoir apporté une réflexion supplémentaire, cette démarche contribue à faire avancer les choses. Peut-être que ça a boosté notre équipe.
Un débat serait un traquenard ?
Si on sait lire un texte et un programme, on doit savoir identifier les axes. Ce n'est pas nécessaire d'aller au-delà. Vu ce qui s'est passé avec Sarah et certains aboyeurs, toujours les mêmes, qui sont agressifs et m'ont insulté sans discernenement sur les réseaux sociaux... Moi la démocratie je sais ce que c'est ! La preuve : je suis confronté à une personne qui a envie d'être présidente, comme ça, qui a un jour débarqué dans mon bureau pour me l'annoncer. J'ai d'ailleurs apprécié qu'elle le fasse. Mais pourquoi ? Comment ? Dans quel but ? La loi sur la démocratisation des fédérations fait qu'avec 6 mois de licence, on peut se présenter. Estelle Mossely n'est pas n'importe qui, il faut faire référence à ses titres, ça se respecte. Mais sur la partie dirigeante et électorale, je ne suis pas convaincu qu'on puisse s'improviser présidente du jour au lendemain. Je ne suis pas un orateur hors pair mais je sais m'exprimer. Ça fait 4 ans que je suis président et j'ai toujours eu des postes à responsabilité. Je sais faire passer les messages que j'ai envie de faire passer. Je n'ai pas besoin qu'on me force la main pour faire des débats qui ne servent à rien alors que les deux projets de politique sportive sont à mettre en face. Il y a les réalités, le réalisme et il y a les promesses, c'est tout.
Elle estime que la FFB n'a pas été au niveau au cours des 4 dernières années.
J'ai quand même lu des choses aberrantes. On n'a pas rien fait pendant 4 ans ! On a pris le train en marche alors qu'on avait 25.000 licenciés pendant le Covid. On a restructuré les finances de la fédération. On était en passe de faire un crédit et on n'en a pas eu besoin. Le plan de relance de qualité mené grâce à l'État avec plusieurs aides a permis à notre fédération de se restructurer et de retrouver des licenciés. On a mis en place un système avec la DTN et l'ANS dans un projet qui a abouti à 3 médailles sur 8 athlètes. On aurait pu faire mieux... mais on aurait pu faire pire et beaucoup de fédérations auraient aimé avoir nos résultats. Ce n'est pas l'arbre qui cache la forêt car nous avons une équipe de France en devenir avec des champions d'Europe U23, des finalistes aux championnats du monde juniors chez les filles et les garçons. Les voyants sont au vert sur le plan sportif. Pour la boxe pro, si nous sommes réélus, je compte remettre tout le monde autour de la table, partisans et opposants pour construire ensemble car il peut y avoir de bonnes idées qui sortent du programme de Madame Mossely. Il faudra voir comment faire évoluer la boxe professionnelle française car en Europe, il n'y a qu'en Grande-Bretagne que les boxeurs se rencontrent entre eux avec de vrais challenges. On se mord la queue : si on ne propose pas de challenge intéressant, les diffuseurs ne viennent pas et si les diffuseurs ne viennent pas on n'a pas les moyens financiers. Il faut repartir à la base, avec de vrais projets fondés sur le sportif. On ne pourra pas faire revenir les medias et les diffuseurs si nos boxeurs n'ont pas une opposition de qualité, stagnent et finissent par tomber. Malgré tout, les résultats de nombreux boxeurs sont probants. On a des champions d'Europe, des filles qui sont en passe de disputer un titre européen EBU, un organisme reconnu.
"On est à 5.5M€ de budget global. Si on n'est plus olympique... je n'ose même pas l'imaginer"
Quels sont les axes à cibler pour retrouver de l'intérêt auprès du public au sens large ?
Si on empêche certains clubs d'organiser des combats avec des ceintures intermédiaires, on n'aura plus de compétition à mettre en lumière au niveau territorial. Il faut louer leur travail et voir ce qu'on peut faire notamment en termes de modèle économique, de taxes. Pareil au niveau des frais mis en place pour les organisateurs des ceintures car la FFB prend à sa charge tous les contrôles antidopages, à chaque fois entre 1200 et 1500€. On n'est pas resté les mains dans les poches. Il y a un projet de labellisation des clubs organisateurs pour les classer et aller chercher plus d'argent auprès des collectivités. Il y a un public pour la boxe, avec parfois des assistances de 4 à 5000 spectateurs. Ce n'est pas le MMA qui nous étouffe. La boxe a une histoire, le MMA construit la sienne. C'est une discipline associée qui se suffit à elle-même et qui prendra son envol à moyen terme dès qu'il sera prêt à le faire. J'ai lu qu'une des premières missions était de mettre le MMA dehors. Or il y a 4 ans, la FFB s'est engagée auprès du ministère pour accompagner le MMA. On ne va pas les jeter comme des malpropres alors qu'ils sont en train de se construire et de se structurer et que ça intéresse le public ! Mais ce n'est pas ça qui va tuer la boxe, la boxe n'a pas besoin du MMA pour se suicider si on continue dans cette voie.
Vos opposants estiment que vous n'êtes pas assez présent au sein des instances internationales. Que répondez-vous ?
On m'a reproché de ne pas être assez parmi les instances lors des JO et de ne pas avoir pu défendre la médaille d'or de Sofiane Oumiha. Mais quelles instances ? J'étais à l'IBA, à la commission technique et des règles jusqu'à encore il y a quelques années. Ensuite, entre les problèmes et les exactions, ce qui a été fait et dit par l'IBA, je me suis retiré de toutes mes fonctions et tout groupement EUBC (la confédération européenne sous la direction de l'IBA, ndlr). Je ne voulais pas travailler avec quelqu'un qui nous amène tout droit hors du programme olympique.
C'était après le congrès d'Erevan en 2022 ?
Même avant. Quand Umar Kremlev est arrivé aux commandes en 2020, je n'ai plus candidaté à rien car, quand on ne croit pas en quelque chose, on ne peut pas s'engager avec quelqu'un. La seule certitude que j'avais, c'était qu'à vouloir faire le bras de fer avec le CIO, on avait beaucoup à perdre et pas grand chose à gagner. Je ne me suis pas trompé.
L'interview de Boris van der Vorst est à retrouver ici
Quelle est votre degré de proximité avec Boris van der Vorst, le fondateur de World Boxing ?
Boris est un copain et la victime de Monsieur Kremlev (en 2022, en Turquie, 5 candidats dont van der Vorst ont vu leur liste invalidée à la veille du vote, ndlr). Le TAS a obligé à refaire des élections lors du congrès d'Erevan en 2022 mais cela n'a pas abouti (une question préliminaire avait été soumise : "voulez-vous voter pour une nouvelle élection du président ou non ?". Le non l'a emporté et Kremlev a conservé son nouveau mandat de 4 ans, ndlr). Il a donc créé World Boxing avec les Anglais et les Américains. Je n'ai pas voulu m'engager trop tôt dans cette démarche car avant de quitter quelqu'un, il faut savoir ce que propose l'autre. Par ailleurs, nous étions pays organisateur des JO. J'ai donc dit à Boris que je ne voulais pas engager la France dans une procédure qui part sur des fondements pas encore existants. World Boxing s'organisait et l'IBA proposait des tournois et des compétitions à nos athlètes pour préparer les Jeux, J'avais en tête qu'il fallait d'abord que nos athlètes se préparent au mieux. Je suis resté fixé sur cette démarche d'attendre la fin des JO. Nous sommes dans le cadre d'une élection un peu particulière, nous allons respecter l'étique et la démocratie et laisser les gens qui vont voter le 14 décembre prendre la décision et valider la décision du comité directeur. J'ai envoyé le courrier de David Lappartient à l'ensemble du comité directeur et, unanimement, il a décidé de quitter l'IBA pour aller vers World Boxing. Financièrement parlant, il y a de l'argent gelé depuis Rio 2016 qui revient à chaque fédération à la fin des JO : cela constituerait un fonds de roulement pour World Boxing.
Justement, quel est le budget de la FFB et quel serait-il si la boxe n'était plus olympique ?
Aujourd'hui, on est à 5.5M€ de budget global. Si on n'est plus olympique... je n'ose même pas l'imaginer. Il faudrait réduire le personnel, notamment les cadres techniques puisque les fédérations de sports de combat qui ont à peu près le même nombre de licenciés mais ne sont pas olympiques en ont 3 ou 4. Nous, c'est 24 ! Certains font le mauvais calcul en disant qu'on va tout reverser à la boxe professionnelle. Mais c'est faux ! La fond du travail reste la base de la pyramide : accueillir les jeunes, les accompagner, les fidéliser. Par rapport à l'an dernier, on a entre 10 et 15% de licenciés en plus car le projet olympique a une résonnance unique et les JO à domicile ont touché les gens. La boxe se démocratise : il y a la compétition mais aussi différentes formes de pratique. On a élargi l'offre au sein de la fédération et c'est pour ça qu'on a augmenté les effectifs. On a du handisport, des projets médico-sportifs, la boxe éducative qui est une grande part de nos effectifs avec une pratique sécurisée. Il y a ceux qui veulent devenir champion du monde mais d'autres viennent s'amuser ou perdre du poids. La boxe est à la mode, on le voit par exemple dans le monde de l'entreprise, et ce serait vraiment dommage de donner un coup d'arrêt brutal à notre sport parce qu'on perd la légitimité d'être sport olympique. C'est ça qui m'angoisse, la seule chose qui me réveille la nuit. Pour moi qui suis un Olympien, cette perte au sein du projet fédéral n'est pas envisageable.