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Exclu - Samuel Sánchez : "Le grand départ du Tour à Bilbao, personne n'est prêt à ce qui va se passer !"

François Miguel Boudet & Sébastien Gente
Interview Flashscore - Samuel Sánchez (champion olympique) :  "Le grand départ du Tour à Bilbao, personne n'est prêt à ce qui se passer !"
Interview Flashscore - Samuel Sánchez (champion olympique) : "Le grand départ du Tour à Bilbao, personne n'est prêt à ce qui se passer !"Profimedia
Champion olympique en 2008, 5e et meilleur grimpeur du Tour de France en 2011, Samuel Sánchez a beau être Asturien, il a été biberonné au cyclisme basque. Formé chez Euskaltel-Euskadi, consultant sur la radio nationale espagnole et Eurosport, il attend avec impatience le grand départ de la Grande Boucle à Bilbao qui promet d'être une immense fête populaire, à la hauteur de la passion des Basques pour le cyclisme.

Le Tour de France s'élance de Bilbao. Vous êtes Asturien de naissance mais vous avez été formé à Euskaltel-Euskadi où vous avez passé une grande partie de votre carrière. Que représente ce grand départ pour la région ?

Le Pays basque est le berceau du cyclisme espagnol. C'est là qu'il faut courir pour devenir cycliste professionnel, pour les générations passées comme actuelles. Il y a des courses de juniors, cadets, moins de 23 ans, élite. Cette culture ne s'arrête pas au cyclisme particulièrement mais concerne le sport en général parce que c'est un style de vie qui va au-delà de la simple pratique physique. Cela se voit également au niveau professionnel. En cyclisme, Euskaltel-Euskadi a été capable de rassembler un engouement immense autour de son maillot orange, d'une manière inédite. Les gens étaient de vrais supporters.

Euskaltel-Euskadi était bien plus qu'une simple équipe et l'identification des Basques était totale. 

Si on veut comparer, cela ressemble beaucoup à ce que l'on voit avec l'Athletic à Bilbao. C'est très sembable, car les cyclistes de l'équipe étaient nés ou formés au Pays basque. J'ai fait partie de la deuxième catégorie. Je suis arrivé à 18 ans, j'ai fait partie des catégories de jeunes avant d'appartenir à l'équipe professionnelle. L'équipe actuelle n'est plus celle que j'ai connue, même s'il y a toujours ce maillot orange et l'idée directrice est conservée. À mon époque, c'était une petite équipe, capable d'être grande et de regarder dans les yeux des formations plus puissantes, avec toujours cette volonté d'attaquer, d'attaquer, d'attaquer. On était Astérix et Obélix (rires). 

Et les Pyrénées étaient le village gaulois au mois de juillet ! 

Voir des ikurriñas (les drapeaux basques, ndlr) est habituel et les routes étaient complètement orange. Euskaltel-Euskadi avait une capacité de rassemblement inédite qui allait au-delà des frontières du Pays basque. Nous avions de nombreux supporters sur toutes les courses, pas uniquement sur le Tour ou la Vuelta. 

Vous êtes des Asturies, une région du Nord de l'Espagne qui partage des points communs avec le Pays basque. Cela vous a aidé dans votre adaptation ?

Les Asturiens et les Basques ont de nombreuses similitudes. Ce sont des gens rugueux, durs, forts, qui ont connu des batailles, des temps difficiles. Et, puis il y a la toponymie, avec les montagnes et les vallées, sans oublier le climat, l'élevage, la gastronomie, le cidre évidemment. Beaucoup de Basques viennent l'été dans les Asturies parce que les montagnes sont plus élevées, il y a moins de monde et plus de parcs naturels. Donc, ils viennent marcher, faire du vélo... et manger, parce qu'ici, on mange vraiment très bien (rires). 

Existe-t-il un héritage entre la première Euskaltel-Euskadi qui s'est arrêtée en 2013 et la version actuelle ?

Premièrement, il faut rappeler que les deux équipes n'ont plus rien à voir. À mon époque, c'était une équipe de World Tour avec un budget aux alentours de 15 millions d'€. L'équipe actuelle, je ne sais même pas s'il y a 2 millions d'€. C'est désormais une équipe Continental, c'est-à-dire qu'elle ne participe à aucun Grand Tour. Quand j'y étais, il y avait des coureurs de premier plan : Iban Mayo, Haimar Zubeldia, Jonathan Castroviejo, les frères Gorka et Ion Izagirre, Mikel Landa, Igor Antón, Egoi Martínez, Pello Bilbao. Aujourd'hui, il n'y a plus le budget pour recruter et conserver les meilleurs. C'est comme partout : si tu n'as pas l'argent suffisant... Les équipes du World Tour peuvent, elles, acheter les plus hauts potentiels et gagner des courses. D'ailleurs, on voit bien que ce sont quasiment les mêmes qui se taillent la part du lion : Tadej Pogacar, Wout van Aert, Mathieu van der Poel, Primoz Roglic, Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel. Euskaltel-Euskadi veut servir de porte d'entrée à ce monde-là en étant le centre de formation du Pays basque. En somme, la version actuelle ressemble à celle que j'ai connue quand je suis passé professionnel, en 2001 : une petite équipe, jeune, où l'on apprenait le métier. J'aimerais que l'équipe retrouve un budget conséquent pour rassembler les meilleurs Basques et ceux qui ont été formés au Pays basque. Il ne faut pas omettre que l'essentiel des grands coureurs espagnols ont soit couru au Pays basque, soit porté les couleurs d'une équipe de la région. Il y a plusieurs équipes filiales (Caja Rural, Euskaltel-Euskadi, Kern) qui sont au Pays basque et qui forment des coureurs de tout le pays qui iront ensuite dans des formations plus puissantes avec des salaires plus élevés. Le budget définit toujours les objectifs, pour les coureurs mais aussi pour tout l'encadrement technique. 

Chapeau !
Chapeau !Profimedia

Pensez-vous que les 3 étapes au Pays basque seront de nature à encourager les investissements dans le cyclisme local ? 

Ça va être exceptionnel et je ne risque pas de manquer ça, d'autant que je suis consultant pour la Radio Nacional Española. Le grand départ du Tour à Bilbao, je crois que personne n'est prêt à ce qui va se passer ! Déjà, lors d'une étape de la Vuelta en 2016, ça avait été exceptionnel. Mais, là, pour le Tour, ça va être immense. Il n'y a plus une chambre d'hôtel de libre, toute la ville est surexcitée. L'impact économique sera énorme, comme la publicité pour le tourisme. Et, cette exposition aura des conséquences sur le cyclisme basque, en tout cas c'est ce que nous espérons tous. Les entreprises verront que le cyclisme est un sport global sur lequel on peut investir, avec une exposition médiatique énorme notamment via la diffusion TV. Ce serait bien de retrouver l'Euskaltel-Euskadi d'antan et d'avoir d'autres équipes aussi parce que beaucoup de coureurs talentueux doivent arrêter par manque de débouchés professionnels. Il se passe la même chose qu'en Italie, avec aucune équipe dans le World Tour.

Vous dirigez une académie de cyclisme dans les Asturies ?

Effectivement, nous avons 40 coureurs de 9 à 18 ans. D'ailleurs, cet été, nous allons courir en France. Nous sommes invités pour une course UCI en Bretagne cet été, à l'invitation d'Yvon Ledanois que j'ai côtoyé chez BMC. C'est la première fois en sept ans d'existence. Nous avons déjà sorti des coureurs, comme Iván Romeo qui évolue aujourd'hui chez Movistar. Il a fait un an chez les juniors sous les ordres d'Axel Merckx avant d'arriver directement chez les pros. Nous avons parmi nous les fils de Joseba Beloki et Carlos Sastre. Nous faisons les courses du calendrier espagnol et quelques-unes à l'étranger. Il s'agit de former des coureurs mais aussi des personnes parce que le cyclisme est une école de la vie. Il faut être réaliste, peu d'entre eux seront professionnels un jour mais leur apprentissage leur restera pour leur vie étudiante et plus tard dans le monde du travail où la détermination et l'ambition sont importantes. 

Vous aimeriez avoir une équipe professionnelle comme Alberto Contador qui est co-propriétaire d'Eolo-Kometa ?

Sincèrement, ça me plairait mais pas une World Tour, parce que gérer un budget de 20 millions d'€ promet surtout des maux de tête (rires). C'est très difficile mais je n'y renoncerai pas, évidemment, si j'en avais l'opportunité. J'aimerais bien diriger une Continental pour former et aider les futures stars. Actuellement, il manque des talents dans les catégories inférieures. Beaucoup de cyclistes débarquent chez les pros mais ne peuvent pas s'adapter à ce monde par manque de formation préalable. En Espagne, les équipes ne signent que ceux qui gagnent des courses et je pense que c'est une erreur. Dans une équipe, tu as besoin de sprinteurs, des rouleurs qui peuvent performer en contre-la-montre, des gregarios qui savent donner les bidons, des baroudeurs. Tout le monde ne peut pas gagner mais on peut faire carrière en aidant ceux qui gagnent. Et, ça, ça s'apprend dès les juniors, jusqu'en Continental. Pouvoir aider et expliquer en quoi consiste ce métier, cela me plairait beaucoup. Ce serait très égoïste de ne pas partager tout ce que j'ai appris dans ma carrière et toute mon expérience. 

Vous avez été champion olympique en 2008. On dit souvent que la valeur d'une victoire se mesure aussi aux adversaires battus. En l'espèce, il s'agit de Davide Rebellin (qui sera déclassé a posteriori) et Fabian Cancellara. Difficile de faire mieux !

La course olympique, plus que n'importe quelle autre, va au-delà de l'aspect purement sportif. Il y a une composante sociale importante parce qu'il y a une dimension patriotique et une rivalité entre pays au niveau du tableau des médailles. Même ceux qui ne s'intéressent pas au sport ont un œil sur les JO, d'autant que c'est l'été et que tous les médias ne parlent que de ça. Mon titre a dépassé les frontières de mon sport. La course s'est déroulé le premier weekend, avec l'arrivée jugée vers midi en Europe. Donc l'Espagne a commencé la journée avec une médaille d'or. Le cyclisme est un sport très populaire et tout ça ajouté m'a offert un regain de médiatisation. En Espagne, je ne suis pas connu pour avoir remporté le classement de la montagne ou avoir des victoires d'étape sur le Tour et la Vuelta. Les JO, c'est au-dessus en termes de reconnaissance, même si les gens ne se souviennent pas toujours dans quelle discipline j'ai gagné (rires). 

Oui, c'est bien une vraie !
Oui, c'est bien une vraie !Profimedia

Le cyclisme est un sport dangereux et le décès tragique de Gino Mäder l'a malheureusement rappelé. Au-delà des coureurs professionnels, le nombre d'accidents sur la route reste très important, à tous les niveaux et même avec des pratiquants chevronnés comme Davide Rebellin, tué par un poids lourd quelques semaines après sa retraite sportive. 

La pratique cycliste est périlleuse comme le ski ou les sports mécaniques car il s'agit de sports en extérieur, au milieu de la nature, avec de la vitesse. Parfois, il y a des tragédies, un accident mortel. C'est souvent un mauvais concours de circonstances, le destin. Je suis déjà tombé à plus de 60 ou 70 à l'heure et je me suis relevé immédiatement. Une journée de compétition, c'est généralement 180 kilomètres, des montées, des défenses, c'est très difficile. Il faut toujours essayer d'améliorer la sécurité mais tu n'es pas sur un circuit. Pour ce qui est des cyclotouristes, il s'agit d'une prise de conscience globale des automobilistes. Il faut respecter tous les usagers de la route, surtout qu'à vélo, un contact peut mener au pire. On voit qu'il est difficile de faire comprendre ce partage de la route et il y a des drames tous les ans. 

Poursuivons sur une note plus joyeuse. Vous avez commencé par la moto grâce au garage de votre père, vous avez été un grand cycliste et vous êtes désormais champion d'Espagne des + de 40 ans de ski. La vitesse a toujours été en vous. 

Quand il arrête sa carrière, un sportif est toujours en quête de cette adrénaline et ressent un besoin de compétition. On cherche une nouvelle motivation, de nouveaux objectifs. Je pratiquais le ski quand j'étais enfant mais j'ai dû arrêter quand je me suis consacré au cyclisme. Il y a une station près de chez moi et je me suis remis après mes 40 ans. Ma folie a atteint un point tel que j'ai passé mes examens de professeur de ski pendant la pandémie et j'ai ensuite participé aux championnats d'Espagne Masters en slalom géant. J'avais besoin de retrouver cette adrénaline, cette routine d'entraînement. Mais, surtout, je voulais retrouver m'amuser, faire du sport à l'air libre, en pleine montagne. Il y a beaucoup de similitudes avec le cyclisme, il faut ressentir les choses, percevoir les trajectoires, anticiper... mis à part qu'il n'y a pas de freins sur les skis (rires). Et, puis, on peut skier en famille, entre amis, tu peux faire de la compétition, voyager, c'est convivial. L'hiver, je ne touche presque plus le vélo. 

Vous faisiez partie des excellents descendeurs, au même titre que Vincenzo Nibali ou encore Paolo Savoldelli. Cette capacité est-elle innée ? 

J'ai d'abord appris à descendre à moto et ça m'a aidé plus tard sur le vélo. Pour autant, il y a beaucoup d'intuition pour comprendre une descente. Parfois, on peut donner l'impression d'être à bloc alors qu'en réalité, on est raisonnable et l'on ne descend qu'à 80%. Un cycliste qui n'aime pas descendre peut s'améliorer mais c'est très difficile. Savoir descendre est important car les courses peuvent se jouer là. Avec l'âge, on fait quand même beaucoup plus attention alors que, plus jeune, je ne me rendais pas compte que je pouvais me tuer. Ça c'était jusqu'à ce que je tombe fort et que je devienne père de famille. Tous les cyclistes ont connu ce sentiment. 

Samuel Sánchez est le dernier Espagnol à avoir ramené les pois à Paris
Samuel Sánchez est le dernier Espagnol à avoir ramené les pois à ParisProfimedia

Vous avez été maillot à pois en 2011. Sur le Tour, le meilleur grimpeur est aussi populaire que le Maillot jaune, voire davantage. Vous l'avez ressenti sur le bord des routes ?

Je m'en suis particulièrement aperçu à Paris, après la cérémonie protocolaire. Tous les cyclistes vont au même hôtel et je ne pouvais pas entrer ! Il y avait trop de monde qui me demandait un autographe ou une photo. Ensuite, dans les critériums en Belgique et aux Pays-Bas, c'était impressionnant aussi alors que j'étais avec Cadel Evans et Pierre Rolland. Ce maillot a quelque chose de spécial. Et, puis il m'a permis d'admirer les Champs-Élysées depuis le podium. 

Vous êtes le dernier Espagnol à avoir remporté ce maillot alors que Federico Bahamontes a été le roi de la montagne pendant très longtemps. 

Nous ne sommes pas nombreux à l'avoir amené jusqu'à Paris. L'un deux, Txomin Perurena est décédé tout récemment, le 8 juin dernier. Il a fallu attendre 34 ans et Carlos Sastre en 2008. À titre personnel, ça m'a permis de descendre les Champs avec mes coéquipiers, un beau moment. Pour Euskaltel-Euskadi, c'était un rêve devenu réalité d'être le meilleur grimpeur du Tour (Egoi Martínez l'avait également fait en 2009, ndlr).  

Le départ de Bilbao nous ramène aussi à 1992, au départ à Saint-Sébastien, et donc à Miguel Indurain. Il est discret dans les médias mais est-ce que son héritage demeure vivace en Espagne ? 

Il a toujours eu un caractère discret, il ne s'est jamais trop exposé, ni avant ni après sa carrière. Dans ma génération, on voulait être soit Perico Delgado, soit Miguel Indurain. Tous les Alberto Contador, Alejandro Valverde, Purito Rodríguez, Carlos Sastre, Joseba Beloki et moi sommes leurs fils. Je peux vous assurer que Miguel va bien, il continue de travailler avec des marques liées au cyclisme, il est en forme et j'ai même couru avec lui la semaine dernière ! 

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