Publicité
Publicité
Publicité
Publicité
Publicité

Jul, ou quand, même pour les JO, la France refuse obstinément d'être un pays de sport

François Miguel Boudet
Jul allume le chaudron olympique à Marseille
Jul allume le chaudron olympique à MarseilleAFP
Le rappeur le plus de streamé de France a allumé le chaudron olympique à Marseille, unique faute de casting d'une journée jusqu'à présent idyllique. Une fausse note qui a rappelé une nouvelle fois que le pays ne considère pas assez le sport, y compris dans une telle circonstance.

Rarement Marseille n'avait si bien été mis à l'honneur. Majestueux, le Belem bouchait le Vieux-Port, escorté par une nuée de bateaux. La parade du trois-mâts a duré plusieurs heures avant qu'il ne s'arrime au ponton et que Florent Manaudou, incarnation d'Apollon mettant le pied dans la cité fondée par les Grecs, ne surgisse, flambeau à bout de bras, aussi heureux qu'impressionné de représenter l'olympisme en France. Oui, il y avait de quoi être fier, plus que jamais, d'autant que l'engouement populaire ne s'est pas démenti avec près de 200.000 personnes pour recevoir ce symbole de fraternité comme il se devait, à l'image de ce qu'est Marseille depuis des siècles : une terre d'accueil. 

Puis le nageur a transmis la torche à Nantenin Keïta, athlète paralympique qui avait discouru devant le CIO le jour où Paris a enfin pu redevenir ville hôte. Tout cela était parfait, vraiment. Et puis est apparu un extra-terrestre. Ou plutôt l'OVNI : Jul. Star de la génération Z, le rappeur marseillais a embrasé le chaudron. 

Passons sur l'appréciation aléatoire de ses sons, incontournables pour les uns, purement inaudibles pour les autres. Ce n'est finalement pas tant la personne qui peut irriter, que l'absence de rapport avec le milieu du sport. Un artiste, c'est forcément clivant. Encore plus un rappeur. Or Tony Estanguet promet des Jeux olympiques universels, capables d'unifier les Français. Le COJO et, vraisemblablement, le président de la République qui n'a pu être exclu du final cut, n'ont pas été à la hauteur de l'instant, tout simplement. Il ne s'agit pas d'Aya Nakamura, victime d'une campagne réactionnaire alors qu'elle est l'artiste française la plus écoutée au monde aujourd'hui, qu'elle chantera Edith Piaf, artiste française la plus connue au monde, lors de la cérémonie d'ouverture et qu'elle restera donc dans son champ de compétence. Choisir Jul, c'était déjà choisir la discorde sur le sens de sa présence à ce moment précis. 

Pour un événement sportif, le moindre des respects aurait été de désigner... un sportif. Zinedine Zidane était plébiscité, à la fois enfant de Marseille et idole mondiale. Natif d'Aubagne et champion olympique du 100m nage libre à Londres, Alain Bernard aurait également été tout indiqué, comme Jackson Richardson, vainqueur de la Coupe des Coupes avec l'OM-Vitrolles en 1993, porte-drapeau à Athènes en 2004 et membre émérite d'une Équipe de France qui, en 1992 à Barcelone, a ouvert le chemin pour tout le handball français aujourd'hui champion olympique en titre chez les hommes et les femmes.

Dans un souci d'œcuménisme, peut-être aurait-il fallu, inspiré par la cérémonie d'ouverture à Vancouver en 2010, faire allumer ce chaudron d'une même main par plusieurs générations, avec Albert Corrieri, 101 ans et rescapé des camps de la mort qui porte la flamme aujourd'hui, un(e) minot(e), et plusieurs figures locales, sportives ou même culturelles, ce qui aurait validé la présence de Jul. Un moment d'unité en somme qui aurait représenté Marseille et le pays dans son entier. 

Le parcours de la flamme olympique existe seulement depuis 1928 et c'était donc la toute première fois que la France l'accueillait pour les JO d'été. L'instant était festif, mais aussi solennel. Il s'agissait à la fois d'immédiateté avec un partage mondial instantané sur les réseaux sociaux et de postérité, car ces images resteront pendant des décennies. Dans les deux cas, c'est loupé. 

Les possibilités étaient multiples mais la France n'a, même en une telle occasion, pas eu envie d'être un pays de sport. Jul avait toute sa place sur le parcours ce jeudi et il aurait même été anormal de ne pas l'y voir. Mais pas hier. Hier, c'était le jour du mouvement sportif français. D'ailleurs, même le rappeur donnait l'impression de ne pas vraiment savoir ce qu'il faisait là, balbutiant quelques mots entre deux "Merci la zone", ratant même son clin d'œil à son plus grand succès, parlant d'abord de "médailles d'argent" avant celles d'"or et de platine". Le pilier de la bande organisée n'était manifestement pas très organisé et, à quelques pas de lui, Florent Manaudou a dû se dire que ses propos sur le plateau de l'émission "Quelle époque" quant à l'absence de culture sportive en France ont rarement trouvé meilleure explicitation. 

Oui, les Jeux olympiques sont une fête, un moment de rassemblement, voire un temps suspendu. Mais c'est avant tout une compétition sportive qui rassemble l'élite de 43 disciplines. Il serait bienvenu de ne pas l'oublier et espérer, enfin, que la France ne traite plus le sport par-dessus la jambe et passe encore une fois à côté du sujet. 

France gouvernement

Les jeux d’argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d’argent, conflits familiaux, addiction…

Retrouvez nos conseils sur www.joueurs-info-service.fr (09-74-75-13-13, appel non surtaxé)