Karim Benzema, une histoire en clair-obscur jusqu'au bout avec les Bleus
"J’ai fait les efforts et les erreurs qu’il fallait pour être là où je suis aujourd’hui et j’en suis fier ! J’ai écrit mon histoire et la nôtre prend fin. #Nueve" : sur Twitter comme sur Instagram, Karim Benzema annonce qu'il ne reportera plus le maillot de l'Equipe de France.
A l'occasion de son 35e anniversaire, un hasard peut-être pas si fortuit, le Ballon d'Or 2022 a mis un terme à sa carrière internationale, quelques heures après une finale mondiale épique quoique perdue contre l'Argentine. Blessé et forfait quelques jours avant l'entrée en lice des Bleus contre l'Australie, Benzema n'a pu participer à la Coupe du Monde tout en restant officiellement dans le groupe, dernier chapitre d'une histoire contrariée, voire d'un rendez-vous manqué alors que, par son talent et son intelligence de jeu, il aurait dû rayonner pendant des années.
Un désamour de 1222 minutes effacé le 19 novembre 2013
Tout au long de sa carrière, Benzema n'a jamais fait l'unanimité avec l'Equipe de France. Cela remonte à loin. Le 15 novembre 2006, la France affronte la Grèce en amical. Raymond Domenech le convoque avec un certain Gonzalo Higuaín, né à Brest de parents argentins, à l'époque à River Plate et en contacts avancés avec le Real Madrid où il signera l'année suivante et où il sera mis en concurrence avec le Gone à partir de 2009 à défaut de l'être avec les Bleus puisque "Pipita" a logiquement opté pour l'Albiceleste.
Près de 6 ans plus tard, alors que Laurent Blanc est dans la dernière ligne droite avant l'Euro 2012, première compétition internationale après le fiasco du Mondial en Afrique du Sud, Benzema marque en amical contre l'Estonie le 5 juin. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il devra attendre 16 mois pour inscrire son 16e but avec les Bleus, contre l'Australie. En tout, une disette improbable de 1222 minutes qui fait de lui une véritable cible. Décrié, moqué, voire détesté, Benzema est pris en grippe. Jamais avare d'une polémique inutile et hors de propos, l'extrême droite lui reproche son manque d'attachement au maillot bleu en raison de ses racines algériennes. Cela en devient irrationnel. Injustement, il est associé à la grêve de Knysna... alors qu'il ne dispute même pas la compétition ! Qui aurait pu croire qu'il serait réclamé à cors et à cris quelques années plus tard, malgré les excellents résultats de l'Equipe de France ?
Pourtant, Benzema se rachète. Le 19 novembre 2013, il inscrit le 2e but français lors du barrage retour contre l'Ukraine (3-0), alors que les Bleus ont été battus (2-0) à l'aller. LE match fondateur de l'ère Deschamps. Au Brésil, l'attaquant du Real Madrid termine meilleur buteur de la sélection avec trois réalisations. Éliminée en 1/4 de finale contre l'Allemagne, futur vainqueur, la France se rachète de Knysna et Benzema fait partie de cette reconstruction. Mais l'histoire s'arrête en 2015.
Sextape, Manuel Valls et provocations
Avec l'Euro à domicile en ligne de mire, difficile de trouver meilleure motivation. Mais cet élan est stoppé net par l'affaire de la sextape de Mathieu Valbuena. Au milieu d'un chantage, Benzema est embringuée dans une histoire vaseuse de moeurs qui n'a pris fin qu'en juin 2022, avec une condamnation à un an de prison avec sursis. Si la carrière internationale de Valbuena s'est brisée net alors qu'il était victime, Benzema reviendra en Bleu... 6 ans plus tard.
Mis sous pression par le pouvoir politique, le Premier Ministre Manuel Valls en tête, Noël Le Graët et Deschamps écartent le buteur un certain temps. Mais au lieu de faire profil bas, Benzema réplique. En affirmant dans Marca que le sélectionneur "a cédé sous la pression d'une partie raciste de la France" quelques jours après avoir remporté la Ligue des Champions, il attise les rancoeurs. Comme prévu, il ne fait pas partie du groupe qui achèvera sa course en finale contre le Portugal. Les Bleus reconquièrent le public français sans lui.
Or ses performances en club continuent d'en faire un postulant et ses supporters ne manquent pas de réclamer son retour en équipe nationale. Ni clairement écarté ni pleinement considéré, Benzema ne sera pas champion du monde en 2018. Son utilisation des réseaux sociaux où il like des piques à l'encontre de Deschamps et d'Olivier Giroud ne contribue pas à apaiser les relations.
Mais comme il a pu le faire avec plusieurs joueurs en club comme en sélection, Deschamps efface l'ardoise. Benzema fait son retour pour l'Euro 2021. Un comeback désiré par beaucoup mais qui ne ravit pas de nombreux coéquipiers éminents. Le bateau bleu se fracasse sur l'écueil suisse dès les 1/8 de finale. Émancipé de l'ombre de Cristiano Ronaldo au Real Madrid, il devient Ballon d'Or. A l'approche du Mondial, son association avec Kylian Mbappé fait saliver.
Mais les doutes arrivent en provenance de Madrid. La surcharge musculaire s'éternise. Au Qatar, son corps lâche avant le 1er match. Son entourage accuse le staff médical français qui estime que le joueur a caché l'état véritable de sa blessure. La France gagne de nouveau sans lui et se qualifie en finale. Lui poste un énigmatique "ça ne m'intéresse pas" sur les réseaux sociaux entre autres messages sybillins... comme ce tweet publié ce 19 décembre, qui coïncide avec son 35e anniversaire. Pas tout à fait clair, pas tout à fait limpide, à l'image d'une carrière internationale qui n'a jamais décollé.
