La gestion du cas positif de Jannik Sinner discrédite la lutte antidopage dans le tennis
Un numéro 1 mondial de tennis pris par la patrouille, voilà qui fait mauvais genre, surtout quelques semaines après avoir remporté l'Open d'Australie et au lendemain d'une victoire au Masters 1000 de Cincinnati. À Indian Wells, dans la première quinzaine de mars, Jannik Sinner a subi un contrôle positif au clostebol, confirmé par l'échantillon B. La dose retrouvée dans son urine est risible : moins d'un milliardième de gramme. Suffisant néanmoins pour être en infraction et donc être suspendu. Mais comme c'est souvent le cas quand il s'agit d'une star, l'affaire n'a pas été immédiatement éventée. Il a fallu attendre près de 6 mois pour que ce soit révélé au grand public.
La première surprise dans cette affaire est d'avoir débaroulé au su de tous. Le microcosme bruisse de nombreuses rumeurs concernant des figures très connues du tennis des 20 dernières années, jamais sorties au grand jour et impossible à évoquer sans risquer le procès en diffamation.
Dans son autobiographie, Andre Agassi a avoué que, dans un autre siècle, il avait été contrôlé positif et que cela avait été étouffé par les dirigeants de l'époque. Les choses n'ont guère évolué depuis. Pour autant, après Simona Halep, voilà Sinner mis sous le feu des projecteurs. Mais là où la Roumaine avait d'abord été suspendue 4 ans avant de sortir blanchie après des moins de procédure et d'arrêt, l'Italien a pu continuer à jouer, interjeter appel dans le plus grand secret et ressortir propre... ou presque puisqu'il est privé des points gagnés sur la période ainsi que de ses gains. Innoncent mais pas trop.
Halep a réagi via une story Instagram, de manière sybilline, avec une situation du poète Nicolae Iorga : "celui qui vous a fait une injustice n'a pas une dette envers vous, mais une dette envers lui-même". Rappelons que, dans son cas, son entraîneur se nommait Patrick Mouratoglou, une vedette du coaching, propriétaire de sa propre académie, consultant TV et, en l'espèce, coupable d'une négligence avérée par lui et son staff, ce qu'il a reconnu. La joueuse a été punie, pas lui.
Évidemment, les pairs de Sinner ont réagi, notamment ceux qui ont connu pareille mésaventure mais sans bénéficier d'une quelconque mesure de clémence. La justice sportive est, comme toute justice, à plusieurs vitesses et selon que vous serez puissants ou misérables, et caetera, et caetera. Les règles ne sont pas les mêmes pour tous et cela pose d'autant plus de questions que le calendrier est plus surchargé que jamais, ce qui pousse à l'urgence en matière de blessures. Par ailleurs, l'usage de la pharmacopée légale, augmentée par les AUT, a créé une zone grise et la lutte anti-dopage ayant par essence du retard, les produits légaux d'aujourd'hui peuvent être les proscrits de demain.
La question principale du cas Sinner est la suivante : a-t-il voulu délibérément se doper pour améliorer ses performances ou revenir plus tôt de blessure ? Par conséquent, deux réponses s'opposent : soit il est innocent, soit il est coupable. Il existe plusieurs nuances d'innocence et de culpabilité mais ce qu'il en ressort, c'est que la différence de traitement rend louche et donc discrédite la lutte antidopage dans le tennis. Une nouvelle fois.