Lancé par Bielsa il y a 9 ans, Boutobba revient à Marseille avec Clermont, après moult pérégrinations
Il n'a fallu guère plus de 6 minutes pour que Bilal Boutobba passe de l'anonymat à la renommée, celle d'un joueur qui, à tout juste 16 ans, 3 mois et 5 jours, allait se transformer en présent et futur de l'Olympique de Marseille. L'histoire était magnifique : un minot arrivé à l'OM à 8 ans qui, sous les ordres de Marcelo Bielsa, était lancé en Ligue 1. Or, deux bouts de matches plus tard, Boutobba n'a plus jamais reporté le maillot de sa ville natale.
Très haut, trop tôt
De son entrée en jeu contre Monaco à la mi-décembre 2014 au dernier quart d'heure contre Nice, 5 semaines se sont écoulées. Des débuts précoces qui donnent envie de regoûter au plus vite au très haut niveau. L'ailier droit patiente un an, mais ne retrouve pas le groupe professionnel et il ne signe pas son premier contrat pro à l'OM.
Il rejoint le Séville FC et apprend le métier avec le filial qui évolue en Segunda. Deux titularisations et 9 entrées en jeu en 2016-2017 l'année du maintien, 13 apparitions dans le XI de départ la saison suivante qui s'achève sur une descente. Le Marseillais n'apparaît plus sur le terrain à partir de la 38ᵉ journée et n'est pas davantage utilisé au moment de reprendre à l'étage inférieur.
Ce départ à l'étranger a été une erreur, de son propre aveu. "Je pensais que ce ne serait que du tiki-taka, mais, en réalité, il y avait aussi beaucoup de travail physique, a-t-il expliqué sur le site officiel de la Ligue 2 en mars 2022. C’est quelque chose que je n’avais pas imaginé avant d’arriver là-bas."
Il avait signé 4 ans, mais, après deux saisons, il résilie. "Je pensais que j’allais jouer directement, relatait-il. Avec le recul, je sais que le club voulait me préparer pour le futur et me lancer au bon moment avec l’équipe première. À l’époque, je ne l’avais pas perçu de cette manière. Je me comportais comme un enfant : je boudais. Donc, le coach m’a vite mis de côté. Je n’ai pas beaucoup joué la première saison, un peu plus la deuxième, mais j’ai totalement lâché mentalement".
Comme beaucoup de joueurs avant lui, la nuit sévillane l'a fait dévier de ses objectifs initiaux. Il revient alors en France, à Montpellier, sans guère de succès : 35 minutes au total en deux ans. S'il joue en National 2, ce n'est pas ce qu'il espérait : "au fil des entraînements, j’ai compris que mon jeu et mon gabarit ne correspondaient pas au style de l’équipe, qui était dans l’impact physique et les duels aériens. C’est sûr que, moi, je n’allais pas prendre beaucoup de ballons de la tête".
Niort pour enfin se lancer
Boutobba lance véritablement sa carrière à Niort, en 2020. En Ligue 2, il s'impose et enchaîne les matches : 35 matches dont 25 titularisations (3 buts, 7 passes décisives), 37 dont 35 titularisations (7 buts, 7 passes décisives) et 35 matches dont 34 titularisations (11 buts, 5 passes décisives).
Une éventualité qu'il n'avait pas vraiment envisagée, comme il l'a expliqué dans Onze Mondial : "avant, quand je voyais la Ligue 2, je me disais jamais, je ne dois jouer dans ce championnat. Pour moi, c’était des bourrins qui passaient leur temps à casser et à dégager. Quand j’ai joué, je me suis rendu compte que non. On joue contre des équipes qui cherchent à jouer au ballon. C’est vrai qu’il y a beaucoup de duels. Mais il y a plus de jeux combinés que de duels".
Chez les Chamois, il trouve la régularité au sein d'un club en proie à des difficultés institutionnelles et sportives. Après avoir assuré leur maintien lors du barrage contre Villefranche-Beaujolais en 2021 et s'être maintenu sans souci en 2022, Niort sombre en National au terme d'une saison catastrophique, mais qui a permis à Boutobba de maintenir sa réussite offensive.
Sous les ordres de Sébastien Desabre, actuel sélectionneur de la République démocratique du Congo, Boutobba travaille et met sa carrière à l'endroit pour ne pas être affublé du statut d'espoir déchu.
"En plus de la finition, il m’a beaucoup fait progresser sur le travail défensif. Comme il ne rigole pas avec les replis défensifs et les transitions, j’étais obligé de m’améliorer et de passer un cap tactiquement. Honnêtement, avant, je faisais les replis sans vraiment les faire, mais, grâce au coach, j’ai compris que ça me portait préjudice de faire ça. Désormais, j’ai conscience de l’importance du rôle que je dois occuper dans l’animation défensive de l’équipe et je sais comment je dois me placer sur le terrain."
Désormais capable de jouer à l'intérieur et de ne plus se cantonner au couloir, Boutobba apprend aussi à multiplier les courses et à ne pas exiger systématiquement d'avoir le ballon dans les pieds. Excellent dribbleur, il a développé d'autres atouts, en dépit de la descente de Niort, actée très tôt la saison dernière.
Dans la rotation à Clermont
De quoi convaincre Clermont de recruter un joueur qui a fait ses preuves dans la tempête. Prémonitoire ? Les Auvergnats sont avant-derniers du championnat. Pour l'heure, le Marseillais n'a été titularisé que deux fois, mais fait partie de la rotation de Pascal Gastien avec 11 entrées en jeu.
Avant la réception de Lille la semaine dernière, il a assuré en conférence de presse que les joueurs gardaient confiance : "il ne faut pas qu’on perde espoir, sinon on va couler. C’est là qu’on est un bon groupe, même si l’on perd des matchs, on reste tous soudés. J’ai connu des saisons galères où c’était compliqué, surtout l’année dernière où j’ai connu cette situation-là. Là, il n’y a pas tout ça, c’est pour ça que je sens qu’on va s’en sortir". Clermont a obtenu le nul (0-0) à Gabriel-Montpied et lui a disputé les 20 dernières minutes.
Si Boutobba doit encore apprivoiser le rythme de la Ligue 1, on imagine sa joie de découvrir le Vélodrome. Neuf ans quasiment jour pour jour après ses débuts avec son club formateur, le voilà de retour, après des détours qu'il n'aurait pas imaginés.
"Quand on commence très tôt, soit ça passe, soit ça casse, estimait-il en 2022. Mais, honnêtement, je ne regrette pas. J'ai quand même appris beaucoup de choses. Pouvoir porter les couleurs de l’OM, c’est une chance unique. Aujourd’hui, je suis toujours le plus jeune joueur de l’histoire de l’OM, et j’en suis fier."