Le billet d'humeur de la 2e journée de repos : c'est gratuit et ça serait bien que ça le reste
Peut-on s'amuser sans être lourd ? Telle semble être la quadrature du cercle pour un nombre de plus en plus conséquent de spectateurs sur les bords des routes du Tour cette année. Longtemps ringard, le cyclisme est devenu à la mode et le vélo n'est plus un hobby de prolo. Les jeux vidéo de management et les fantasy leagues ont contribué à relancer l'intérêt pour la chose vélocipédique, d'autant que l'arrivée massive de jeunes champions charismatiques et showmen a ajouté de la passion, aussi bien pour les classiques que pour les courses à étapes.
Le Tour exacerbe les démonstrations de joie. Elles sont indissociables de cette grande fête à ciel ouvert. L'exubérance est bénéfique pour le spectacle mais, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les coureurs les stars, pas les spectateurs. Or on constate que de plus en plus souvent, cette notion est oubliée. Désormais, à chaque étape de montagne, il y a toujours plusieurs paires de fesses exhibées à la vue des caméras. Il est sans doute vrai que l'humanité ne pouvait manquer la vision de cette partie charnue de l'académie humaine. Comme si les ahuris qui continuent de courir à côté des coureurs, faisant là leur effort sportif annuel, ne suffisaient pas...
Drapeaux qui manquent d'attraper les rayons des roues, pots de fumée ouverts au passage du peloton, smartphones tenus à bout de bras sans jamais prendre conscience du danger pour soi et les autres : il faut montrer qu'on est venu et qu'on s'est fait remarquer d'une manière ou d'une autre pour, et c'est encore plus important, le partager sur les réseaux sociaux. Faut-il être idiot pour sembler cool ?
Ces comportements individualistes et égoïstes prêtent parfois à rire et font partie du paysage. Néanmoins, cette recrudescence peut mettre en péril un aspect inaltérable et propre au cyclisme : la gratuité. Aller voir des champions ne coûte aucun prix d'entrée. Rien n'est plus égalitaire que d'aller voir le Tour de France. Mais à force de menacer l'intégrité des coureurs, les organisateurs prendront un jour la décision de mettre des barrières partout avec de plus en plus de représentants de l'ordre pour sécuriser la route. Et puis viendra le jour où les accès seront tous payants, avec des fouilles, des buvettes où l'alcool sera prohibé, des zones VIP. Tout ça parce que des imbéciles n'ont précisément rien compris du sport qu'ils viennent voir.