Les Strade Bianche, une course à part qui a fait son chemin
Devenue si populaire auprès des coureurs que certains la désignent comme le "sixième Monument" du cyclisme, la course réunit un plateau relevé avec notamment Mathieu van der Poel et Julian Alaphilippe, même si Wout Van Aert et le vainqueur de l'an passé Tadej Pogacar ont fait l'impasse cette année.
"Le plus difficile ? Mais tout est difficile ! Ce ne sont que des montées et des descentes", raconte à l'AFP Fabian Cancellara, trois fois vainqueur (le record) sur la Piazza del Campo, la célèbre place incurvée où se disputent depuis des siècles les courses de chevaux du "Palio". Les succès du Suisse ont ponctué la jeune histoire des Strade Bianche.
Il a gagné la deuxième édition, en 2008, quand on l'appelait encore la "Monte Paschi Eroica". Quand il a récidivé en 2012, elle venait d'adopter son nom actuel, dû aux chemins blancs en terre jalonnant le parcours. La dernière, en 2016, est sa "plus belle" car décrochée lors de sa dernière saison comme professionnel.
"Cette course a vraiment quelque chose de particulier", souligne celui qui a su dompter les chemins et les "muri" (côtes) toscans grâce notamment à son passé en cyclo-cross. "Elle est importante, avant les classiques, pour tester ses jambes et son physique", ajoute le Suisse, 41 ans, qui estime que le profil convient à différents types de coureurs. À condition, évidemment, de ne pas être allergique à ces terribles chemins étroits et glissants.
"Cyclisme d'antan"
"Il se crée beaucoup de tensions, dès les premiers kilomètres. Avant chaque section de terre, c'est comme s'il y avait un sprint pour être devant pour éviter les chutes", explique à l'AFP Moreno Moser, seul Italien vainqueur, en 2013.
"Les sections sont si étroites que c'est vraiment une bagarre !", ajoute le jeune retraité de 32 ans. "J'ai toujours fait beaucoup de VTT pendant l'hiver. Cela m'a beaucoup aidé à être en confiance sur les chemins", développe-t-il, même si, en cas de chute devant soi, "il n'y a pas grand-chose à faire".
Julian Alaphilippe, victime d'une impressionnante chute l'an dernier, ne dira pas le contraire. Ces frissons, au-delà des magnifiques collines toscanes, expliquent selon lui le succès grandissant de la course : "Voir des coureurs couverts de poussière ou de boue, des vélos sales, des nuages de terre s'échappant du peloton, c'est spectaculaire et renvoie au cyclisme d'antan", souligne Moser. "La course sort des schémas traditionnels", assure Mauro Vegni, directeur du cyclisme chez RCS, l'organisateur.
Palmarès quatre étoiles
Il rappelle au passage l'importance de la technique : "Ce qui est difficile (sur les chemins, ndlr), ce ne sont pas tant les montées que les descentes où, à chaque virage, tu peux tomber." Pour les plus chanceux et les plus acrobates, la récompense est d'être le premier à aller cueillir l'ovation des tifosi dans l'ultime montée de la via Santa Caterina, à Sienne, avec une pointe à 16 % sur les pavés.
"À ce moment-là, l'adrénaline que te donne le public est si forte que tu ne sens plus rien, même pas le mal de jambes", se souvient Moser. Cette adrénaline, les meilleurs l'ont goûtée ces dernières années: Alaphilippe, Wout van Aert, Matthieu van der Poel ou Tadej Pogacar, les quatre derniers vainqueurs. Un palmarès luxueux qui confirme la montée en puissance de la course.
"À la première édition, on était un peu inquiet car c'était une course très différente de ce qui se faisait ailleurs. Mais elle est devenue un moment important du début de saison", se réjouit-on chez RCS, qui a développé en parallèle une version féminine ont la 9e édition aura également lieu samedi.
"Je ne me permettrais pas de la comparer à Paris-Roubaix et sa riche histoire, mais elle grandit peu à peu, avec sa particularité", conclut Mauro Vegni, en évoquant des audiences TV en "hausse" et "se rapprochant" du monument Milan-San Remo.