Lionel Scaloni, de 5e assistant de Sampaoli à sélectionneur comblé et ambitieux
Le 2 juin 2017, jour de l'investiture de Jorge Sampaoli (62 ans) comme sélectionneur de l'Argentine, la vie de Lionel Scaloni (44 ans) a basculé à jamais... mais lui ne le savait pas encore. Membre du staff technique du "Sabio de Casilda" lors de son premier passage à Séville, la carrière de technicien de l'ancien latéral de l'Atalanta et de la Lazio a connu un tournant lorsque l'urgence a conduit la fédération argentine à nommer celui qui, rétrospectivement, reste considéré par beaucoup comme le pire sélectionneur de l'histoire récente de l'Albiceleste.
L'aventure en Russie il y a 4 ans a été désastreuse pour l'Argentine avec un sélectionneur qui s'est empressé d'imposer rigueur et électricité dans un groupe pâle, incapable de proposer du jeu, de l'harmonie et des résultats. Perdre en 1/8 de finale contre la France (4-3), future championne du monde n'a pas été le principal défaut de Sampaoli. En fait, il lui été reproché d'avoir peu de caractère et peu de leadership lorsqu'il s'agissait de faire des choix techniques et surtout aucune velléité de créer un groupe.
Renversé par le pouvoir de la "mesa chica", c'est-à-dire la table où ne mangeaient que Lionel Messi (35 ans), Javier Mascherano (38 ans) et quelques autres amis choisis comme Ángel Di María (34 ans) et Sergio Agüero (34 ans), Sampaoli a été débarqué un an après son arrivée. Tout le staff a été liquidé, à l'exception de Scaloni, qui n'a pas suivi celui qui lui avait donné une énorme opportunité, mais qui a compris qu'il faisait face à une occasion exceptionnelle Au début, on parlait de trahison et d'opportunisme, mais la vérité est tout autre.
Une dette morale
En réalité, Scaloni ne devait presque rien à Sampaoli. Ou du moins, il avait été choisi comme assistant en raison d'une dette morale que l'entraîneur de Séville de l'époque devait à son père Ángel. Au début de sa carrière d'entraîneur dans la province de Santa Fe, Sampaoli a profité de son amitié avec Scaloni senior pour pouvoir obtenir ses premières affectations d'entraîneur dans des équipes de la province, quand le jeune Lionel débutait à Newell's Old Boys.
Environ 22 ans après la cimentation de cette amitié, Sampaoli a rendu la pareille au père en emmenant son fils comme cinquième assistant, d'abord à Séville puis avec l'équipe nationale. Une fois la faveur rendue, Scaloni Jr. ne s'est pas du tout senti obligé d'abandonner le bateau après le naufrage en Russie. Nommé sélectionneur par intérim, il a en effet été le seul du staff de Sampaoli à rester à bord. Un geste peu apprécié par Sampaoli lui-même, avec qui la relation semble désormais totalement terminée.
À partir de ce moment, Scaloni, néophyte du point de vue de la préparation tactique, a montré qu'il avait mûri son expérience de la Coupe du monde russe, où il avait été très proche de Messi et Mascherano, les deux joueurs les plus influents du vestiaire avec qui il avait disputé la Coupe du monde en Allemagne en 2006. Le meilleur des apprentissages pour un caractère calme mais résolu.
Créer un groupe
Loin du profil du stratège obsédé par le gegenpressing ou le tiki-taka, Scaloni a tout de suite compris que, pour conserver un emploi que beaucoup avaient refusé, à commencer par Diego Simeone (52 ans) et Mauricio Pochettino (50 ans), il devait miser sur l'harmonie humaine entre les joueurs.
Si l'Argentine arrive au Qatar avec un groupe uni, joyeux et ramant dans le même sens, c'est grâce à lui, qui a su patiemment nettoyer le bourbier des égos et des pulsions des joueurs, aujourd'hui plus ses amis que ses subordonnés. C'est toujours Scaloni qui a enrôlé Walter Samuel (44 ans), Roberto Fabián Ayala (49 ans) et Pablo Aimar (43 ans), trois experts talentueux avec de nombreuses victoires derrière eux et la bonne dose de méchanceté.
Avec suffisamment de temps, l'inclusion de joueurs fonctionnels et la conscience de devoir rendre Messi heureux sur et en dehors du terrain, l'ancien joueur de la Lazio a su se construire un mandat solide, joyeux et enthousiaste, passant de stagiaire à démiurge envers et contre tout, après des améliorations notables entrevues lors de la Copa América 2019.
La Copa América remportée l'an dernier, qui a rompu un jeûne de 28 ans, l'a consacré. Il est maintenant temps de s'étendre au niveau mondial, avec l'enthousiasme de tout un pays qui rêve de lui demander à nouveau pardon, quatre ans après une décision jugée hâtive et imprudente par beaucoup, et pas seulement par Sampaoli.