Malgré Caroline Garcia, le tennis féminin français est en eaux troubles
Un point chiffre d'abord. Il fallait appartenir aux 76 meilleures mondiales pour intégrer directement le tableau final de ce WTA 1000 d'Indian Wells. Souvent considéré comme le "5e Grand Chelem", l'évènement californien est sans aucun doute l'un des moments marquants de la saison. 76, et deux Françaises seulement : Caroline Garcia et Alizé Cornet.
Deux Françaises seulement en qualifications, et aucune n'a franchi le premier tour : les glorieuses anciennes mèneront seules la charge pour la France. Alors que la FFT regorge de jeunes talents qui ont brillé chez les juniors, la transition au niveau supérieur n'est pas un long fleuve tranquille.
Garcia, l'arbre qui cache la fôret
Le retour en grâce de Caroline Garcia, dans un sens, ne pouvait pas mieux tomber pour le tennis féminin français. En un sens, on tient enfin une top 10, ce qu'on attendait depuis Garcia elle-même période 2017-18, et une joueuse qui joue les premiers rôles sur les tournois importants et médiatisés.
Le gros problème dans ce cas de figure - et c'est toujours le même - c'est qu'elle est amenée à porter tout le poids des espoirs français à elle seule. Exemple à venir à Indian Wells. Alizé Cornet devrait franchir le premier tour, mais ce sera sans doute pour mieux mourir face à la récente lauréate de l'Open d'Australie, Aryna Sabalenka.
Ainsi, il ne restera que Garcia - exemptée de premier tour, mais qui pourrait bien débuter contre Danielle Collins, joueuse irrégulière au possible, mais tout de même finaliste de l'Open d'Australie 2022. Et perdre ce match est tout à fait envisageable. On pourrait donc se retrouver en 16e de finale sans joueuses françaises.
Bien sûr, on peut dire que le tirage au sort est coquin et peu favorable à nos Tricolores. Mais malgré tout le talent de Garcia, ce n'est pas l'assurance tous risques. Force est de constater que la n°5 mondiale a perdu tous ses matches cette saison contre des adversaires moins bien classées, dont cinq matchs sur six face à des adversaires hors du Top 10 mondial. Et deux défaites en deux finales pour fignoler le tableau.
Loin de nous l'idée de dénigrer ce qu'elle est en train d'accomplir, bien au contraire, tant ce retour de flamme était inattendu. Mais les meilleures sont les meilleures parce qu'elles performent sur la durée. Un bilan sera fait en fin d'année pour "Caro", une fois que l'on saura comment elle aura défendu tous ses points engrangés sur sa formidable deuxième partie de saison 2022, mais en attendant, un quart de finale - en théorie contre Iga Swiatek - sera déjà un résultat de qualité.
Quelle relève ?
Hormis Garcia, il y a donc Alizé Cornet. À 33 ans, la Niçoise navigue autour de la 60e place mondiale, mais surtout, elle est en fin de carrière. Si elle laisse planer le doute sur la date exacte, on espère qu'elle ira - grand maximum - jusqu'aux Jeux Olympiques 2024, même si les récents bruits font état de Roland-Garros ou Wimbledon 2023. Sans aucun doute, une joueuse marquante du tennis tricolore, elle va gérer au mieux sa fin de carrière, aucun doute là-dessus.
Et une fois que Cornet sera partie, Caroline Garcia risque bien de se sentir seule. Car la relève, on l'attend toujours. Pourtant, les Bleues brillent souvent chez les juniors, mais personne n'arrive à faire le grand saut. Soyons clairs, être un crack chez les juniors ne garantit en rien de faire carrière. Pour preuve, il faut remonter à 2005 pour voir une n°1 mondiale junior (Victoria Azarenka) qui deviendra une lauréate de Grand Chelem.
Le problème, c'est que la France compte deux n°1 mondiales juniors récentes : Clara Burel (2018) et Diane Parry (2019). Sans compter Elsa Jacquemot, lauréate de Roland-Garros juniors 2020. Aucune n'a réellement percé sur le circuit, malgré quelques fulgurances ça et là. Il faut laisser le temps au temps, comme dirait l'autre.
Le problème, c'est quand on regarde les lauréates de Grand Chelem juniors de 2018 à 2020. On n'y trouve rien de moins que la n°1 mondiale Iga Swiatek, Coco Gauff, et Leylah Fernandez. Soit une multiple lauréate de Grand Chelem séniors, et deux finalistes de tels tournois, dont une - Gauff - est solidement installée dans le top 10 mondial. Pas d'excuse de la jeunesse donc.
Mais alors quoi ? La régularité. La performance de Diane Parry, par exemple, lors du dernier Roland-Garros était enthousiasmante. Un troisième tour après avoir sorti la tenante du titre Barbora Krejcikova qui était porteur d'espoirs. En août, elle franchissait une nouvelle étape en disputant sa première demi-finale WTA à Granby, et un meilleur classement en carrière (56e). Depuis ? 50 places de perdues, un bilan de 2-7 sur le circuit WTA en 2023. La déconfiture.
En parlant de troisième tour parisien, celui de Léolia Jeanjean était franchement inattendu. Nantie d'une carrière atypique, elle semblait enfin lancée vers les sommets. Mais elle n'a gagné aucun match dans un tableau principal en 2023. On parle là des deux seules joueuses engagées dans les qualifications d'Indian Wells, qui se sont toutes deux inclinées d'entrée de jeu.
Clara Burel, elle, est dans le même cas. Capable de terrasser la lauréate de Wimbledon Elena Rybakina au premier tour du dernier US Open, elle a passé un tour lors du dernier Open d'Australie. Entre deux, elle roule sa bosse en 125K et tournois ITF. Ainsi, elle reste aux alentours du Top 100, mais ne fait pas parler d'elle, et limite ses chances de récolter d'autres résultats marquants.
Une stratégie employée par Océane Dodin, ce qui lui a permis de passer 97e après une finale ITF le weekend dernier. Jessika Ponchet et Elsa Jacquemot, elles, semblent vraiment un ton en dessous. Kristina Mladenovic, elle, est aussi en fin de parcours, et de toute façon bien plus concentrée sur le double, puisqu'elle a remporté le dernier Roland-Garros dans cette discipline, associée à... Caroline Garcia. Ça y est, on a fait le tour de toutes les membres du top 150, et rien à l'horizon.
Le fait que l'on s'enthousiasme à chaque fois qu'une Tricolore passe un tour en Grand Chelem montre à quel point nos standards ont baissé. Car la majorité du temps, il s'agit d'exploits sans lendemain. Certes, il est logique d'être surmotivé pour un tournoi majeur. Et l'on apprécie - en particulier à Roland-Garros - quand les invitées locales donnent tout sur le court.
Mais une saison, ce n'est pas que 4 Grands Chelems. Pour jouer à haut niveau, il faut le classement adéquat. Une lapalissade sans en être une, puisque si demain, Caroline Garcia se blesse, le tennis féminin français sera réduit à néant. Seulement, on ne voit pas l'ombre d'une joueuse prête à exploser. Et c'est bien là le problème.