Marie-Eve Paget : "Une capitaine se doit d'être exemplaire"
Comment ça va ? Le décalage horaire n'est pas trop difficile ?
Bien, en fait, j'avais tellement de sommeil en retard que je l'ai récupéré dès la première nuit. C'est plus de la fatigue que je dois récupérer là.
La nouvelle saison débute vendredi avec la SuperCoupe (contre Bourges, NDLR). C'est un trophée qui a de la valeur ?
Je pense qu'on a toutes envie de décrocher le premier titre de l'année, surtout qu'on l'avait laissé échapper l'année dernière. On est conscientes que si on ne l'a pas, ce n'est pas ça qui nous fera rater notre saison. Après, c'est toujours mieux de commencer par une victoire, pour se rassurer, ou en tout cas, même si le résultat n'est pas favorable pour nous, mettre les ingrédients pour que le contenu soit bon. C'est l'un de nos objectifs, on continue à travailler, on sait qu'on doit encore travailler les automatismes, on est un nouveau groupe, les internationales ont rejoint le groupe assez tard, il faut que tout ça prenne. Mais on va jouer ce match pour le gagner et avoir un premier titre cette année.
C'est un titre qui manque à ton palmarès en plus.
Oui, je ne l'ai pas celui-là (rires). C'est super ce match, mais d'un point de vue personnel, j'essaye toujours de comprendre pourquoi on fait ça maintenant alors que c'était plutôt avec les équipes de l'année dernière. Ok, ce serait cool de le gagner, mais j'ai d'autres objectifs et d'autres priorités avant celui-là. Mais je préfère tout de même y participer que le contraire (rires).
Tu seras encore capitaine de Basket Landes cette saison ?
Oui, capitaine, enfin co-capitaine avec Céline Dumerc qui sera là pour m'épauler.
Donc Céline Dumerc continue ?
Avec "Caps" on ne sait jamais. Elle ne s'est pas prononcée, donc je ne sais pas. Je pense que ça va dépendre de cette année, de comment elle se sent. Puis elle fera sans doute le bilan à l'intersaison, savoir si physiquement et mentalement, elle a toujours envie d'être là. On est dans l'optique que c'est sa dernière saison, donc on va en profiter comme si c'était le cas (rires) !
Et en tant que capitaine, arrives-tu à fédérer ton vestiaire ?
Quand on a la chance d'avoir de l'expérience, et un certain statut, la légitimité vient avec ça, mais pas que. Pour moi, le rôle de capitaine, c'est gratifiant, mais ce sont aussi beaucoup de responsabilités. Une capitaine se doit d'être exemplaire par rapport à ses autres coéquipières, mais doit avoir aussi un rôle fédérateur. Mais ce n'est pas pour ça que ça va changer quoi que ce soit pour moi, il y avait déjà beaucoup de choses que je faisais avant d'être capitaine. Je suis quand même très contente d'avoir ce rôle-là, et j'espère réussir à fédérer les filles, même si tout ne repose pas sur moi. On a de super joueuses, et il n'y a aucune raison que la mayonnaise ne prenne pas.
Cela s'est imposé un peu tout seul en somme ?
Oui, parce que je suis la deuxième plus ancienne de BL après "Caps", mon poste de meneuse de jeu aide sans doute aussi, mais c'est surtout le staff qui me fait confiance, me donne de plus en plus de responsabilités. En tout cas, je suis très contente d'être capitaine de cette équipe et de ce club qui a de belles valeurs, des valeurs qui me ressemblent beaucoup.
Et en tant que capitaine, quel regard jettes-tu sur la saison passée ? Étiez-vous frustrées de la façon dont les demi-finales se sont terminées ?
Oui et non. La saison dernière, ça reste une belle saison parce qu'on a pris un titre sur les trois possibles. Que ce soit en Championnat ou en Europe, on tombe contre une belle équipe de Bourges, mais on a livré de beaux combats. C'est la ligne directrice pour nous. La déception en Championnat vient du dernier match (match d'appui en demi-finales à Bourges, NDLR). Je te rejoins là-dessus, les regrets viennent vraiment de ce match. On aurait aimé aller en finale, ou au moins avoir un match serré.
Mais le vrai combat pour nous avait été de gagner le match 2 à la maison, quand on était très fatiguées. Ensuite, on a perdu Marine Fauthoux, qui était en pleine bourre. Après, on a pas trouvé les ressources. Bourges avait la pression sur le match 3, et elles ont bien géré, elles ont été plus solides que nous durant la série. Au final, on est restées sur notre faim sur la façon dont ça s'est terminé.
Mais ça reste une très belle saison, on a la Coupe de France, et même avec ça, on a gardé les crocs pour essayer d'aller chercher encore plus, alors qu'on avait déjà une Coupe et une qualification assurée en EuroLigue. On n'a jamais lâché, on en voulait plus, même si on a pas réussi à faire le doublé, on est passées proches du Final Four en Europe. Du coup, on a tout joué à fond, et peut-être qu'on l'a payé un petit peu sur la fin.
Vous avez des objectifs en termes de palmarès, ou c'est plutôt d'aborder chaque match pour le gagner ?
Plutôt dans cette optique-là, parce que chacun a ses propres objectifs, et personne ne réagit pareil. Certaines veulent être championnes, d'autres veulent gagner un titre, d'autres ne veulent pas annoncer d'objectifs pour ne pas être déçues. On est toutes là pour gagner et faire une grosse saison, mais l'objectif minimum de base du club, c'est de faire top 6 pour jouer l'Europe la saison prochaine. Et puis quand on a gagné un titre, on a envie de le défendre, donc j'aimerais retourner à Paris pour défendre le titre, faire mieux en Championnat, donc aller en finale, et faire mieux en EuroLigue. Mais l'objectif premier, c'est de réussir à former notre équipe, former un groupe, jouer parfaitement ensemble.
"J'ai essayé de tout donner à chaque fois pour aider l'équipe"
Avec les Bleues, vous êtes sorties en quarts de finale, ce n'est pas ce que vous attendiez. Qu'est-ce qui a primé, la satisfaction ou la déception ?
Le premier sentiment quand on sort du quart, c'est la frustration. Pas forcément sur ce match-là, parce qu'on a livré un beau combat contre la Chine, mais elles ont été meilleures que nous, notamment au tir, mais on a quand même su jouer les yeux dans les yeux avec elles. C'est plutôt sur le match contre la Serbie, parce que si on gagne ce match-là, on a un quart plus favorable. Après il faut le gagner hein ! Mais ça laisse plus de chances de rejoindre le dernier carré.
C'est plutôt ça qui est frustrant, mais après quelques semaines, on se dit que c'est un apprentissage. Beaucoup de filles n'oublieront pas ces moments-là lors des prochaines compétitions. On était plutôt dans la réaction, il faudra qu'on soit plus dans l'action lors des prochaines compétitions, en se disant "on sait ce qui nous attend si on ne fait pas le job, faut qu'on le fasse tout de suite".
Mais quelques semaines après, on peut être satisfaites. Il y a quelques chose qui s'est passé dans le groupe, d'un point de vue cohésion, quand on était en difficulté, on a su relever la tête. On a montré des choses qui sont de bon augure malgré les absences. De manière générale, cette compétition aura apporté beaucoup aux nouvelles joueuses, mais aussi au staff, on aura tous appris à se connaître. De la déception bien sûr, mais beaucoup de positif.
J'ai été enthousiasmé par le premier match contre l'Australie, en termes de niveau de jeu. Est-ce que vous ne vous êtes pas reposées sur vos lauriers après ça ? De l'extérieur, on a l'impression que l'osmose collective vue sur ce match n'a pas été retrouvée ensuite.
Je ne suis pas totalement d'accord. On a eu d'autres bons matchs que l'Australie, comme contre le Japon ou la Chine. Après, contre la Chine, c'était moins régulier, ça s'explique par la fatigue, pour notre sixième match en huit jours, forcément, le jeu était moins fluide. Et puis la défense australienne n'avait pas l'agressivité de celle du Mali, de la Chine ou celle du Canada. Et puis c'était le premier match, on était plus fraîches, et on avait perdu les trois amicaux, donc on a réagi. Et la pression était sur leurs épaules, pas les nôtres.
Donc le but maintenant, c'est de passer de la réaction à l'action ?
Exactement, ne plus avoir ces coups de moins bien, ou si on les a, mettre le curseur plus haut pour ne pas avoir un trop gros écart et gaspiller de l'énergie pour revenir. On doit minimiser les erreurs quand on sera moins bien, ce qui arrive dans toutes les compétitions, mais il faut en avoir le moins possible pour rester dans l'action.
À titre personnel, ton rôle a été limité. Cela a été décidé au préalable, ou c'était plutôt en fonction des matchs et des matchups ?
Je savais que j'allais avoir un rôle limité, je n'étais pas la meneuse principale, on était trois meneuses, donc difficile pour tout le monde d'avoir du temps de jeu. Cela variait en fonction des matchs et des qualités de chacune. C'est un rôle qui n'est pas facile, parce qu'on ne rentre pas longtemps, et il faut être tout de suite impactante.
En tout cas, j'ai pris ça comme une opportunité, et j'ai essayé de tout donner à chaque fois pour aider l'équipe. Je l'ai fait vraiment avec plaisir, même si ce n'était pas tout le temps facile parce que la situation n'est pas confortable, des doutes peuvent apparaître parce qu'on a pas le même rôle qu'en club, mais j'ai vraiment essayé de me donner à fond. En tout cas, je ressors de cette compétition avec de belles pistes de travail, et très contente d'avoir pu faire partie de cette équipe, je suis fière de ce qui a été fait.
Est-ce que tu as tremblé pour ta sélection ?
Oui, parce que je n'avais aucune idée de la façon dont les coachs voulaient construire l'équipe. Et on est restées très longtemps avec cinq meneuses, donc je n'en savais strictement rien. Je n'ai pas voulu douter parce que je ne voulais pas uniquement me concentrer sur ça, pour ne pas me rendre malade, mais à aucun moment, je me suis dit que ma sélection était faite, jusqu'à ce qu'ils l'annoncent.
Qu'as-tu à dire sur la première compétition de Jean-Aimé Toupane ? Penses-tu qu'il a réussi à faire adhérer toutes les joueuses à son plan de jeu ?
On a vraiment eu un mois et demi pour adhérer à ce qu'il nous proposait. On s'est rendu compte qu'on était capables de faire certaines choses. Je pense vraiment que sur cette compétition, il a pu transmettre son projet de jeu, et prouver aux gens qu'on était capables de défendre très dur, courir et proposer de très belles choses en attaque.
Et ça lui a permis de connaître encore plus les joueuses, de plus dans un contexte de compétition. Quand tu vis un mois et demi avec des personnes, c'est toujours mieux pour apprendre à les connaître que trois jours par-ci par-là. Il a instauré une base, et ça ne peut aller que crescendo jusqu'à l'objectif final, Paris 2024.
On pouvait avoir peur que la médaille olympique de l'été dernier soit le crépuscule d'une génération, mais vous avez sorti une compétition solide.
C'est vrai qu'en général, l'année qui suit les Jeux olympiques, on a toujours des surprises, le champion olympique est rarement champion du monde, il y a toujours une forme de relâchement. Mais beaucoup de filles n'étaient pas là l'été dernier, et il n'y a pas eu ce relâchement inconscient qu'ont les groupes qui se connaissent depuis longtemps.
Il y avait un nouveau staff, une nouvelle dynamique insufflée, et c'est peut-être ce qui nous a permis de ne pas nous relâcher. C'était rassurant, non seulement pour le grand public, mais aussi pour nous, on savait qu'on était capables, on se l'est prouvé. L’objectif n’a pas été atteint, mais on sait ce qu'il nous reste à faire si on veut arriver au niveau qu'on s'est fixé.
Toujours dans l'objectif de Paris 2024...
C'est l'objectif final, mais il y a quand même un Euro en juin 2023 où il y aura beaucoup d'attentes.
"Cette déception des Jeux, elle sera toujours là"
À propos du 3x3 (Marie-Eve Paget est championne du monde et d'Europe, NDLR), comment en-es tu arrivée à cette discipline ? Est-ce qu'on a détecté chez toi du potentiel pour le 3x3, ou est-ce que c'est toi qui as voulu expérimenter cette discipline ?
Ni l'un ni l'autre en fait (rires). En fait, avant, c'était une équipe de France A', un genre de réserve pour l'équipe principale. Sauf que le 3x3 est devenu olympique, et le budget alloué à cette équipe A' a été rebasculé sur le 3x3. Du coup en 2018, je ne faisais pas partie de l'équipe de 5x5 et je ne pouvais plus intégrer les équipes de jeunes, j'étais comme qui dirait "libre". Toutes les joueuses dans mon cas ont été convoquées pour une revue d'effectif avec le 3x3 en février 2018. C'est là que j'ai attiré l'attention des sélectionneurs de par mon profil et de par ce que je pouvais apporter à cette discipline, j'ai commencé les compétitions, acquis de l'expérience et gagné ma place.
La discipline est en train d'éclore avec tous les succès français ?
Les Jeux ont été un super tremplin, ça a permis aux gens de découvrir la discipline, il y a encore des gens qui la découvrent, mais ce n'est plus inconnu au bataillon comme avant les Jeux. On a été très suivies, par des gens qui n'avaient rien à voir avec le basket ni même avec le sport en général. Cela a séduit le grand public, mais je n'en doutais pas, c'est court, dynamique, il y a de la musique, on ne s'ennuie pas. Les Jeux ont mis en lumière, et comme tu l'as dit, maintenant qu'il y a des résultats, on en parle, ça entretient la dynamique.
En parlant des Jeux, votre déception là-bas (4es, NDLR), ça a été un carburant pour cette saison ?
On m'a souvent demandé après les Mondiaux si c'était une revanche par rapport à l'année dernière. Mais on ne peut pas comparer les JO et les Championnats du monde. Bien sûr, c'est bien d'être championnes du monde, il fallait aller le chercher ce titre, c'était pas facile, mais en termes de niveau, c'est différent. Cette déception des Jeux, elle sera toujours là, c'est le genre de blessures qu'on n'oublie jamais.
Mais c'est surtout le carburant qui m'a permis de faire mon choix sur ce que je voulais faire durant la prochaine olympiade, pour me décider entre basculer sur un projet 5x5 comme certaines de mes coéquipières, ou rester sur le 3x3. Je me suis rendu compte que je n'avais pas atteint mon objectif, et cette défaite m'aura beaucoup appris.
J'espère pouvoir faire un bilan après Paris pour savoir si ça aura été un moteur. Mais il y a encore beaucoup à faire, il faut se qualifier, il faut faire partie de l'équipe, parce que ça pousse derrière, les U23 sont championnes du monde. Donc il va falloir gagner ma place, performer avec l'équipe, on sera attendues l'année prochaine pour la course aux points en vue de la qualification, il faudra être prête, tout simplement.
Laëtitia Guapo élue basketteuse de l'année, c'est totalement logique ?
Totalement logique oui, si Iliana Rupert avait été championne du monde 5x5, on aurait pu discuter (rires) ! Mais Laëti a tout gagné, elle a vraiment apporté de A à Z dans tous les collectifs, elle le mérite, je suis super fière d'elle, c'est super qu'elle ait ce titre supplémentaire à son palmarès. Et c'est bien pour le 3x3 dont elle est une des ambassadrices, elle en fait très bien la promotion, elle le mérite.
Mais si la France avait été championne du monde en 5x5, tu aurais sans doute été la favorite !
Je ne sais pas, je pense qu'Iliana avait un avantage, elle a gagné plus que moi cette année (rires).
Les titres gagnés en 3x3, ça t'a amené d'autres propositions en 5x5 ?
Pas vraiment. Cela donne une légitimité en terme d'expérience, mais les clubs de 5x5 ne se rendent pas forcément compte de ce que c'est que le 3x3. En rigolant, ma présidente m'a dit qu'elle commence à aimer le 3x3 (rires), mais ça reste deux disciplines différentes, et ce n'est pas parce que tu excelles en 3x3 que tu seras obligatoirement forte en 5x5. Cela aide à se faire connaître, mais je ne suis pas sûre que ça amène de meilleures propositions.
Il n'y a aucun souci avec ton club pour te libérer pour les compétitions ?
Ils n'ont pas le choix, on doit être libérées pour les sélections nationales, cela ne se refuse pas. Dans tous les cas, Basket Landes m'avait signé avec ce projet-là, ils savent ce que ça représente pour moi, ils ne m'ont jamais mis de bâtons dans les roues, bien au contraire, mais ça demande des concessions de chaque côté et une gestion intelligente des doubles saisons qui s'enchaînent. Basket Landes a toujours été un soutien dans ce double projet.
Pour conclure, quel regard portes-tu sur l'exposition du sport féminin, notamment médiatiquement, et sur l'évolution du sport en général ?
Il y a vraiment des efforts de faits sur la médiatisation du sport féminin, mais on peut encore faire mieux. On est encore loin d'avoir une totale parité avec nos homologues masculins. Quant à l'évolution du sport, cela fait de plus en plus partie de la vie des gens, cela permet de les distraire en tant que spectateurs, mais cela les maintient en bonne santé. On a vu notamment lors des confinements que certains n'avaient que ça pour se vider un peu la tête. Beaucoup de gens se rendent compte à quel point c'est important.
Concernant l'évolution du sport professionnel, pour le basket, je constate que c'est de plus en plus sérieux, carré, avec plus de moyens pour les sportifs professionnels. Mais je ne parle pas au nom de tous les sports, par exemple, au rugby, les filles n'ont pas de ligue professionnelle. Il y a encore des athlètes de haut niveau qui travaillent à côté. C'est mieux pour certains, mais il y a encore beaucoup de choses à faire pour d'autres.