Mikaela Shiffrin "va continuer à gagner", estime Annemarie Moser-Pröll
"Je suis arrivée à un âge où cela n'a plus d'importance", dit dans un entretien accordé à l'AFP, avec un franc sourire, l'ancienne championne de 70 ans, silhouette longiligne, qui dévale encore les pistes pour le plaisir autour de son village de Kleinarl, dans l'idyllique région de Salzbourg.
La Coupe du monde, qui débute à Sölden en Autriche ce week-end, elle la suit à la télé désormais. Et elle est fan de l'Américaine de 28 ans. "C'est incroyable ce qu'elle fait", lance-t-elle. "Elle va continuer à gagner."
Mikaela Shiffrin a bouclé en mars une saison d'anthologie qui l'aura vue dépasser avec 88 victoires les records de sa compatriote Lindsey Vonn (82), puis du Suédois Ingemar Stenmark (86).
"Cette femme est exceptionnelle, tout autant qu'un Marcel Hirscher ou un Hermann Maier", estime-t-elle, admirative, en référence à ses compatriotes superstars du ski alpin.
Gamine précoce
Cheveux courts et yeux bleus, Annemarie Moser-Pröll a donné rendez-vous dans le café qu'elle a longtemps tenu après avoir pris sa retraite sportive. En montrant sa collection impressionnante de trophées et de médailles exposée derrière des vitrines, elle se souvient d'une époque très différente.
Selon elle, le ski "a complètement changé" avec l'évolution du matériel et le travail de préparation des pistes. "On partait sur des pentes où personne ne descendrait aujourd'hui", dit-elle.
Née Pröll le 27 mars 1953, elle a grandi dans une famille de huit enfants dans une ferme à 1 230 mètres d'altitude et s'il fallait chausser tous les jours les skis, c'était pour descendre à l'école. En Autriche, le ski est un sport national et "les enfants du village se rassemblaient autour des rares postes de télévision pour suivre les courses", explique-t-elle.
Elle attribue d'ailleurs son succès à ses moniteurs de la première heure, deux frères passionnés. "Un peu de talent et de volonté" ont fait le reste, juge-t-elle en se penchant sur son passé glorieux. La gamine était précoce: en la voyant s'entraîner sur le glacier du Kitzsteinhorn, l'entraîneur de l'équipe nationale lui fait immédiatement une place et elle participe dès 14 ans à sa première Coupe du monde. Deux ans après, elle goûte déjà à la victoire.
Pression
"En Autriche, je n'avais pas vraiment de soutien et j'ai gagné en 1971 contre des Françaises au nom prestigieux comme Isabelle Mir, Annie Famose, Michèle Jacot", sourit-elle. "C'est mon plus beau souvenir."
Une fois le pied à l'étrier, elle enchaîne les succès et devient incontournable avant d'annoncer prématurément sa retraite à 22 ans afin d'être là pour son père malade du cancer comme pour échapper à une pression qui lui pesait.
"On n'avait pas d'attachés de presse ou de manager à qui déléguer les contrats", rappelle la "sportive du siècle", comme on la surnommait alors.
Après le décès de son père, elle décide de revenir à la compétition en 1976. Et pas pour faire de la figuration, mais pour arracher l'or olympique, qui manquait à sa collection. Ce sera chose faite quatre ans plus tard à Lake Placid, aux États-Unis. De quoi tirer définitivement sa révérence pour entamer une deuxième vie. Celle de mère de famille et de cuisinière, dans ce café qu'elle a ouvert avec son mari dans le village. Un beau chalet en bois, avec du géranium aux fenêtres, dans le plus pur style autrichien.
"Les gens qui venaient n'en croyaient pas leurs oreilles quand on leur confirmait que j'étais" derrière les fourneaux, raconte-t-elle en riant.
C'est en "fille du coin" et en "bonne copine" qu'elle voudrait que l'on se souvienne d'elle, plutôt que comme d'une inaccessible étoile. On la voit souvent sur un vélo électrique, sur un court de tennis ou même à la chasse, une passion familiale toujours vivace.
Tout pour "rester en bonne santé", son "principal projet", et "profiter de la vie le plus longtemps possible".