Naomi Osaka, la comète rattrapée par les affres de la notoriété exacerbée
Le statut de star est-il enviable ? Naomi Osaka a dû se poser la question bien des fois. Alors qu'elle était amenée à devenir l'une des références du circuit pour une bonne dizaine d'années, la joueuse a progressivement sombré dans l'usure psychologique. Son cas témoigne du manque de préparation face à l'ultra-médiatisation, y compris par l'entourage, ainsi que du retard des instances dirigeantes quand il s'agit de fatigue mentale.
Tout trop vite
Lors de Roland-Garros 2022, Osaka se dispense du passage obligé face à la presse. Tôlé généralisé. L'argument avancé par la joueuse est la présensation de sa santé mentale. Elle est peu convaincante pour une raison très simple : depuis 2020, une équipe de Netflix la suit au quotidien avec sa famille pour les besoins d'un documentaire. Comment avancer un tel argument quand on accepte une chose beaucoup plus intrusive ? Peut-être fallait-il le voir comme un signal d'alarme.
Déjà à Wimbledon en 2019, elle avait lâché en conférence de presse : "je me sens comme si j'allais pleurer". Une déclaration mise sur le compte d'une élimination précoce au 1er tour alors qu'elle a conquis la première place mondiale à Melbourne en début d'année. Une chose est sûre : la pression est telle Porte d'Auteuil qu'elle se retire avant de disputer le 2e tour. Quelques semaines plus tard, elle allume la vasque olympique à Tokyo, signe de l'image qu'elle représente dans son pays natal et sur le plan international. Une nouvelle manière de s'exposer et donc, aussi, de recevoir les quolibets des haters.
À 23 ans, Osaka n'a déjà plus grand-chose à prouver raquette en main. Mais quand on réussit et qu'on est une icône, on ne s'appartient plus vraiment et la liste des devoirs s'allonge. "J'ai l'impression que, d'une certaine manière, nous ne devons pas être autorisés à avoir des sentiments, expliquait-elle. Juste, genre, j'y vais, je joue, puis j'y retourne. Je pense toujours que ma façon de faire les choses, c'est de vouloir rendre la vie un peu plus facile aux gens qui me suivent". Vaste programme, certainement démesuré pour une personne de cet âge.
La vie de Naomi Osaka semble bien complexe. Née à... Osaka en 1997, elle suit ses parents qui, pour des raisons familiales, quittent le Japon pour les États-Unis. Son père Leonard François (comme sa soeur aîné Mari, elle a pris le nom de sa mère pour des raisons de commodité) rêve d'un destin à la Agassi ou à la Williams. Il pousse sa progéniture à performer dans le tennis. Naomi tape fort, sert l'acier : elle sera la championne de la famille.
À 19 ans, elle opte pour la nationalité nippone même si elle ne maîtrise pas sa langue maternelle, son pays de naissance obligeant à choisir au plus tard à 22 ans. Ce choix n'est pas anodin : il ouvre des portes au niveau marketing. Malgré des blessures, Kei Nishikori reste encore aujourd'hui l'un des joueurs les mieux rémunérés au monde grâce à ses contrats publicitaires.
Le tennis par passion ou par moyen ?
Clairement, Osaka a tout pour elle : le niveau tennistique, le métissage, la personnalité. À 20 ans, elle remporte l'US Open 2018 et enchaîne en 2019 en s'adjugeant l'Open d'Australie avec, en prime, le trône de numéro 1 mondiale. La WTA se cherche un nouveau visage et elle a trouvé l'héritière de Serena Williams, justement battue en finale à Melbourne par la nouvelle étoile. Le jackpot en somme. Car en plus de remporter des Majeurs, Osaka est identifiable par le grand public et donc par les annonceurs, notamment en raison de son implication dans le mouvement Black Lives Matter au cours de l'US Open 2020. Son positionnement lui est reproché car elle a renoncé à son passeport américain. "Je regardais les athlètes lutter depuis un moment, analysait-elle. Et je m'en souviens très bien, chaque fois que quelqu'un disait quelque chose sur le monde ou la politique, on leur disait : "Vous n'êtes qu'un sportif, bla, bla, bla"". En 2020-2021, elle réédite le doublé US Open-Open d'Australie. Personne ne le sait encore mais elle ne remportera plus le moindre tournoi, butant en finale à Miami en mars 2022 contre Iga Swiatek.
"C'est une question simple, mais peut-être pas si simple : aimez-vous le tennis ?", lui a un jour demandé une journaliste de CBS. "Moi ? Ouais. Je veux dire, j'adore le tennis. Je pense que j'ai dû prendre un peu de recul juste pour avoir à nouveau une vue d'ensemble".
42e mondiale fin 2022, elle annonce son retrait du circuit en 2023 pour devenir mère. Mais à peine après avoir mis son fils au monde, Osaka reçoit déjà des messages sur les réseaux sociaux pour la comparer à Caroline Wozniacki, qualifiée pour les 1/8 de finale de l'US Open dès son retour à la compétition après la naissance de ses deux enfants. Un nouvel épisode de l'impossibilité pour la Japonaise d'être une joueuse et une personne comme les autres.