NFL : Questions sur le protocole commotion après la blessure du quarterback des Dolphins
Les images, terribles, hantent encore. Plaqué par un défenseur des Bengals lors de la défaite 27-15 à Cincinnati vendredi, le joueur de 24 ans est lourdement tombé, l'arrière de son crâne, certes protégé par un casque, heurtant violemment le sol. Ses doigts se sont aussitôt raidis dans tous les sens au-dessus de son visage.
Hospitalisé, il a pu repartir en Floride avec son équipe après avoir passé des examens. "Je me sens beaucoup mieux et me concentre sur ma guérison", a-t-il tweeté vendredi.
Les incidents de cette nature sont assez fréquents dans le football américain comme dans d'autres sports où les contacts sont parfois violents. C'est le cas du rugby, par exemple, où la Fédération internationale, World Rugby, a dû préciser cet été ses règles en matière de "protocole commotion" à la suite d'une polémique autour du cas Jonny Sexton, l'ouvreur irlandais autorisé à participer au deuxième test-match de la tournée victorieuse du XV au trèfle en Nouvelle-Zélande après avoir pourtant subi un choc à la tête lors du premier match.
La question hante de longue date le monde du rugby, et trois anciens joueurs irlandais ont récemment porté plainte à Dublin contre leur fédération, contre World Rugby et contre leurs anciens clubs pour des commotions à répétition subies pendant leur carrière, rapportait cette semaine la presse irlandaise. Avant eux, d'anciens joueurs, comme l'ex-talonneur anglais Steve Thompson, ont engagé des procédures judiciaires contre les institutions du rugby pour les lésions cérébrales dont ils souffrent après la fin de leur carrière.
Enquête ouverte
Aux Etats-Unis, après la peur suscitée par le placage de Tagovailoa, les questions se posent.
Car c'est la deuxième fois en cinq jours que le quarterback a été victime d'un choc. Dimanche dernier, il s'était déjà blessé après avoir été plaqué par un joueur de Buffalo, sa tête cognant là encore le sol. Il s'était immédiatement levé, mais n'avait pu marcher seul et s'était de nouveau effondré. Cela ne l'avait pas empêché de finir la rencontre, après le feu vert du protocole commotion cérébrale. Il s'était alors montré décisif dans la victoire des Dolphins (21-19).
Critiquée, l'équipe floridienne s'était défendue en affirmant qu'il avait été blessé "au bas du dos" et non à la tête.
Cette explication n'a pas convaincu le syndicat des joueurs (NFLPA), qui a ouvert une enquête sur la façon dont le protocole avait été effectué. "Nous sommes tous indignés par ce que nous avons vu ces derniers jours", a dit son président, J.C. Tretter, qui appelle à des changements sur son mode de fonctionnement.
Plusieurs symptômes doivent entraîner une interdiction de reprise du jeu, comme une perte de conscience, un état de confusion, une amnésie ou une instabilité motrice. Or, estime Tretter, l'incapacité de Tagovailoa à rester debout après son choc justifiait de le maintenir hors du terrain.
Selon le règlement de la NFL, trois experts indépendants en neurotraumatologie sont présents à chaque match pour surveiller les signes d'une éventuelle commotion. Mais, précisent les textes, "la responsabilité du diagnostic et de la décision de faire reprendre un match à un joueur incombe exclusivement au médecin principal de l'équipe ou au médecin désigné comme tel" après s'être concerté avec un de ces experts.
C'est donc le club qui décide et doit être tenu pour responsable.
"Ça a l'air louche"
Le règlement oblige aussi tout joueur ayant subi un protocole d'être réévalué le jour suivant par un membre du personnel médical de l'équipe. Ce qui a été le cas pour Tagovailoa, a affirmé vendredi le médecin en chef de la NFL, Allen Sills, ajoutant que l'instance était aussi en train de "recueillir des informations sur la façon dont les choses se sont déroulées" dimanche.
"Le but est de s'assurer que le protocole a été respecté. Il y aura des conséquences très sérieuses si cela n'a pas été le cas", a-t-il assuré.
Des experts remettent déjà en doute le fait que l'instabilité motrice de Tagovailoa ait résulté d'une blessure au dos. "Je suis curieuse de voir ce qui ressortira de l'enquête", a déclaré au podcast GridIron Rachael Hearn, chercheuse en encéphalopathie traumatique chronique, une maladie cérébrale dégénérative causée par des coups à la tête.
"J'espère qu'ils disposent de bons documents pour justifier la décision prise ce jour-là. Je ne veux pas spéculer, parce que je ne sais pas quels étaient les autres symptômes. Mais ça a l'air louche", a-t-elle lâché.
"Les Dolphins, comme toutes les équipes, essaient toujours de se dépêtrer de ce type de situation. Si j'étais Tua, je ne rejouerais plus jamais pour eux", a dit Chris Nowinski, directeur d'un organisme soutenant les victimes de commotions cérébrales, à Fox Sports Radio.