OM - AEK : de la fascination de Depé à l'amitié entre ultras
Si le déplacement à Athènes pour affronter le Panathinaïkos a été interdit aux supporters de l'OM en août dernier, la réception de l'AEK ce jeudi ne revêt pas le même caractère tendu. Bien au contraire, la relation entre les ultras des deux camps est ancrée depuis près de 35 ans.
Le modèle de l'icône
Dans le documentaire de Gilles Rof "Ferveur Depé", Brahim Boutalis, membre fondateur du groupe Marseille Trop Puissant dans le Virage Nord, raconte la génèse du lien tissé entre fadas des deux clubs : "on est sur le Boulevard Michelet, arrivent les Grecs. Et les Grecs, ils arrivent en bus mon pote... Un bus plein et le premier qui sort, c'est un grand rouquin comme ça, avec la barbe, les cheveux rouges, torse nu... avec une hache ! Mais en vrai hein ! Ils étaient 50 mais ils ont mis le oaï dans tout Marseille".
De ce passage, Patrice de Peretti dit "Depé", héraut des MTP, reprendra la posture torse nu devenue icônique, voire mythologique depuis un déplacement à Berlin par -12 degrés, pour haranguer le virage.
Dans la revue "Ethnologie française" publiée en 2016, Ludovic Lestrelin consacre un portrait à Depé et revient sur le rôle qu'ont eu les ultras de l'AEK sur l'évolution du supportérisme marseillais, inspiration qui perdure encore. Il écrit : "comme pour d’autres supporters très investis à Marseille, les matchs européens sont tout d’abord l’occasion pour lui de se frotter à des manières de faire étrangères plus abouties, à une époque où les images (vidéos, photos) ne circulent pas aussi aisément qu’aujourd’hui. Le supportérisme ultra étant particulièrement développé en Grèce, il est ainsi très impressionné par la démonstration de force réalisée par la centaine de supporters de l’AEK Athènes lors d’un match au Stade Vélodrome en 1989. Torses nus, ils chantent avec ferveur pendant toute la partie et assurent le spectacle en tribunes, après avoir semé le désordre dans la ville auparavant. Patrice de Peretti entend s’en inspirer et prend pour habitude d’encourager l’OM dans la même tenue, par n’importe quel temps".
Depuis, le lien perdure (avec les ultras de Livourne comme troisième pointe du "Triangle of Brotherhood"), plus particulièrement entre le Commando Ultra' 84 dans le virage sud et les Original 21, collectif créé en 1982, étiqueté à l'extrême gauche et dont un membre a été tué en août dernier lors d'un déplacement à Zagreb pour un match contre le Dinamo. Un groupe privé Facebook de près de 5500 membres existe depuis 2008.
Ainsi, quand l'AEK affronte un club français, le groupe arbore des banderoles en français aux couleurs de l'OM. Ce fut notamment contre Saint-Étienne en 2016 et le PSG en 2007. Ce fut aussi le cas quand les Phocéens ont croisé la route du PAOK en Ligue Europa Conférence en 2022. Et quand l'OM affronte un club grec, banderoles et tifos sont en jaune et noir. Ce fut le cas notamment quand l'Olympiakos en Ligue des Champions : le CU84 a déployé une immense bâche siglée AEK et agité des drapeaux représentants l'aigle noir.
A quelques heures du coup d'envoi, on s'attend à un spectacle spécial au Vélodrome, à la fois pour vérifier l'amitié qui lie les ultras mais aussi pour rendre hommage à Depé, décédé en 2000 et dont le Virage Nord porte son nom.