Qinwen Zheng, la bénédiction pour relancer l'intérêt du tennis en Chine
C'était une demi-finale qui avait déjà un avant-goût de l'or. Quand Qinwen Zheng s'est allongée dans la terre battue de Roland-Garros, elle venait de terrasser la taulière du Philippe-Chatrier, Iga Swiatek, invaincue Porte d'Auteuil depuis 3 ans. Finaliste de l'Open d'Australie, la 7ᵉ mondiale n'était jamais allée plus loin que les 1/8 de finale au French.
Lors du tournoi olympique, après deux tours de chauffe contre Sara Errani et Arantxa Rus, elle a eu besoin de 3 sets pour éliminer Emma Navarro (6-7 (7), 7-6 (4), 6-4) et Angelique Kerber (6-7 (4), 6-4, 7-6 (6)). Affronter la Polonaise après une telle dépense d'énergie plaçait Zheng plus que jamais en position d'outsider. Et pourtant, la native de Shiyan a renversé la numéro 1 mondiale, en deux petits sets.
La finale face à Donna Vekic n'a été qu'une formalité pour Zheng (6-2, 6-3) qui a réussi là où Li Na, première star du tennis chinois, avait dû se contenter d'une frustrante 4ᵉ place à Pékin en 2008. C'est une première étape, car sa glorieuse aînée a soulevé deux Majeurs, Roland-Garros en 2011 et l'Open d'Australie en 2014.
Or, à 21 ans, elle incarne le futur de son sport, toujours à la recherche d'incarnation en Asie. Le circuit WTA est particulièrement concurrentiel, peut-être davantage que l'ATP. La voir émerger n'est pas une surprise, car elle avait prouvé depuis 2 ans qu'elle était capable de tenir tête aux meilleures, s'offrant Simona Halep à Roland-Garros au 2ᵉ tour avant de pousser Swiatek à disputer 3 sets.
Révélation de la saison 2022, Zheng a déjà battu 11 membres du Top 20 actuel (elle n'a jamais affronté Danielle Collins et Diana Shnaider). Et c'est sans compter ses victoires contre Venus Williams, Naomi Osaka, Paula Badosa et Marketa Vondrousova.
Des rivalités déjà bien affirmées
Mais au-delà des attentes sur son jeu et ses capacités à passer les tours en WTA 1000 (elle n'a que deux 1/4 de finale à son actif) et en Grand Chelem alors qu'elle a été sortie d'entrée par Lulu Sun dès le 1ᵉʳ tour de Wimbledon, la principale interrogation est de connaître les limites de son rayonnement hors des courts. Alors que le COVID et l'affaire Peng Shuai ont éloigné le tennis de l'Empire du milieu et qu'il a fallu une décennie pour trouver un talent susceptible de succéder à Li Na, Zheng a tous les traits de l'ambassadrice parfaite.
Photogénique, elle perce également sur papier glacé, gagne 5,5 millions de dollars par an grâce à ses contrats et s'est installée à côté d'Anna Wintour lors du défilé Balenziaga lors de la dernière Fashion Week de Paris.
Autre point en sa faveur : elle a des meilleures ennemies. Après sa défaite aux Jeux Olympiques, Navarro s'en était prise à Zheng en des termes inhabituels dans ce milieu d'ordinaire si feutré. "Je lui ai simplement dit que je ne la respectais pas en tant que compétitrice, avait-elle cinglé. Je pense qu’elle aborde les choses de manière assez impitoyable. Cela crée un vestiaire où il n’y a pas beaucoup de camaraderie, donc c’est difficile d’affronter une adversaire comme ça, que je ne respecte vraiment pas". À Cincinnati, la 7ᵉ mondiale a trollé l'Américaine en territoire US avec un sweatshirt édité par Nike sur lequel était écrit la mention "les médailles ne sont pas pour tout le monde".
Déjà en avril avant de disputer le tournoi de Stuttgart, Marta Kostyuk n'avait pas été tendre avec la Chinoise, même si on avait pu déceler une once de jalousie par rapport à sa finale à Melbourne : "c’est un tournoi beaucoup plus court qu’un tournoi du Grand Chelem, même s’il s’agit d’un tournoi de très haut niveau. Au tennis, c’est très différent chaque jour, chaque tournoi. Je peux jouer un WTA 500 et disputer quatre matchs sur cinq contre des joueuses du top 10, mais Qinwen, cette année en Australie, a atteint la finale sans affronter de joueuse du top 50 ".
Zheng en a vu d'autres et assurément des plus difficiles à encaisser. Journaliste au New York Times, Matt Futterman en septembre 2023 esquissait le parcours de la joueuse qui a touché sa première raquette à 7 ans et rapidement démontré des aptitudes : "presque instantanément, elle s’est retrouvée parmi les meilleurs enfants de son âge dans sa ville natale, Shiyan, une ville plus petite que les autres villes chinoises comptant 1,1 million d’habitants. Elle adorait ce sport et, deux mois plus tard, elle et son père se sont rendus à Wuhan, à quelques heures de route de là et avec une population de plus de 11 millions d’habitants, pour montrer son jeu à un entraîneur plus expérimenté. L’opportunité l’a enthousiasmée et elle a reçu de nombreux compliments. Son père a cependant omis un détail, qu’elle n’a appris qu’après la séance de frappe. Comme elle avait bien joué, elle ne rentrerait pas à la maison avec lui et resterait à Wuhan pour s’entraîner".
Trois ans plus tard, elle est allée à Pekin pour s'entraîner sous les ordres de Carlos Rodríguez qui fut l'entraîneur de Li Na. Puis ce fut la même agence de représentation que celle de son idole qui lui a offert l'opportunité de s'installer en Catalogne.
De quoi endurcir son caractère qui a de nouveau été mis à rude épreuve quand Wim Fissette, le coach qui l'a fait entrer dans le Top 25 mondial, a décidé de retourner avec Osaka. Une trahison pour elle qui ne veut plus entendre parler du Belge. C'est donc avec le Catalan Pere Riba que Zheng est devenue une étoile montante de la WTA. Pour le moment, cela lui réussit et sa saison 2024 restera quoiqu'il advienne une réussite.