Régénéré, Emilien Jacquelin repart à l'abordage
Emilien Jacquelin est certainement l'un des personnages les plus exubérants du circuit de Coupe de monde de biathlon. Mais aussi totalement imprévisible. Capable de claquer un 20/20 à une vitesse supersonique ou d'enchaîner les craquantes, le Savoyard est souvent en mode tout ou rien. Tout, c'est quand il peut remporter le titre mondial de poursuite en 2020 à Anterselva et le conserver en 2021 à Pokljuka. C'est aussi quand il peut prendre le bronze de la mass-start en 2020 et sur le sprint en 2021. Rien, c'est comme aux derniers Mondiaux à Oberhof avec un 37e place sur l'individuel, une 36e en sprint et une 20e en mass-start.
Un break salutaire
Jacquelin a une belle carrière et son palmarès individuel est éloquent : 22 podiums, vainqueur du petit globe de la poursuite en 2020 et 5e du général en 2020 et 2022. Mais au vu de son potentiel, le biathlète de 28 ans peut faire encore davantage.
Son tempérament constitue-t-il une limite ? Volcanique, Jacquelin est moins posé que Quentin Fillon-Maillet quoique plus talentueux au départ. Cependant, QFM est parvenu à s'extirper de son statut d'ombre de Martin Fourcade pour devenir la référence mondiale en 2022-2023 tandis que le Savoyard est surtout un homme de gros coup. Après la victoire en relais lors des Mondiaux d'Oberhof, pas un mince exploit car la Norvège a remporté les 5 relais de la Coupe du monde, Jacquelin a mis la flèche.
Une décision qui, selon lui, aurait pu arriver un an plus tôt après les JO de Pékin mais, comme il l'a expliqué lors d'une table ronde avec des lecteurs de L'Equipe en octobre dernier, "à l'époque, j'étais deuxième mondial et cela aurait été très compliqué de m'arrêter. Ça fait un an que j'avais conscience que mon énergie était en phase descendante et que j'avais besoin de souffler. J'ai la capacité de mettre beaucoup d'énergie, c'est ce que j'ai fait, mais à un moment donné il faut savoir s'écouter, car je ne suis pas une machine, et ça a déraillé".
Retrouver naturel et spontanéité
Régénéré, le Savoyard a pu faire le point sur sa carrière, notamment vis-à-vis de sa relation tumultueuse avec Fillon-Maillet : "on connaît Quentin, qui peut être cash sur certaines déclarations pour affirmer sa supériorité ou son leadership. Moi, j'ai essayé de prendre du recul par rapport à ça. Une petite distance s'était instaurée, mais toujours dans le respect et l'amitié. Et on en a discuté en off pour éviter que cela devienne conflictuel et ça a réglé le souci".
Surtout, il a eu l'occasion de remettre son biathlon en place, lui qui a exprimé des difficultés au moment de trouver les ressources mentales pour appliquer ses plans de course sans se soucier du regard des autres pour conserver sa fraîcheur et son insouciance : "ces dernières années, aussi pour faire plaisir aux gens autour de moi, j'ai arrêté d'être moi-même, j'ai récité ma leçon, je me suis bridé et donc perdu. Il faut que je fasse ce que j'ai envie de faire et ce que j'attends de moi. J'ai les clés et il faut que je les mette en place. Le mot d'ordre : avoir ses convictions et vivre sa carrière".
Avec le retour de Jean-Pierre Amat comme entraîneur du tir, Jacquelin espère retrouver son tir, à force de travail pour que cela redevienne totalement naturel. "Si tu rajoutes des pensées, tu rajoutes du temps entre le moment où tu prends une décision et l'exécution, a-t-il certifié. Ça fait des écarts de visée pour le tir. Alors que quand je ne réfléchis pas, tout est fluide et ça ne fait qu'un". En somme, la version qui a fait de lui l'un des biathlètes les plus divertissants et charismatiques de ces dernières années.