Rétrospective 2022 : sept mois après, la plaie toujours à vif de la finale de Ligue des champions
Le 28 mai 2022, plusieurs milliers de supporters des Reds ont vécu un cauchemar : d'abord entassés dans les tunnels d'accès au stade étroits et bondés, ils se sont retrouvés coincés derrière les barrières métalliques entourant le stade, avant de recevoir des gaz lacrymogènes lancés dans leur direction par la police. "Je pense que les séquelles laissées par la finale nous font tous encore souffrir", explique à l'AFP Joe Blott, président de "Spirit of Shankly", un groupe de supporters de Liverpool.
De nombreux supporters des Reds ont encore du mal à surmonter leur peur de retourner dans un stade. "Le fait qu'ils ne veuillent plus assister à un match à cause de ce qu'ils ont vécu est tragique", a souligné Blott.
Pour Ian Byrne, député du nord de Liverpool, les incidents de la finale se font ressentir jusque dans l'ambiance "horrible" cette saison à Anfield, le stade mythique des Reds connu pour sa ferveur, et ce, indépendamment des résultats en demi-teinte du club. "J'ai l'impression que les supporters sont comme anesthésiés quand ils assistent aux matches. On dirait que toute la passion s'est envolée", analyse-t-il.
Tragédie d'Hillsborough
Les incidents survenus aux abords du Stade de France avaient retardé de 35 minutes le coup d'envoi de la finale, perdue 1-0 contre le Real Madrid. Plus que la défaite, le chaos, les agressions dont ils ont été victimes et la réponse violente de la police ont ravivé chez beaucoup de fans de Liverpool le traumatisme de la tragédie du stade d'Hillsborough en 1989, où 97 personnes avaient péri étouffées ou mortellement blessées.
À Paris, cette fois, personne n'est mort, mais le manque de préparation des autorités en amont de la rencontre et les accusations visant les supporters qui ont suivi ont tout de même eu des répercussions sur la santé et le moral des supporters. "Beaucoup de personnes sont encore marquées par ce qu'elles ont vécu", insiste Ian Byrne, également supporter des Reds.
Selon l'Association de soutien aux Survivants de Hillsborough, deux rescapés du drame de 1989 se sont suicidés après les événements du Stade de France. S'il est impossible d'établir un lien direct, ces incidents ont pu raviver les anciens traumatismes.
Après la finale, le gouvernement français et l'UEFA avaient rejeté la responsabilité des événements sur les supporters anglais, les accusant d'être "arrivés en retard" et dénonçant une "fraude massive, industrielle et organisée de faux billets", selon les mots du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Mais une enquête du Sénat menée en juillet a contredit ces accusations et pointé les "défaillances" des autorités. Les rapporteurs ont notamment souligné leur manque d'adaptation pour gérer les flux de spectateurs.
Un rapport indépendant anglais a de son côté conclu que l'utilisation injustifiée de gaz lacrymogène par la police française constituait une "agression criminelle".
Recours collectif
Les supporters des Reds craignent que les autorités ne tirent aucun enseignement de ce qu'il s'est passé pour améliorer les conditions d'accueil au Stade de France, qui doit surtout accueillir des matches de la Coupe du monde de rugby en 2023 et les JO de 2024.
Les défaillances "pourraient facilement se reproduire, car aucune mesure n'a été prise pour y remédier", prévient Daniel Austin, journaliste et supporter des Reds, présent au Stade de France en mai. Près de 2.000 supporters de Liverpool ont poursuivi l'UEFA en justice dans le cadre d'un recours collectif pour rupture de contrat concernant la vente de billets et négligence quant au devoir de diligence envers les supporters.
"L'UEFA doit revoir significativement la manière dont elle traite les supporters en général", espère Daniel Austin, qui a participé à l'enquête de l'UEFA sur les incidents survenus à Paris, dont les résultats sont attendus dans les prochains jours. Les supporters de Liverpool n'attendent rien d'autre de la part de l'instance dirigeante du football européen que des excuses et une reconnaissance complète de sa responsabilité dans ce fiasco.