Roberta Vinci, celle qui brisa les rêves de Grand Chelem calendaire de Serena Williams
Un match de tennis n'est jamais joué d'avance, même quand on s'appelle Serena Williams. L'Américaine sait de quoi elle parle, elle qui fut battue dès le premier tour de Roland-Garros en 2012 par Virginie Razzano alors qu'elle semblait sans rivale pour gagner le tournoi de la Porte d'Auteuil.
Trois ans après cette mésaventure, la cadette de la fratrie a la tête à un exploit qui n'a plus été réalisé depuis Steffi Graf en 1988 : remporter le Grand Chelem calendaire. La Californienne y est presque : plus que deux matches à New York. C'est quasiment fait. Dans la première demi-finale, Simona Halep, tête de série nº2, a été étrillée par Flavia Pennetta (6/1 6/3). Bref, c'est du tout cuit pour la triple tenante du titre même si, avant cela, il y a d'abord un match contre Roberta Vinci, qui s'est arrachée pour battre Kristina Mladenovic (6/4 5/7 6/4). C'était le seul quart de finale sans tête de série. Serena, quant à elle, a battu sa soeur Venus, au terme d'une lutte fratricide épique en night session (6/2 1/6 6/3).
L'Italienne est surtout connue pour sa grande carrière en double. De l'Open d'Australie 2012 à Wimbledon 2014, avec Sara Errani, elle a atteint 8 fois la finale d'un Grand Chelem, en remportant 5 sur toutes les surfaces. Numéro 1 mondiale de la discipline, elle décide de consacrer 2015 à sa carrière en simple. Deuxième tour à Melbourne, 1er tour à Paris et à Londres : ce n'est pas une franche réussite en Majeur. Pourtant, la situation se débloque lors de la dernière levée à la fin de l'été.
Tout schuss avant un festival de fautes directes
La demi-finale démarre fort pour la Sicilienne : à 1-1, elle breake Serena. Stupeur. Mais l'Américaine se reprend : en force, agressive, surmotivée, elle empoche les 5 jeux suivants. Son plan tactique fonctionne à merveille : jouer long pour repousser Vinci derrière sa ligne pendant qu'elle ne cesse d'avancer dans le court pour matraquer l'Italienne en revers comme en coup droit. 17 coups gagnants à 3, à peine 8 fautes directes contre 6 : la domination de Serena est sans partage.
Une volée dans le filet, une double faute et un retour gagnant croisé de Vinci : le deuxième set débute mal pour la cadette Williams qui s'en sort, réalisant un passing de revers croisé diabolique à 30-40. Un petit retard à l'allumage, vite effacé. Ses 6e et 7e aces pour mener 2-1 confortent cette sensation de toute-puissance. Mais ce premier jeu de service n'était pas un soubresaut. Deux points au filet entrecoupés d'une énome faute directe : Serena se retrouvait de nouveau menée 0-40. Et cette fois-ci, la 3e balle de break est la bonne pour Vinci qui confirme en profitant des erreurs de l'Américaine.
Certes, la Transalpine pâtit d'une déficit de puissance mais grâce à ses qualités de variation, elle parvient à contrer la numéro 1 mondiale. Si bien qu'elle sauve une balle de débreak à 30-40. Malgré une amortie moyenne, elle provoque une grosse faute de passing. Un tournant dans le destin de Serena. Un ace servi extérieur, son tout premier du match, puis une grand attaque de coup droit plus tard et Vinci est aux portes d'un troisième set. À 5/4, Williams mène 0-15 puis 15-30 mais enregistre deux nouvelles fautes directes. À 30-40, Vinci décoche un coup droit qui déborde son adversaire. Un retour dans le filet accorde à la Sicilienne une balle de set qui, après avoir distribué en coup droit, fait craquer Serena.
Le fameux 7e jeu
Le stade Arthur Ashe pensait que ce serait une balade de santé : il s'agit en fait d'un traquenard. Mais un traquenard à diffusion lente. Vexée, Serena breake d'entrée pour mener 2/0. New York respire, il ne s'agissait que d'un contre-temps. Elle mène 40-30 pour confirmer mais Vinci claque un passing croisé gagnant pour recoller. Une faute directe une double faute offrent à Vinci un second souffle qui revient au score. 2/2, 3/3 : la tempérture monte de plusieurs degrés.
Le bras de Serena se crispe. Deux doubles fautes consécutives scandent ce 7e jeu. Elle manque une volée à 40-30 mais claque son 14e ace de la rencontre dans la foulée. Le point suivant marque un point d'inflexion. Au terme d'un rallye conclu au filet avec assurance, Vinci exulte et harangue le public. Oui, elle est bel et bien là pendant que la numéro 1 mondiale s'appuie sur les panneaux publicitaires pour reprendre sa respiration.
Deuxième coup de raquette dans le filet et balle de break suivie d'une faute directe en longueur en coup droit : l'Italienne peut serrer le point, elle prend le service de l'icône. Même menée 0-15 puis 15-40, la Sicilienne ne s'affole pas. Point par point, elle fait jouer l'Américaine, use de son revers slicé, essaie de faire jouer le coup en plus. Sans passer une première, l'Italienne profite des largesses adverses pour effacer les deux balles de débreak. Dans la tribune officielle, Billie Jean King est interrogative. Williams retourne un mètre dans le terrain. À AV-40, Vinci commet une double faute. Mais les fautes directes coûtent trop cher à l'Américaine qui joue beaucoup trop sur le coup droit de la Transalpine. Un retour croisé sur une petite deuxième balle termine dans le couloir : le break est confirmé sous les regards médusés des spectateurs de l'Arthur Ashe. Serena expédie sa mise en jeu.
Un dernier jeu d'un calme méthodique
Vinci sert pour le match. Lucide, elle se cache sous sa serviette au changement de côté avant de repartir dans la fournaise. Petite deuxième sur le revers et énième retour filet pour Williams. Sur le deuxième point, un rallye s'engage. La Sicilienne distribue depuis sa ligne de fond, met Serena dans les cordes, alterne les effets et conclue au filet en déposant une demi-volée parfaite. L'Américaine est sonnée et gâche une volée à facile. Sa 49e faute directe... Trois balles de match pour Vinci alors que le cadran indique exactement deux heures de jeu. Une ultime demi-volée gagnante de Vinci et voilà le rêve ultime de Serena qui s'envole dans les limbes de la Grosse Pomme.
En finale, Vinci tiendra le choc un set face à sa compatriote Flavia Pennetta en finale. Elle s'inclinera 7/6 (4) 6/2. Quant à Serena, c'était l'année ou jamais. Âgée de 33 ans, elle disputera encore 8 finales de Grand Chelem mais n'en remportera que deux, à Wimbledon en 2016 et à Melbourne, contre Venus, en 2017. "Once in a lifetime" comme disent les Américains...