Rugby/Commotions : "30% d'autonomie" par jour pour le cerveau de l'ex-All Black Hayman
"En gros, cela signifie que j'ai une quantité limitée d'énergie cérébrale par jour", témoigne l'ancien pilier néo-zélandais, qui se plaint aujourd'hui de pertes de mémoires et a même avoué des envies suicidaires en raison de la progression de sa maladie neuro-dégénérative.
"C'est la meilleure façon de résumer ma situation et il faut en permanence faire attention à ce que vous faites et comment vous voulez dépenser cette énergie", poursuit l'ancienne star, considérée à l'époque comme le meilleur au monde à son poste.
Comme lui, de plus en plus de joueurs de rugby -et d'autres disciplines- reconnaissent aujourd'hui souffrir de troubles neurologiques (lésion cérébrale permanente, démence précoce, épilepsie post-traumatique, maladie de Parkinson, dépression...) causés par la répétition des chocs durant leur carrière.
L'ancien joueur des All Blacks, des Highlanders, de Newcastle et de Toulon, où il est récemment revenu quelques jours pour célébrer son intronisation au Hall of fame, a disputé plus de 400 matches dans sa carrière, dont 45 avec sa sélection, avant de prendre sa retraite en 2015.
Le "tabou" des commotions cérébrales
En compagnie d'anciens joueurs souffrant de troubles similaires comme l'ancien talonneur anglais Steve Thompson ou le 3e ligne gallois Alix Popham, il a également rejoint une action collective pour dénoncer l'inaction de différentes instances ces dernières années.
"Je n'ai pas rejoint cette procédure juridique pour des raisons financières, mais pour voir ce sport changer de l'intérieur", s'est-t-il justifié. "Pour que l'on s'occupe mieux des joueurs".
Ces jours-ci, le RCT a célébré huit nouveaux joueurs qui ont marqué son histoire, dont l'ouvreur Jonny Wilkinson, et c'était l'occasion pour Hayman de revenir dans le Var.
Une belle occasion également pour Hayman de se remémorer tous ses beaux souvenirs et ces trophées glanés avec Toulon, trois Coupes d'Europe arrachées (2013, 2014, 2015) et un sacre en Top 14 (2014).
En dépit d'une mémoire qui s'estompe, le souvenir du premier titre continental de 2013, alors que le club était présidé par le fantasque éditeur de BD Mourad Boudjellal, reste lui bien vivace.
"Je me souviens de l'histoire de Mourad qui quitte le stade à 20 minutes de la fin", alors que Toulon est mené de neuf points par Clermont, a ainsi raconté Hayman.
"Mourad est en train de rentrer en taxi à l'hôtel quand Jonny inscrit une pénalité. Puis Delon Armitage passe un essai et on vire en tête. Il dit alors au chauffeur de faire demi-tour pour revenir au stade et je le revois à la fin du match courir les bras en l'air sur la pelouse. Après ça, les autres finales ont été un peu plus classiques", s'est-il reconnu avec humour.
L'ancien pilier droit ne rigole plus du tout lorsqu'il repense à la crise du Covid-19, alors que le moment était idéal pour réfléchir aux cadences infernales, et que les organisateurs du rugby n'ont jamais réussi à s'accorder sur un calendrier mondial qui proposerait moins de matches aux joueurs pour moins les exposer.
"Est-ce-que c'est censé de jouer 10 mois dans l'année ? Est-ce-que les joueurs devraient jouer chaque week-end, chaque année pendant 10 mois ?", s'interroge Hayman, qui vend aujourd'hui des excursions en bateau en Nouvelle-Zélande.
"J'ai ma petite idée parce que j'ai fait partie de tout ça. Toutes ces discussions devraient avoir lieu le plus tôt possible, sinon ce sera préjudiciable à notre sport", juge-t-il encore alors que la France doit accueillir cet automne la Coupe du monde.
"Je ne pense pas que ce chemin sera parcouru en cinq mois mais ce serait super car ce sujet reste un peu un tabou dans le sport et tout le monde fait l'autruche", regrette-t-il encore.