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Saison 2 du LIV Golf, entre recrutement décevant, absence de diffuseurs privés et ombre de Trump

François Miguel Boudet
Lee Westwood a rejoint le LIV Golf dès la 1re saison
Lee Westwood a rejoint le LIV Golf dès la 1re saisonProfimedia
La saison 2 du LIV Golf débute ce week-end au Mexique sur le parcours d'El Cameleón à Playa del Carmen. Le nouveau circuit concurrent du PGA Tour perfusé par de l'argent saoudien espérait l'arrivée de grands noms en 2023, mais aucun membre du Top 30 mondial n'a fait son apparition. Un camouflet pour Greg Norman, président de l'organisation, qui s'ajoute aux départs de deux dirigeants importants, la perte de sponsors pour plusieurs transfuges, sans oublier l'ombre toujours plus dérangeante de Donald Trump, hôte de 3 tournois cette année.

Thomas Pieters, Mito Pereira, Dean Burmester, Sebastián Muñoz, Brendan Steele et Danny Lee. Mais pas de Patrick Cantlay, de Xander Schauffele ou de Justin Thomas. L'annonce des recrues du LIV Golf pour sa 2e saison d'existence n'a pas provoqué un chamboulement particulier, contrairement aux affirmations de Greg Norman, le président du circuit dissident, qui avait annoncé en novembre les signatures de 7 grands noms.  

Or, aucun membre du Top 30 n'a cédé aux avances des pétrodollars saoudiens du Public Investment Fund en ce début d'année. Certes, Pieters, 35e mondial, a déjà remporté 6 tournois sur le circuit européen DP World Tour, mais son arrivée n'est guère une surprise, le Belge ayant récemment critiqué la décision du PGA Tour de ne pas l'avoir invité au Genesis International le week-end dernier alors que son classement aurait pu lui offrir cette opportunité. 

"Pour être honnête, j’ai eu du mal à jouer 26 tournois par an, a-t-il expliqué dans les colonnes de Golf Digest. En tant que père de deux jeunes enfants, cela me convient d’avoir un emploi du temps plus léger. Et puis je n’ai jamais voulu jouer à plein temps sur le PGA Tour parce que je ne pense pas pouvoir faire ça et vivre où l’on veut en même temps. Avec le LIV, c’est 9 semaines en Amérique, mais avec 14 événements au total, c’est préférable pour moi et pour mon jeu"Le remplaçant d'Hudson Swafford, blessé à la hanche, aurait récupéré une enveloppe de 10 millions de dollars.

La Ryder Cup, frein momentané à l'exode ? 

Ce faible recrutement, notamment pour le contingent européen, est peut-être dû au fait que le départ pour le LIV entraîne une exclusion de la prochaine Ryder Cup qui se déroulera à Rome en septembre. Malgré cela, la création par le PGA Tour de tournois désignés (dont le Genesis Invitational) avec un prize money rehaussé (25 millions de dollars de dotation totale) a, semble-t-il, contribué à une accalmie bienvenue, après le départ notamment de l'Australien au mulet Cameron Smith, ex-numéro 2 mondial vainqueur du Players et du British en 2022, acté dès le mois d'août. 

Vainqueur à Pebble Beach début février, Justin Rose pourrait faire son retour dans la Team Europe après avoir manqué la dernière édition de la Ryder Cup. L'ancien n°1 mondial a évoqué les absences dans les deux équipes : "Les gens aiment regarder jouer Dustin Johnson, Bryson DeChambeau, Brooks Koepka, Sergio García, Ian Poulter. Ils apportent beaucoup de passion. Ils vont manquer, mais c’est comme ça". Pour autant, il ne considère pas que le lustre de la Ryder Cup en prendra un coup : "il y a tellement de qualité, en profondeur que je ne pense pas que la Ryder Cup sera dévaluée".

Concernant García, recordman des points gagnés en Ryder Cup (28,5), on voit mal comment il pourrait accepter une sélection vu sa relation actuelle avec Rory McIlroy, avec qui il a pourtant remporté 4 parties de double, se détériorer et que l'Espagnol s'est montré très critique envers ses anciens camarades. Pour autant, même s'il n'a disputé aucun tournoi obligatoire, García, en tant que vainqueur du Masters d'Augusta en 2017, est membre honoraire à vie du DP World Tour, ce qui le rend malgré tout sélectionnable par Luke Donald

Pour Sir Nick Faldo, sextuple vainqueur de Majeur, il n'a pas mâché ses mots au micro de SkySports. À propos des quadras Lee Westwood, García et Poulter, l'ancien capitaine de Ryder Cup (2008), qui a disputé 11 éditions de 1977 à 1997, a formulé un constat sans appel : "ils sont finis. Ils ne devraient pas y être, parce qu’ils sont partis et parce que nous devons passer à autre chose. L’Europe a besoin de trouver une nouvelle génération de joueurs de 25 ans qui vont pouvoir jouer une demi-douzaine de Ryder Cups, je crois que c’est ce qui va se passer". L'Anglais met le doigt sur ce que de nombreux fans considèrent : les golfeurs partis dès le début pour le LIV étaient en perte de vitesse sur le PGA Tour

Pertes de sponsors et fin de CDD

Un temps, Adidas a été au cœur des rumeurs pour "brander" une équipe du LIV Golf. La tendance semble s'être inversée. Mercredi, la marque aux trois bandes a annoncé mettre un terme à son partenariat avec García et Johnson. En ce qui concerne "DJ", cela faisait 15 ans qu'il était équipé par la firme allemande, une sacrée promotion puisque l'Américain a remporté 2 Majeurs (US Open 2016, Masters 2020) et accédé au trône mondial en 2017 (il cumule 130 semaines au sommet de la hiérarchie jusqu'en 2021). 

Ce n'est pas la première fois que Johnson perd un sponsor. Son départ pour le LIV a mis un terme à sa relation avec la Royal Bank of Canada (n'oublions pas qu'il est marié à Paulina Gretzky, la fille de Wayne Gretzky, légende absolue du hockey sur glace), tout comme Graeme McDowell. D'autres "exilés" ont connu la même mésaventure : Phil Mickelson a perdu Amstel, KPMG et Workday, Westwood UPS, DeChambeau Cobra et Puma.  

Autre aspect à prendre en compte pour les joueurs qui voudraient rallier le nouveau circuit : les contrats à durée déterminée peuvent avoir des conséquences à très court terme. Si, en septembre dernier, ESPN a affirmé que certains ont signé des engagements jusqu'en 2027, d'autres n'ont un contrat que jusqu'à la fin de l'année. Une situation qui pose d'ores et déjà un problème, comme c'est le cas pour l'Australien Matthew Jones et l'Américain Peter Uihlein. En attendant le verdict de la plainte pour comportement anti-trust du PGA Tour, ils encourent le risque de ne plus être éligible pour les circuits US et européen, ne laissant plus que l'Asian Tour de disponible : "le préjudice causé aux plaignants Jones et Uihlein est clair : ils peuvent ne plus être en capacité de gagner leur vie dans la voie professionnelle qu’ils ont choisie au plus fort de leur carrière", ont affirmé les avocats du LIV au début du mois. S'ils étaient déboutés, la jurisprudence ferait réfléchir bon nombre de golfeurs tentés par les sirènes saoudiennes. 

Qui veut jouer pour Donald Trump ? 

Quand le LIV Golf a publié son calendrier complet, un nom célèbre s'affiche à 3 reprises : Trump. En effet, l'ancien président des États-Unis possède plusieurs parcours et il accueillera le circuit dissident du 26 au 28 mai à Washington D.C., du 11 au 13 août dans le New Jersey et du 20 au 22 octobre en Floride. Ce n'est pas une nouveauté et déjà en 2022, la situation avait suscité la polémique, car au moment de sa campagne en 2014 Trump s'en était pris à l'Arabie Saoudite et avait accusé le royaume d'avoir joué un rôle dans les attentats du 11-Septembre... avant d'effectuer une volte-face après son élection, refusant notamment d'admettre la responsabilité du Prince Mohammed bin Salman dans l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Si une association de victimes du 9/11 s'était émue de la situation, cela n'avait pas empêché DeChambeau et Johnson de partager une partie la veille du début du tournoi du New Jersey. 

Six jours après l'attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, le PGA Tour avait retiré son tournoi dans le New Jersey de son calendrier. Forcément, le magnat avait répliqué sur Truth Social, son propre réseau social créé après son bannissement de Twitter avant le rachat de l'oiseau bleu par Elon Musk : "tous ces golfeurs, qui restent fidèles au très déloyal PGA, sous toutes ses différentes formes, paieront un tarif élevé lorsque l'inévitable FUSION avec le LIV arrivera, et vous n'obtiendrez rien d'autre qu'un grand 'merci' des officiels du PGA qui gagnent des millions de dollars par an".

Les joueurs du LIV acceptés au Masters... pour l'instant

Le 20 décembre dernier, Fred S. Ridley, le patron du Masters d'Augusta (6-9 avril), a annoncé que les critères d'élection des joueurs ne seront pas modifiés : "nous inviterons les personnes éligibles selon nos critères actuels à participer au Tournoi du Masters 2023". En revanche, la suite du communiqué laisse supposer que l'édition 2024 pourrait être différente : "comme nous l’avons dit dans le passé, nous examinons tous les aspects du tournoi chaque année, et toute modification ou changement des critères d’invitation pour les futurs tournois seront annoncés en avril".

Sont donc autorisés à participer à la course à la veste verte : Mickelson, Garcia, Johnson, Charl SchwartzelBubba Watson, Patrick Reed en tant qu'ancien vainqueur, Koepka, DeChambeau et Smith en tant que récent vainqueur d'un Majeur et le top 50 mondial au moment de l'annonce ( ou encore ceux qui apparaissent à cette date dans le top 50 mondial (Abraham AncerLouis OosthuizenTalor GoochKevin Na, Jason KokrakJoaquín Niemann et Harold Varner III). 

Aux 78 joueurs déjà qualifiés, s'ajouteront ceux qui remporteraient un tournoi du PGA Tour ou qui intégrerait le top 50 en mars, mesure qui ne s'applique pas de facto aux joueurs du LIV. 

Vers une nouvelle évolution du ranking mondial ? 

Pour de nombreux joueurs, le calcul des points distribués par tournoi. Smith s'en était ému alors qu'il était proche du trône : "ça fait mal, c’est sûr. J’étais tout près de devenir numéro 1, je voulais cocher cette case, mais plus ça va plus j’ai l’impression que ce classement est en train de devenir obsolète"En janvier, Jon Rahm, qui jouait déjà du feu de Dieu se posait aussi des questions : "Surpris ? Oui, je le suis. S’ils n’avaient pas changé le système de calcul, je serais tout proche du sommet. Aujourd’hui, j’en suis à me demander si je vais réussir à dépasser Cantlay". Malgré tout, "Rahmbo" est devenu nº1 mondial le weekend dernier à la faveur de sa victoire éclatante au Genesis Invitational

Forcément, les joueurs du LIV qui n'ont plus que l'Asian Tour, perfusé par... le LIV, pour marquer des points méprisent le nouveau mode de calcul, à l'image de McDowell, vainqueur de l'US Open en 2010 : "l'évolution du système de calcul m'a déçu et il a perdu de son importance, considérait-il dans les colonnes de L'Equipe le 9 février dernier. Ne me dites pas que Johnson vaut sa 50e place mondiale actuelle. Idem pour Koepka, qui n'est même plus dans le top 50 alors qu'il vaut, au pire, une 20e place (il est 71e, ndlr). Ce classement est, selon moi, devenu inutile et je n'y prête plus attention"

Seul McIlroy, fin novembre 2022, a trouvé des avantages au nouveau fonctionnement alors que des tournois du PGA Tour sont parfois moins relevés que ceux du DP World Tour, mais font gagner plus de points : "Vous avez deux champs très différents : un de 50 joueurs contre un de 144. Donc, la raison pour laquelle il n’y avait que 21 points à Dubai et 37 au RSM Classic, c’est que le vainqueur sur le PGA Tour doit battre 143 autres joueurs et qu’ici il faut être meilleur que 49 joueurs pour s’imposer. C’est un système beaucoup plus juste". Le Nord-Irlandais a poursuivi son explication, selon lui fondé sur une base de calcul plus rationnelle qu'il n'y paraît : "c’est mathématique, ce n’est pas subjectif comme le précédent système. Beaucoup de travail a été consacré à cela, cinq ans d’algorithmes et d’analyses ont été introduits dans le système, donc ce n’est pas comme s’il avait changé du jour au lendemain. Mais je pense que cela prendra un certain temps. Il faudra encore 18 mois pour qu’il soit vraiment pertinent parce qu’il est basé sur un historique glissant de deux ans".

Une chose est certaine : l'Office World Golf Rankings ne doit accorder aucun point aux joueurs du LIV. Dans une interview accordée en milieu de semaine au Palm Beach Postle Sud-Africain Ernie Els, 4 Majeurs au palmarès, a été catégorique quant à cette supposition : "il n’y a aucun moyen que vous puissiez donner des points mondiaux au LIV. Ils jouent au golf en équipe avec 48 joueurs, il n’y a pas de cut… Mais comment diable pouvez-vous prendre cela au sérieux ? C’est impensable qu’ils puissent obtenir des points et ainsi entrer dans le classement mondial… Je pense que s’ils s’étaient rapprochés du PGA Tour, du Champions Tour ou encore du DP World Tour, on aurait trouvé une solution. Ils ne l’ont pas vu comme ça et ils m’ont surtout montré la porte lorsque j’ai parlé aux responsables du LIV avant le premier tournoi à Londres en juin dernier…". Au moins, il est clair qu'il n'entrera pas dans la composition de l'équipe 100 % springbok du LIV (Oosthuizen, Schwartzel et Branden Grace), d'autant qu'ils n'ont pas pris soin de contacter leur mentor qui les avait pourtant couvé via sa fondation. 

2 milliards de dollars dépensés mais aucun diffuseur privé

La personnalité de Norman, golfeur charismatique, pose problème pour beaucoup de monde dans le microcosme. Tiger Woods s'en est ainsi pris à lui et, dans la veine des opinions du Tigre, le dialogue semble impossible avec le LIV tant que le Shark le dirigera. Et même au sein de la nouvelle organisation, l'ambiance ne semble pas au beau fixe. Mi-décembre, Atul Khosla, le directeur opérationnel, a démissionné. Outre l'absence d'accord quant à l'attribution de points à l'OWGR, il n'était pas parvenu à sceller de partenariats avec des diffuseurs privés partout dans le monde. Début 2023, c'est Matt Goodman, le directeur stratégique, qui a jeté l'éponge.

Malgré la volonté d'organiser le LIV avec des allures de ligue fermée à l'américaine avec des équipes perçues comme des franchises, la formule n'a pas attiré pour le moment. En dépit des 2 milliards de dollars investis entre les primes d'engagement et les prize moneys, le LIV n'a pas trouvé de diffuseur. Au Royaume-Uni, Skysports a privilégié les circuits US et européen. Un temps intéressés, BT Sports et DAZN ont considéré que la somme exigée était trop conséquente. Aux États-Unis, Disney et Amazon ont décliné et même la FOX, pourtant proche de Trump, n'a rien signé. Pour l'heure, les tournois sont visibles gratuitement sur le site officiel du LIV, YouTube et Facebook. En France, la chaîne L'Équipe proposera sur son dispositif Live via son site internet le flux gratuit commenté. Rien à voir avec la couverture proposée par Canal+ pour les différents tournois des tours historiques. 

Certes, le LIV est un puits sans fond et l'argent n'est pas un problème. Mais s'il n'attire ni les fans ni les networks, la situation pourra vite devenir intenable, voire risible. Et les golfeurs partis pour les pétro-dollars paieraient des conséquences aussi disproportionnées que les sommes engagées. 

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