SCO Angers, de la dalle à la cale
Angers coule à pic et, de manière inéluctable, la Ligue 2 sera le quotidien du club la saison prochaine. D'ici le 3 juin et la 38e et dernière journée de championnat, la laterne rouge doit essayer de terminer cet exercice dans le calme et la dignité. De ces 10 semaines dépend le futur du SCO.
Adjoint de Gérard Baticle, mis à pied le 24 novembre, puis d'Abdel Bouhazama, Alexandre Dujeux pourrait terminer la saison avant l'arrivée d'un nouvel entraîneur. Ironie de l'histoire, Dujeux est désormais... sans adjoint. Une preuve supplémentaire de l'instabilité qui règne au sein du club. C'est le dernier épisode d'une saison bien trop longue.
Pickeu, 14 ans de stabilité entre 2006 et 2020
Ancien honnête joueur de championnat, Olivier Pickeu était arrivé dans les bureaux du SCO en 2006, avec Willy Bernard qui venait de reprendre le club. Si celui-ci ne reste que 5 ans car, en 2011, il est mis en examen pour abus de biens sociaux et fraude fiscale, ce qui le contraint à vendre à Saïd Chabane, Pickeu reste enchaîne les bons coups et les plus-values : Famara Diedhiou (6M€ à Bristol City), Nicolas Pépé (18M€ à Lille), Karl Toko Ekambi (18M€ à Villarreal), Flavien Tait (9M€ à Rennes), Jeff Reine-Adélaïde (25M€ à Lyon). En 14 ans, le directeur sportif n'a connu que deux entraîneurs : Jean-Louis Garcia (2006-2011) et Stéphane Moulin qui quittera le club en 2021, un an après Pickeu avant de le retrouver aujourd'hui à Caen.
Le retour en Ligue 1 en 2015 après 21 années d'absence au sein de l'élite s'était accompagné d'une image médiatique sympathique avec "la dalle angevine", leitmotiv d'un club fondé sur l'humilité et l'envie de se dépasser. En 2017, la qualification en finale de la Coupe de France est un sommet. Le binôme Pickeu-Moulin était la clef de voûte du SCO, l'un pour ramener les joueurs (Pickeu a néanmoins été accusé de prendre 5% sur chaque mouvement) qui collaient au projet de l'autre.
Deux ans pour plonger
Les départs de Pickeu (qui a récupéré 3M€ devant les prud'hommes pour licenciement abusif fondé sur la faute grave) en 2020 puis de Moulin en 2021 a laissé le club devant une page blanche. Le passage de Gérald Baticle a été très en-dessous des attentes : 12 victoires, 13 nuls, 29 défaites. Mis à pied fin novembre 2022, il a été remplacé, sans davantage de réussite, par Abdel Bouhazama, guère apprécié des supporters dont certains l'accusaient de savonner la planche de son prédécesseur. Plusieurs joueurs du centre de formation, dans une enquête publiée par Ouest-France en octobre 2022, ont évoqué le management brusque voire humiliant de l'homme qui avait qualifié le club pour la Youth League en 2021-2022.
Le coup de grâce a été le discours lunaire de Bouhazama avant d'affronter Montpellier (défaite 5-0). "C'est pas méchant, on a tous déjà touché des filles" a-t-il dit lors de sa causerie d'avant-match pour justifier la présence dans le XI d'Ilyes Chetti latéral gauche qui sera jugé prochainement en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour agression sexuelle sur une jeune femme lors d'une soirée en boîte en fin d'année 2022. "Des bobards" selon Mohamed Sifaoui, le directeur de la communication du club... avant la publication d'un communiqué indiquant que "pour lever toutes les ambiguïtés et les malentendus, Angers SCO condamne sans réserve la parole prononcée lors de la causerie même si celle-ci semble relever de la maladresse que de l'intention de banaliser une parole sexiste. D'ailleurs, le club qui n'accepte aucune forme de discrimination et condamne le sexisme et la misogynie". De quoi encore enfoncer le club alors que le président Chabane, sous le coup d'une enquête depuis 2020 pour de présumées agressions sexuelles sera convoqué par le tribunal correctionnel d'Angers le 14 juin prochain.
Table rase obligatoire ?
La gronde monte chez les supporters, notamment au sein du Kop de la Butte 92. L'ensemble de la direction est enjointe à quitter ses fonctions : Chabane, Sifaoui et le directeur sportif Laurent Boissier.
Un nouveau coach est amené à arriver, un profil Ligue 2 apte à relancer un club englué dans une double crise sportive et institutionelle, sachant que les rentrées économiques seront moindre la saison prochaine. La rumeur Jean-Marc Furlan bruisse mais il sera tout de même complexe de lui apporter des garanties, notamment quant à la stabilité. Il reste deux mois et demi pour sauver l'essentiel : la dignité d'un club qui a perdu de vue tout ce qui lui attirait de la sympathie.