Ski alpin : Manuel Feller, reggae man, pêcheur et skieur, dans cet ordre
Une épaisse tignasse blonde, un regard halluciné qui surmonte sa grosse moustache et un sourire franc illuminé par les dents du bonheur. Manuel Feller a une "tronche" et, malgré un physique pas vraiment taillé à la serpe, il ne faut pas se fier aux apparences.
Les planches aux pieds, l'Autrichien âgé de 30 ans fonce comme un dingue, façon "ça passe ou ça casse". Nouvelle illustration dimanche à Kitzbühel : meilleur temps de la première manche du slalom, il a enfourché sur le second tracé, étouffé par la pression d'une course disputée à quelques kilomètres de chez lui.
Géantiste et slalomeur de talent, l'enfant de Fieberbrunn (Tyrol) compte 18 podiums dont deux victoires en Coupe du monde, une médaille d'argent mondiale en 2017, et un statut de n°2 du circuit en slalom l'an passé, malgré une carrière hachée par les problèmes de dos, qui lui ont valu le retrait de plusieurs disques intervertébraux.
Le reggae, son "amour"
Feller ne se résume pas qu'à des chiffres, lui dont les déclarations sans filtre défraient régulièrement la chronique en Autriche, où les skieurs sont rois, mais également sous pression au quotidien.
"J'ai un esprit libre. C'est un gros problème, quand je montre des petites choses de ma vie perso sur les réseaux sociaux, hors du ski, je reçois une tonne de critiques. Les gens pensent que je me fiche du ski. Mais je suis déjà concentré dessus six jours par semaine. Donc quand j'ai du temps libre ou une journée de repos, fichez-moi la paix avec le ski !", résume-t-il à l'AFP.
Pour débrancher et ne pas "devenir fou", Feller se dandine au rythme du reggae. L'été, il écume les festivals en Allemagne et en Autriche et traverse parfois l'Atlantique. "Je suis déjà allé cinq fois en Jamaïque, où je me suis fait beaucoup d'amis, avant le Covid. Je vais à Kingston à des concerts de locaux, c'est incroyable à vivre. Le reggae, c'est mon grand amour", résume-t-il.
"J'ai grandi dans un village de 5.000 habitants, et je ne sais pas pourquoi on avait une dizaine de 'sound system', c'était énorme. Vers 15 ans, la 'vibe' reggae m'a pris. Je ne comprenais rien aux paroles au départ, en patois anglo-jamaïcain, je me laissais juste porter par le flow."
"Puis j'ai commencé à comprendre ce qu'ils chantaient, et ça a eu un impact sur ma personnalité, la façon dont je veux vivre ma vie, me comporter avec les autres. Par contre, je ne peux pas me qualifier de rasta, ce serait irrespectueux", assène-t-il, soudain sérieux. "Ce n'est pas une histoire de dreads. Être rastafari c'est être vegan, prier, ne pas toucher à l'alcool ou aux cigarettes, c'est une culture stricte. Je suis à fond dans la musique oui, mais ce sont deux choses séparées."
Pêche dans le Jura
Ce père de deux enfants fait partie des favoris du slalom et du géant nocturne de Schladming mardi et mercredi, la station où l'ambiance folle colle parfaitement à son personnage au ski électrisant. Mais une fois repu de la fureur du public, "Mani", gros poisson dans la petite mare du ski mondial, aspire au calme d'une bonne partie de pêche.
"Vous avez de super lacs en France. J'ai déjà fait un trip avec ma copine en van à travers l'Europe, la nuit j'allais parfois pêcher, et j'avais attrapé une carpe de 12 kg à Vouglans (Jura). J'ai hâte d'être à la retraite, je partirai en France pendant deux mois pour pêcher !"
S'il cuisine volontiers la truite, son "poisson préféré", l'Autrichien relâche toujours les carpes. "Ça m'est impossible de les tuer", confesse-t-il. Au lac du Praz de Courchevel, à quelques mètres de l'aire d'arrivée des Mondiaux dans deux semaines, il est interdit de taquiner le vairon l'hiver. Feller devra se contenter de la pêche aux médailles.