Lara Gut-Behrami, surdouée mûrie par les épreuves, de retour au sommet du ski mondial
Talent précoce
Lara Gut-Behrami remporte sa première course de Coupe du monde à 17 ans avec le super-G de Saint-Moritz en décembre 2008, un an après s'être illustrée dans la descente de la même station en franchissant la ligne sur le dos, décrochant son premier podium malgré une chute spectaculaire. Au même âge, en février 2009, elle s'offre l'argent en descente et en combiné des Mondiaux de Val d'Isère.
Tout ce qui l'inscrira dans l'histoire du ski est déjà là : l'audace, la lecture des trajectoires, la finesse technique, la sensation de voir son petit gabarit (1,60 m) épouser la neige pour lui dérober de la vitesse, même sur les sections plates où sa légèreté pourrait la limiter.
"J'étais si jeune, une enfant. J'ai grandi avec les caméras braquées sur moi", racontait-elle en février 2022 lors des JO de Pékin, juste après sa médaille d'or du super-G. "J'ai toujours essayé de faire de mon mieux, mais parfois, j'étais perdue. Je ne savais pas si je faisais les choses pour moi ou pour répondre aux attentes des autres."
Quinze ans plus tard, elle compte huit médailles mondiales (dont deux titres, super-G et géant en 2021), trois olympiques (bronze en descente en 2014, bronze du géant et or du super-G en 2022), 90 podiums dont 45 victoires en Coupe du monde dans quatre disciplines différentes (descente, super-G, géant, combiné), quatre globes du super-G (2014, 2016, 2021, 2023) et désormais un globe en géant (2024) et deux gros globes de cristal (2016 et 2024).
Caractère volcanique
Née le 27 avril 1991, "Lara" (à prononcer avec le "r" roulé) grandit dans le canton italophone du Tessin, le plus au sud de la Suisse. Sur le circuit, elle impressionne par son discours précis, sans ambages et polyglotte: elle parle parfaitement l'italien, le français, l'allemand, l'anglais, avec un bonus en espagnol.
Personnalité majeure dans une Suisse qui pratique et suit massivement le ski alpin, la championne forme un couple célèbre avec l'ex-footballeur international Valon Behrami, devenu son mari en juillet 2018.
Ses relations avec les médias suisses ont parfois été tendues : elle n'hésite pas à montrer son agacement lors des points presse ou à limiter ses prises de parole.
En février 2021, elle qualifie la piste de vitesse de Crans-Montana de "désastre", ce qui provoque l'ire de l'organisateur Marius Robyr. Quelques semaines plus tard, des caméras captent une conversation au téléphone en marge des Mondiaux de Cortina : "Que je doive encore aller m'excuser auprès du président (organisateur)? Qu'il aille se faire foutre!"
"Lara est formidable", saluait en février sa dauphine au général, l'Italienne Federica Brignone, dans le journal Blick. "Quand elle dit quelque chose, elle le pense vraiment – elle ne parle jamais pour se faire aimer de manière hypocrite".
Renaissance
La Tessinoise, alors N°1 mondiale, se blesse gravement à un genou avant le slalom du combiné des Mondiaux 2017, début de plusieurs saisons de galère. Elle gagne une course en janvier 2018, puis rien jusqu'en février 2020, avant un retour spectaculaire au premier plan à partir de janvier 2021.
Son association avec un nouveau préparateur physique à l'été 2019, l'Espagnol Alejo Hervas, semble tout changer.
"J'ai l'impression que Lara rajeunit", confiait le technicien andalou en 2023 au site Skiactu. "Elle comprend, de saison en saison, ce dont elle a vraiment besoin. Elle sait où placer le curseur et son énergie."
Maturité
Depuis plusieurs saisons déjà, la championne tient un discours clair : elle se focalise sur ses sensations en faisant abstraction des résultats – elle a balayé jusqu'en mars les questions sur le gros globe –, et n'hésite jamais à se préserver, en restant à l'écart des réseaux sociaux et en limitant les sollicitations.
"J'essaie simplement de profiter de mes dernières années sur le circuit: si je gagne, c'est bien, si je ne gagne pas, j'essaie au moins de m'amuser", confiait-elle fin janvier, sans plus fixer d'horizon pour sa retraite sportive.