Succès populaire et manita blaugrana : le Clásico féminin s'impose dans le paysage espagnol
On a beau être le 19 novembre, ce n'est pas encore l'heure de s'emmitoufler à Barcelone. Ciel bleu, mercure allégremment au-dessus des 20 degrés et t-shirt de rigueur : le coup d'envoi est à midi mais les grilles de Montjuic sont ouvertes depuis deux bonnes heures. C'est un jour de Clásico et comme c'est régulièrement devenu le cas depuis plusieurs saisons, le pourtant récent et cosy Johan-Cruyjff de Sant Joan Despí a été déserté. L'affluence a décuplé, voire davantage. Plus de 38000 personnes ont gravi la colline pour inverstir le stade olympique Lluís Companys. DAZN a aussi mis des moyens inédits pour l'événement en termes de réalisation et en dépéchant une consultants de luxe au commentaire en la personne de Jenni Hermoso.
Club arrivé à maturité contre club encore en développement
Passer par les travées suffit à comprendre combien la section féminine du FC Barcelone est plus populaire que jamais. Il n'est jamais inutile de préciser qu'Alexia Putellas et Aitana Bonmatí sont dans le top 5 des flocages les plus réclamés à la boutique du club du Camp Nou, que Mapi León et Claudia Pina sont également très populaires, et que les chiffres doivent dépasser 95% des joueurs de Liga masculine qui gagnent beaucoup plus qu'ils ne génèrent pour reprendre une théorie chère à ceux qui pensent que les revendications des joueuses sont uniquement financières... Une réussite qui a démarré sous la présidence de Josep Maria Bartomeu (dont les mauvaises langues affirment qu'elle est due au fait qu'il n'y a pas mis le nez) et l'impulsion décisive de Markel Zubizarreta, directeur sportif qui a récemment quitté le club.
Le Clásico est le rendez-vous dont le football féminin espagnol avait besoin depuis de nombreuses années. L'annonce du rachat de la licence du CD Tacón en 2019 quelques mois avant que ce club 100% féminin ne monte en Liga a renforcé la concurrence, même si Florentino Pérez a mis des années à valider cette arrivée et que les succès blaugranas n'ont certainement pas été innocents, histoire de ne pas laisser le champ libre.
Quand le Tacón a affronté le Barça pour la première fois en 2019, c'était précisément à Johan-Cruyff. Après une raclée 9-1, le "futur Real Madrid" était redevenu, moins de 2 heure plus tard, le Tacón dans les titres de la presse sportive madrilène... Depuis, les Catalanes ont remporté deux fois la Ligue des Champions, survolé 4 fois la Liga et deux joueuses ont remporté les trois derniers Ballons d'Or. Pendant ce temps, le club merengue a beaucoup recruté de joueuses de qualité mais court après son premier titre depuis 2020 et l'absorption officielle du Tacón par le Real Madrid. La finale de la Copa de la Reina, perdue aux tirs au but contre l'Atlético après avoir mené 2-0 jusqu'à la 87e minute, a été un coup dur, tout comme l'élimination prématurée en phase de groupes de la Ligue des Champions la saison dernière.
De la même manière, la Casa Blanca n'a encore jamais battu le Barça et quelques semaines après le triomphe de leurs collègues masculins, le cadre de Montjuic était parfait pour relancer un championnat dont l'identité du vainqueur nourrit autant de suspense qu'en France. Ce ne sera pas pour cette fois non plus. La supériorité collective blaugrana n'a fait aucun doute pour ce 12e duel toutes compétitions confondues. Même sans Putellas ni Irene Paredes, blessées, le Barça a surdominé. Bonmatí, Caroline Graham Hansen, Mariona Caldentey en première période, Pina et Vicky López en fin de match ont marqué et cette manita est très bien payée pour le Real Madrid, surpassé dans tous les compartiments du jeu et sauvé plusieurs fois par les montants de Misa Rodríguez.
Un écart difficile à combler
C'est la grande question qui doit animer le Real Madrid dans les mois à venir : comment réduire l'écart avec le Barça ? Car même avec plusieurs championnes du monde dans ses rangs (Carmona, Misa, Tere Abelleira, Athenea del Castillo, Ivana Andrés, Claudia Zorzona, Oihane Hernández) et des éléments d'excellent niveau (Signe Bruun, Sandie Toletti, Linda Caicedo par exemple), l'équipe merengue a été totalement inoffensive.
Le premier tir, oeuvre d'Olga Carmona, est intervenu à la 39e minute et est passé plus d'un mètre au-dessus de la cage de Cata Coll. La première tentative fut aussi la seule du match au demeurant... L'organisation collective n'a pas été au niveau de l'adversaire qui s'est promené entre les lignes, imposé physiquement à l'image de Lucy Bronze qui n'a rien laissé à del Castillo. Alberto Toril n'a pas voulu s'expliquer et n'est pas apparu en conférence de presse d'après-match comme l'y autorise le réglement.
Si le talent de l'effectif peut suffire contre des équipes moins bien dotées, cela reste très insuffisant pour accrocher le gratin et le Real Madrid n'est pas exactement le genre de clubs à se contenter de disputer les accessits, surtout quand le rival truste tous les succès. La question du centre de formation est cruciale et le retard à combler est important. Même au niveau de la captation, le Barça a une longueur d'avance : outre Salma Paralluelo, la venue de la pépite López, qui évoluait au Madrid CFF, a été un très gros coup. Pour autant, il ne faut pas omettre que ce projet entame seulement sa 4e année et, même s'il s'agit du Real Madrid, le décalage structurel est normal en dépit des efforts financiers pour étoffer l'équipe première.
Le Barça parvient à mélanger des joueuses du cru, d'autres post-formées et des stars aguerries qui viennent dans la cité comtale pour gagner des titres en jouant bien au ballon. Avec Lluís Cortés puis Jonatan Giráldez, le FCB est devenu une grande puissance du football féminin, si ce n'est la plus grande. La succession de Zubizarreta reste une inconnue majeure car il a été maître d'oeuvre de cette mutation. Pour l'heure, le club blaugrana est intouchable et sa section féminine attire un public familial et jeune depuis plusieurs années. Ambition dans le jeu et identité de club offrent des résultats sportifs et financiers (900.000€ de recettes d'après la radio RAC-1). Le succès populaire de ce Clásico à Monjuic dimanche en a apporté une nouvelle preuve.