12 victoires pour deux défaites. Voilà le bilan en 2024 pour Emma Navarro, après son succès éclair 6-1, 6-3 en à peine plus d'une heure sur Elise Mertens en 16e de finale du WTA 1000 de Doha. Pourtant, seulement deux places d'écart au classement WTA entre l'Américaine et la Belge, mais l'impression qu'il y en avait 50 sur le court.
Une belle démonstration de ce qu'est son début de saison. Alors qu'elle a intégré le Top 50 en septembre dernier, la voilà 23e mondiale, voir mieux en cas de parcours jusque dans le dernier carré au Qatar. Assourdissant ? Non, juste une grand espoir américaine de plus, sauf que celle-ci a du succès.
Là ou Peyton Stearns, championne NCAA comme elle, patine encore pour lancer sa carrière, elle a trouvé rapidement la clé du succès. Car si le championnat universitaire américain est prestigieux, le remporter ne garantit pas une carrière professionnelle réussie. Au XXIe siècle, seule la future retraitée Danielle Collins a réellement joué les premiers rôles sur le circuit WTA, atteignant notamment la finale de l'Open d'Australie 2022. Les autres se sont noyées.
Alors, qu'est ce qui fait d'Emma Navarro une joueuse à part ? Sa progression fulgurante pour commencer. Ce succès sur la Belge renvoie à un de ses matchs référence sur le circuit, la finale du WTA 250 d'Hobart en janvier, contre... Elise Mertens.
Sa première finale sur le circuit WTA à 22 ans. Un match dans lequel elle est passée par tous les états. Dominatrice, elle a surclassé sa rivale dans le premier set, mais a manqué d'expérience (alors qu'elle a eu trois balles de break à 4-4 dans le second), et s'est laissée entraîner dans une troisième manche dont elle est heureusement sortie gagnante après presque trois heures de bataille, avec une certaine réussite.
Un mois et demi plus tard, même adversaire, mais la différence est réelle. Premier set survolé de la même manière, sauf que cette fois, alors qu'elle avait perdu son break d'avance dans le deuxième, elle a su se regrouper, la conséquence étant que Mertens n'allait plus marquer un jeu du match. 64 minutes contre une taulière du circuit, du travail de pro.
Pourtant, elle n'a pas une première balle plus impressionnante que la moyenne. Ce n'est pas la première d'Aryna Sabalenka ou de Elena Rybakina, même si elle est efficace. Mais sa vision du court est parfaite, et son enchaînement service - premier coup de raquette est absolument impeccable, lui assurant de nombreux points aisés. Surtout avec une telle lourdeur de frappe.
Une arme majeure qui lui avait notamment offert son plus gros succès en carrière à l'automne dernier, à San Diego. En quarts de finale, elle avait tapé sa première Top 10, en la personne de Maria Sakkari. La Grecque allait gagner la semaine suivante le WTA 1000 de Guadalajara, mais elle a cédé après une intense bataille de 2h15 contre l'Américaine, cette dernière triomphant 6-4, 0-6, 7-6 (4).
Et déjà, le signe d'une réflexion intense sur le court. Après avoir gagné le premier set, elle a connu un sacré coup de pompe dans le deuxième. Mais elle n'a pas hésité à le lâcher, reprenant des forces pour tenir tête à sa rivale et l'entraîner au tiebreak décisif. Là, elle l'a pris à la gorge, s'isolant en tête pour mener un bel avantage initial au bout.
Quelques constantes depuis son éclosion : une agressivité énorme sur les deuxièmes balles qui lui permet de maintenir une pression constante sur son adversaire. Une longueur de balle assez épatante, mais surtout, elle n'a pas peur de changer de tactique en cours de match, ce qui fut le cas contre Sakkari par exemple. Son sens du contrepied est également à noter.
Mais de grands espoirs pour qui le Top 20 a finalement été un plafond au lieu d'une étape, il y en a à foison, chez les hommes comme chez les femmes. Que pourrait améliorer Emma Navarro pour franchir une étape de plus dans sa carrière supersonique ? Pour le savoir, retour sur sa dernière confrontation en date avec une Top 10, en demi-finale d'Auckland le mois dernier.
Cette joueuse, ce n'était autre que Coco Gauff. Un modèle, de facto, pour l'Américaine. La référence quand on parle de jeune star qui a confirmé sur le circuit WTA. Gauff n'est plus une jeune star, elle est n°3 mondiale et lauréate de Grand Chelem. Et cela lui aura pris un peu plus de quatre ans depuis ses débuts sur le circuit principal.
Et ce match à sens unique (6-3, 6-1), bien que le score ne reflète pas la pyisionomie du match, a démontré à quel point Navarro était en difficulté contre des adversaires qui frappent plus fort qu'elle (un point qui a également été entrevu lors de sa seule autre défaite en 2024, contre Dayana Yastremska à l'Open d'Australie). Pourtant, elle a tenté, dans les deux cas, de casser le rythme, à coup d'amorties, de montées à contretemps, sans succès.
Une marge de progression évidente sur ce point, ainsi que sur la gestion de ses temps faibles. Le mieux serait évidemment de ne pas en avoir, mais elle a du mal à jouer sur ses qualités dans ces moments de creux. Sa deuxième balle peut également être améliorée, mais c'est vrai pour 80% des joueuses du circuit. L'important reste néanmoins qu'elle n'a clairement pas peur et qu'elle garde un esprit combatif jusqu'au dernier point.
Cela pourrait lui être utile, et notamment en 8e de finale à Doha. Si elle domine comme attendu Zhu Lin, Elena Rybakina sera son adversaire. Rien de mieux que la n°4 mondiale pour étalonner sa progression fulgurante. Si elle perd, rien de plus logique, et son tournoi est déjà réussi. Mais si elle gagne... On n'aura pas fini d'entendre parler d'Emma Navarro.
