Jasmine Paolini est une véritable tornade, mais Iga Swiatek a tout en mains pour l'arrêter
Fin 2023, Jasmine Paolini était 30e mondiale, en progression certes, mais elle n'avait jamais franchi le 2e tour d'un tournoi du Grand Chelem en 27 participations, et ses faits de gloire se limitaient à un titre en WTA 250 en 2021 et un quart de finale au WTA 1000 de Cincinnati l'été dernier. Moins de six mois plus tard, elle a remporté le WTA 1000 de Dubaï, et la voilà désormais finaliste de Roland-Garros, ce qui lui assure à minima la 7e place mondiale lundi (5e en cas de victoire).
Comment en est-elle arrivée là ? De la réussite bien sûr, mais elle dispose à ce jour de l'arme la plus puissante du tennis : la confiance. Le tennis pour jouer le niveau Top 10, elle l'a, elle en témoignait déjà début 2022 lorsqu'elle a signé son véritable acte de naissance sur le circuit WTA avec une victoire sur Aryna Sabalenka à Indian Wells.
Une victoire qui a démontré beaucoup de choses. Infiniment moins puissante que la Biélorusse, mais une vitesse, un déplacement et une vision du jeu supérieure, qu'elle a réussi à exploiter sans se frustrer sous les coups de canon de sa rivale. Mais comme souvent, confirmer est le plus compliqué, et elle ne gagnera que deux de ses neuf matchs suivants sur le circuit WTA. Quelques performances ça et là maintiennent sa place dans les 50 premières, mais la promesse de cette glorieuse victoire californienne s'étiole alors.
Le circuit féminin regorge de talents qui sont incapables de maintenir un haut niveau de performance sur la durée. Après un an et demi sans faire parler d'elle, Paolini allait clairement échouer dans cette catégorie avant un petit coup de pouce, sous la forme d'un abandon de Elena Rybakina pour un premier quart de finale en WTA 1000 à Cincinnati, un niveau où elle n'avait jamais dépassé le 3e tour. Mais même si elle termine l'année par une finale à Monastir, il n'y a pas non plus de quoi considérer l'Italienne comme "la joueuse qui va exploser en 2024".
Et ce n'est toujours pas le cas quand elle franchit pour la première fois le 2e tour d'un Grand Chelem en Australie. Pourquoi ? Parce qu'elle ne bat aucune adversaire impressionnante, et quand elle joue pour un quart, elle cède contre une adversaire abordable, Anna Kalinskaya. Pas assez convaincant, mais le mois suivant, cette athlète va enfin avoir la reconnaissance et la gloire, au WTA 1000 de Dubaï, qu'elle remportera en dominant en finale... Anna Kalinskaya !
Une progression réelle, c'est celle qui vous fait gagner. Et sur ce point, la Transalpine est en plein dedans. Un titre en WTA 1000 qu'elle n'était que la troisième italienne à conquérir (après Flavia Pennetta et Camila Giorgi). Une entrée dans le Top 20. Mais surtout, elle est alors cataloguée comme joueuse de dur, là où elle a eu ses meilleurs résultats donc. Logique, puisqu'elle a souvent tendance à s'appuyer sur la balle adverse, et elle n'est donc pas nécessairement parmi les favorites pour la saison sur terre battue. Pourtant, elle y battra Ons Jabeur et y fera trembler Elena Rybakina, mais concèdera aussi des défaites inattendues contre Mayar Sherif et... Mirra Andreeva.
Parce que la confiance, c'est aussi gagner des matchs que l'on doit gagner. Et c'est ce qu'elle a fait à Roland-Garros. Favorite de cinq de ses six matchs, elle a assumé son statut, même quand Elina Avanesyan l'a poussé à bout. Et quand il y a eu une ouverture contre une des meilleures mondiales, et favorite, elle s'est engouffré dans la brèche en faisant commettre à Rybakina pas moins de 48 fautes directes ! Le plus dur, c'est toujours de confirmer, mais elle a une autre qualité maîtresse : elle apprend de ses erreurs, et c'est ce qui lui a permis de corriger sans coup férir... Mirra Andreeva.
Mais a-t-elle réalistiquement une chance pour ce qui sera sa plus grande finale en carrière cet après-midi ? Car elle va passer le test du feu, l'une des épreuves les plus compliquées sur le circuit WTA : affronter Iga Swiatek sur terre battue. La n°1 mondiale n'a perdu que 4 fois en 55 matchs sur la surface depuis que Maria Sakkari lui avait infligé sa dernière défaite à Roland-Garros, lors des quarts de finale 2021.
Alors oui, la Polonaise a frôlé la catastrophe durant ce Roland-Garros. Elle qui réalise un si bon travail quant à cacher ses émotions qui lui sont préjudiciables sur le court, a craqué totalement après avoir échappé à une sortie prématurée au deuxième tour contre une Naomi Osaka que l'on n'attendait pas à pareille fête. Visiblement, elle avait bien besoin de cela, parce qu'aborder le tournoi en tant qu'archi favorite, c'est prendre le risque de subir une désillusion pour ne pas avoir pu rentrer dans son tournoi.
Grâce à ce match homérique - qui aurait eu toute sa place en night session, mais c'est une autre histoire - elle y est entrée, dans son tournoi. Et les conséquences sont immenses, puisqu'elle est redevenue le rouleau compresseur qu'on a tant admiré sur terre. 14 jeux perdus en 4 matchs, trois 6-0 en 8 sets, personne ne lui résiste.
Et si on se penche sur l'historique des confrontations directes, difficile de voir autre chose qu'une victoire polonaise. On laissera de côté leur affrontement en 2018, trop loin pour avoir une signification, pour se pencher sur celui de 2022, au premier tour de l'US Open. Une victoire implacable 6-3, 6-0 pour Swiatek, prélude à son triomphe new-yorkais, conclusion d'une année 2022 exceptionnelle. Et pas l'ombre d'un espoir pour la Transalpine.
Surtout si l'on prend en compte le 21/25 de la n°1 mondiale en finales en carrière, dont le 4/4 en Grand Chelem. Mais on peut retourner l'argument et se rappeler de la finale de 2023 contre Karolina Muchova. Une finale dans laquelle la Polonaise menait 6-2, 3-0 avant de trembler, de cafouiller son tennis et de se voir entraînée dans une troisième manche dont elle est heureusement ressortie indemne.
Faire douter, résister le plus possible, saisir les opportunités. Cela semble facile sur le papier, et après tout, Jasmine Paolini est en train de se bâtir une sacrée réputation. Mais il en faut plus pour inquiéter Iga Swiatek, qui jouera dans son jardin, et aura toutes les cartes en mains pour réaliser un triplé que seules Monica Seles et Justine Hénin ont réussi dans l'Ère Open. L'histoire ou l'histoire, la gagnante sera magnifique, mais malgré la glorieuse incertitude du sport, la n°1 mondiale devrait rester la Reine.