Roland-Garros, l'occasion d'une nouvelle édition de "qui peut battre Iga Swiatek ?"
2020, 2022, 2023, et 2024 ? Depuis plusieurs années, Iga Swiatek est la Reine de Roland-Garros. Trois sacres sur les quatre dernières éditions, et l'occasion cette année de remporter la Coupe Suzanne-Lenglen trois fois d'affilée. Pour situer la performance, seules Monica Seles et Justine Hénin ont réalisé cette performance dans l'Ère Open. Sachant qu'elle était déjà devenue l'an dernier la première à conserver son titre Porte d'Auteuil depuis la Belge, c'est une issue probable.
Mais ce n'est clairement pas le plus bel argument en sa faveur. Par où commencer ? Sa saison 2024 d'abord, en tout points monumentale. 38 victoires pour 4 défaites, 4 titres, tous en WTA 1000 ! Alors oui, elle a raté son Open d'Australie, difficile de le nier avec une sortie au troisième tour. Mais pour le reste, c'est une démonstration. Et en bonus, le premier doublé Madrid - Rome depuis Serena Williams en 2013.
Cependant, c'est surtout son niveau sur terre battue qui fait d'elle l'ultra favorite. Depuis qu'elle a été battue par Maria Sakkari en quarts de finale de Roland-Garros 2021 - pour la dernière fois à Paris donc, elle est stratosphérique sur la surface. Le bilan chiffré vaut mieux qu'un long discours : 4 défaites en 55 matchs sur la terre ! Les coupables ? Caroline Garcia durant son été 2022 de rêve, Aryna Sabalenka en finale de Madrid 2023 et Elena Rybakina à deux reprises - dont une fois sur abandon. C'est d'ailleurs la Kazakhstanaise qui lui a infligé sa seule défaite sur la surface en 2024. Et il lui a fallu trois heures et un niveau de jeu stratosphérique pour y parvenir.
Si mentionner la Française en 2024 est hors de propos, Rybakina et Sabalenka seront bien évidemment les deux principales candidates pour faire tomber la Polonaise cette fois encore. Point commun dans ces défaites ? Elles ont été concédées face à des joueuses plus puissantes, dotées d'une première balle lourde, et d'un pouvoir d'accélération assez impressionnant pour prendre de court la n°1 mondiale. Mais cette stratégie a des limites.
On l'a vu avec les deux finales espagnoles et italiennes. Dans la première, Sabalenka a eu des balles de titre après une partie à haute intensité. La Biélorusse a sorti le grand jeu, multipliant les coups gagnants, agressant la Polonaise sur son service, se projetant vers l'avant à la moindre occasion. C'est de cette façon qu'elle avait battu la n°1 mondiale à Madrid en 2023, et c'est ainsi qu'elle a failli réitérer en 2024.
Mais deux semaines plus tard, pour la revanche en finale de Rome, 1- la Polonaise s'était adaptée et 2- la Biélorusse n'a pas réussi à reproduire une intensité aussi forte. Moins percutante, elle a commis plus de fautes, et le résultat a été sans appel : 6-2, 6-3 sans qu'on n'ai jamais pu croire que ce jour-là, Aryna Sabalenka ait donné l'impression de pouvoir renverser la Reine.
Être à 100% le jour J à l'heure H, c'est une condition sine qua none. Mais autant prendre de vitesse Swiatek sur dur ou sur gazon est une réelle possibilité, autant sur terre, cette stratégie a ses limites. On le voit toujours en 2024, la Polonaise n'a rien perdu de son explosivité et ses démarrages vers l'avant sont clairement parmi les meilleurs du circuit. Tenir l'échange ? Oui, mais Coco Gauff et Jessica Pegula, parmi les meilleures dans ce registre, présentent un bilan cumulé de 4-16 face à la n°1 mondiale.
Casser le jeu, varier le rythme en proposant une gamme de coups estampillés terre battue ? Ons Jabeur est la Reine de ce style, mais elle n'a plus battu la Polonaise depuis 2021 et est de toute façon en retrait cette saison. Il faudrait donc une joueuse puissante, dotée d'une vraie première balle, mais avec un réel toucher et une endurance à toute épreuve. Le portrait de... Karolina Muchova, qui avait clairement fait trembler la n°1 mondiale en finale l'an dernier.
Manque de chance, la Tchèque, dont le physique est le point faible, est de nouveau blessée et forfait pour cette édition. La Polonaise, elle, est en pleine forme, en pleine confiance, tous les signaux sont au vert, et après avoir défendu avec succès son titre l'an dernier - chose qu'elle avait échoué à faire en 2021 - la croyance en ses possibilités a été renforcée.
Car elle est loin, la 54e mondiale de 19 ans qui avait choqué la planète tennis en octobre 2020, remportant à Roland-Garros tout simplement son premier tournoi en carrière. Trois ans et demi plus tard, elle a laissé place à une quadruple lauréate de Grand Chelem, indiscutable n°1, qui pourrait perdre au premier tour à Paris puis Wimbledon qu'elle resterait installée sur le trône, symbole de son implacable domination.
Reste la possibilité d'un jour sans. C'est rare, mais cela arrive même aux meilleures. Cela a été le cas pour la Polonaise cette année à Miami, lorsqu'elle a été rossée par une Ekaterina Alexandrova en feu. Mais tout miser là-dessus n'est pas une stratégie, c'est un aveu d'impuissance. Car au moment d'entrer sur le court, Iga Swiatek sera la favorite, et on a beau chercher, on voit mal comment elle pourrait perdre. Reste la glorieuse incertitude du sport...