Roland-Garros : la "renaissance" de Fiona Ferro
Un cri de rage le poing levé, puis un large sourire. Dès sa balle de match remportée contre l'Australienne Jaimee Fourlis (150e) en qualifications la semaine dernière, Fiona Ferro a laissé éclater sa joie, presque incrédule.
"Ça fait super plaisir, je suis passée par beaucoup d'émotions ces derniers mois, pas forcément positives", souffle-t-elle dans la foulée. "Si l'on m'avait dit que je me qualifierais pour le tableau principal de Roland, j'aurais signé tout de suite."
Il y eut un temps où la Française de 26 ans n'aurait sans doute pas tant célébré cette victoire car elle appartenait à une sphère différente. En mars 2021, elle évoluait à la 39e place, son meilleur classement. Mais depuis, la carrière de Ferro a pris une autre tournure. En février 2022, elle porte plainte contre son ancien entraîneur Pierre Bouteyre pour des faits présumés de viols et agressions sexuelles commis de 2012 à 2015. Elle avait entre 15 et 18 ans.
Pause de plusieurs mois
S'amorce alors la chute. Panne de résultats, classement en baisse... Ferro décide de faire une pause. "C'était vraiment devenu une nécessité", raconte-t-elle. "J'ai continué à jouer, mais pas comme je le faisais avant, plutôt par plaisir, parce que c'est ce que j'aime. Mettre l'investissement et l'intensité tous les jours pour être au niveau, je n'avais pas forcément les ressources pour pouvoir le faire."
La Française s'éloigne du circuit mondial pendant plusieurs mois, jusqu'à un match par équipes avec son club du TC Paris en novembre, où elle retrouve "l'adrénaline de la compétition". "À partir de ce moment-là, j'ai recommencé à m'entraîner sérieusement en ayant moins d'attentes sur les résultats, en me disant : Peut-être que ce n'est pas grave si je suis 300e ou 400e, c'est quand même ce que j'ai envie de faire pour le moment."
Sous la houlette de Pierre Mazenq et d'Éric Winogradsky, ancien entraîneur de Jo-Wilfried Tsonga entre autres, Ferro reprend les tournois fin-janvier et remonte doucement la pente dans l'autre monde du tennis, celui des tournois méconnus et peu rémunérateurs.
"En mars, j'ai fait un tournoi à Majorque qui m'a rapporté 35 euros", sourit-elle. "J'ai pris une photo du prize money. L'inscription coûtait plus cher que le prize money (...) Ça pousse à l'humilité."
"Une nécessité d'en parler"
Ferro débute les qualifications de Roland-Garros avec, pour meilleur résultat cette année, une finale au tournoi ITF (circuit inférieur à la WTA) de Bellinzona (Suisse) en avril, mais franchit les trois obstacles vers le tableau principal.
"C'est beaucoup de bonheur de pouvoir partager avec ma famille, mes amis, qui savent par quoi je suis passée ces derniers mois, parce qu'ils faisaient aussi partie du truc", s'émeut-elle après sa qualification. "C'est un peu une renaissance."
Ferro opère cette renaissance parallèlement à celle de Lucas Pouille, autre poulain de Winogradsky à être parvenu à s'inviter dans la quinzaine. "On se sent assez proches dans le processus de come-back", glisse-t-elle.
Joueuse la plus mal classée au WTA à intégrer le tableau principal, la native de Libramont, en Belgique, veut désormais reprendre le fil de sa carrière, sans regret. "Je pense qu'il y a beaucoup de jeunes filles qui ont été ou qui peuvent être dans ma situation aujourd'hui. Pour moi, c'était une nécessité d'en parler", affirme-t-elle. "Si ça peut aider aussi d'autres filles dans leur cheminement, c'est top. Pendant ce Roland, je vais essayer de ne pas trop parler de ça parce que j'ai envie de ramener les choses au plan sportif."
Sur ce plan-là, la Suédoise Rebecca Peterson l'attend au premier tour, pour continuer sa résurrection au "meilleur endroit pour partager des émotions".