Jamais là où on l'attend, Madison Keys revient au premier plan et défie Iga Swiatek à Madrid
Iga Swiatek, Aryna Sabalenka, Coco Gauff, Elena Rybakina, Ons Jabeur, Karolina Muchova. Voici la liste des joueuses qui ont disputé au moins deux demi-finales de Grand Chelem sur les deux dernières saisons du circuit WTA. Que des Top 10. Ce que n'est plus Madison Keys, qui fait pourtant partie de cette liste prestigieuse qui démontre le talent et la régularité dans les grands rendez-vous.
On pourrait croire qu'à 29 ans, l'Américaine a sa carrière derrière elle. Joueuse marquante des années 2010, elle a atteint son climax lors de l'US Open 2017, du temps du triomphalisme de l'Oncle Sam avec un dernier carré 100% américain, lorsqu'elle jouera sa seule finale de Grand Chelem à ce jour, perdue contre Sloane Stephens.
Il faut dire que "Madi" a largement contribué à être oubliée. La période de Covid ne lui a pas été favorable, avec aucun titre entre août 2019 et janvier 2022, quand elle est sortie du Top 50. La nouvelle génération débarquant sur le circuit WTA, on ne donnait pas cher de sa peau pour la décennie. Mais force est de constater qu'elle a su redonner de l'élan à sa carrière, un second souffle que toutes les vedettes du tennis ne savent pas trouver.
Comment s'y est elle pris ? Un responsable : l'amour. Celui qu'elle porte à son fiancé, l'ancien professionnel Bjorn Fratangelo, vainqueur de Roland-Garros juniors en 2011 (contre un certain Dominic Thiem en finale) mais qui n'a pas laissé une grande marque sur le circuit ATP. Au printemps 2023, rupture avec Georgi Rumenov Payakov - qui l'avait sacrément regonflé depuis début 2022, avec cette demi-finale surprise à l'Open d'Australie.
Résultat : Madison Keys a dû aborder la tournée européenne sur terre battue absolument seule, sans coach. Une sortie au deuxième tour de Roland-Garros plus tard, elle a appelé Fratangelo à l'aide pour devenir officiellement son coach, en plus d'être déjà son fiancé. Et les résultats de cette combinaison de facto à double tranchant sont arrivés immédiatement.
Une série de neuf victoires consécutives avec un titre au WTA 500 d'Eastbourne en sortant Coco Gauff puis Daria Kasatkina, avant un parcours vers les quarts de finale de Wimbledon, où elle ne sera stoppée que par Aryna Sabalenka. Un élan rapidement fauché par une blessure, elle rate son coup sur les deux WTA 1000 nord-américains...
... pour mieux ressortir de sa boîte à l'US Open. Un parcours absolument monstrueux où elle sortira Liudmila Samsonova, en feu à ce moment là, puis Jessica Pegula et la récente lauréate de Wimbledon Marketa Vondrousova, atteignant le dernier carré à domicile. Là, elle fera vivre un enfer à Aryna Sabalenka, dont la Biélorusse ne sortira vivante qu'au super tiebreak.
Mais puisqu'elle se rapproche de la trentaine, Madison Keys est plus impactée par les blessures. Celle qu'elle subira peu après son parcours new-yorkais aura des conséquences, puisqu'elle la privera du début de saison, et en particulier de l'Open d'Australie. Là encore, on pense qu'elle ne pas revenir à un haut niveau tout de suite, d'autant que sa reprise au Sunshine Swing puis à Charleston n'es pas convaincante, avec trois victoires en trois tournois et une défaite embarrassante contre Jaqueline Cristian à Charleston en point d'orgue.
Mais une fois encore, elle revient au sommet quand elle n'est pas attendue. Et surtout sur une surface qui n'est pas la sienne. Certes, elle a été demi-finaliste à Roland-Garros en 2018, et finaliste du WTA 1000 de Rome en 2016, mais à Madrid, son meilleur résulat était un 3e tour. Jusqu'à cette année, puisqu'elle a rejoint le dernier carré, et avec classe, en coupant de belles têtes.
La première a été celle de sa compatriote Coco Gauff, qui pouvait, en cas de bon parcours à Madrid, devenir n°2 mondiale. "Madi" a empêché cet état de fait au terme d'un match serré, compliqué dans lequel elle a été menée 5-2 dans le premier set et surtout 4-2 dans le troisième, avant de renverser la vapeur à grand renfort de coups gagnants. Mais c'est surtout en quarts contre Ons Jabeur qu'elle a marqué les esprits.
En début de match, elle n'a pas vu le jour, perdant tout simplement les huit premiers jeux de la rencontre ! Beaucoup auraient craqué - comme Jelena Ostapenko la veille dans la même position - elle s'est regroupé pour trouver des solutions, et a lâché les chevaux, envoyant la puissance en coup droit pour tenir tête à la Tunisienne, arrachant la deuxième manche à la première occasion avant de dérouler et d'assommer sa rivale dans le dernier set.
Une forme retrouvée subitement, sans raisons apparentes, et la voilà en demi-finale d'un WTA 1000 pour la première fois depuis Cincinnati 2022. Mais c'est là qu'elle va devoir relever le défi ultime : Iga Swiatek, lauréate de trois des quatre dernières éditions de Roland-Garros, meilleure joueuse sur terre battue depuis trois ans, n°1 mondiale. Le genre de défi qui l'anime ?
En tout cas, sur le court aprè son quart de finale, l'Américaine a joué la modestie. "J'essaierai simplement de me montrer à la hauteur. C'est une joueuse incroyable qui se débrouille très bien sur la terre battue. Ce sera un match très difficile. Tant que je contrôle mon côté du terrain, je peux être fière de moi." En terme de confrontations directes, pas de quoi rougir.
Que ds confrontations au niveau WTA 1000, et l'Américaine a de surcroit remporté la dernière en date. Néanmoins, c'est bien la Polonaise qui a raflé leur unique affrontement sur terre battue, ce qui est logique, et qui sera la favorite, ce qui est indéniable. Mais puisque son tournoi est déjà réussi, pourquoi ne pas croire en l'exploit ?
D'autant qu'en quarts, Swiatek a réellement souffert contre Beatriz Haddad Maia. Une victoire certes, la Brésilienne ayant à un moment donné explosé en vol, mais il a fallu deux heures 30 de bataille, et la Polonaise n'a plus cette énorme marge qu'elle possédait voilà deux ans, quand elle atomisait quiconque avait le courage de se présenter devant elle, en particulier sur terre battue.
Malgré tout, depuis qu'elle a accédé à la première place mondiale en 2022, Swiatek n'a perdu que quatre fois sur terre battue. Contre Caroline Garcia en 2022 (quand la Française était revenue au très très haut niveau), Aryna Sabalenka ici même en finale en 2023, et Elena Rybakina (sur abandon à Rome en 2023, et à Stuttgart voilà quelques jours). Il n'y a que le gratin qui la bat sur sa surface préférée.
C'est donc un défi de taille qui attend Madison Keys. En carrière, l'Américaine n'a battu qu'une seule n°1 mondiale en exercice : Iga Swiatek à Cincinnati en 2022. Mais la dominer sur terre serait un exploit, sauf que cela relancerait pour de bon une deuxième partie de carrière où elle pourrait enfin toucher le Graal : remporter un Grand Chelem. En terme de confiance, de classement, d'exposition, cette victoire pourrait tout changer. Reste à faire le plus dur : gagner.