Daniil "The Revenant" Medvedev : en 2023, de retour parmi les meilleurs ?
"Avant le service de Rafa, même dans le cinquième, quand un spectateur criait, ce qui me surprenait, "Allez Daniil", mille personnes réclamaient le silence, mais avant mon service, je n'ai pas entendu ça. C'est décevant. C'est un manque de respect. Je ne suis pas certain de vouloir continuer le tennis après 30 ans. On va voir ce que va me dire mon entourage, comment on va traverser ce moment tous ensemble, mais encore une fois, le gamin qui rêvait n'est plus en moi après cette journée. Ce sera compliqué de continuer le tennis dans ces conditions."
Durant une expédition en 2022 dans une Australie profondément sauvage, le tennisman Daniil Medvedev est brutalement attaqué en finale de Grand Chelem par l'une des légendes de ce sport, Rafael Nadal. Touché au plus profond, le Russe ne coulera pas. Il se relèvera. Dans sa quête de survie, le joueur âgé de 26 ans, à ce moment-là, endure une souffrance inimaginable. Mais guidé par la volonté et l'amour de son entourage, Medvedev doit affronter une saison brutale dans une inexorable lutte pour survivre et trouver la rédemption…
Doucement, mais sûrement : Medvedev a repris goût au tennis
Il y a un an et deux mois jour pour jour, Daniil Medvedev se fait renverser par Rafael Nadal en finale de l'Open d'Australie. Le match est mémorable, le scénario est dingue et tous les observateurs acclament l'Espagnol, logique. Mais pour le Russe, l'histoire bascule du mauvais côté. Nul doute que sa saison 2022 aurait été différente, si elle avait finalement commencé autrement.
"C'est difficile d'évaluer à quel point ça l'a touché, mais de toute évidence, le scénario de la finale contre Nadal et l'attitude du public lui ont mis un gros coup sur la tête, explique à Flashscore Quentin Moynet, journaliste spécialiste tennis chez L'Équipe. On se souvient de son monologue en début de conférence de presse après la finale, quand il explique que l'enfant qui est en lui ne rêve plus, etc. Je pense qu'il n'a pas tout de suite mesuré à quel point ça lui avait fait mal.
Malgré sa place de nº1 chipée en février 2022 après 18 ans de règne du Big 4, lorsqu'on regarde son bilan de l'année dernière, Medvedev n'a remporté que deux titres : l'ATP 250 de Cabo San Lucas en août et l'ATP 500 de Vienne en octobre. Un bilan relativement maigre pour celui qui en avait remporté deux fois plus en 2021. Surtout qu'en Grand Chelem, les résultats ont été décevants après l'Australie. Un 1/8e à Roland-Garros - battu par Marin Cilic -, une impossibilité de disputer Wimbledon pour les raisons que l'on connaît tous et un 1/8e à l'US Open - éliminé par un Nick Kyrgios en feu.
Et dans ce registre, le Grand Chelem de Melbourne au mois de janvier dernier s'est inscrit dans la continuité de ses performances. Malheureusement pour lui, il est passé à la trappe dès le 3e tour, face à un Sebastian Korda impitoyable. À ce moment-là, on se rend compte tout de même que Medvedev est en perte de vitesse. Malgré quelques circonstances atténuantes, le Russe n'est plus au top.
Pourtant, depuis, tout a changé. Le Russe a enchaîné quatre finales, dont trois titres : Rotterdam, Doha, Dubaï et Indian Wells. Seul Carlos Alcaraz est parvenu à le battre. Cela témoigne de la puissance et de la sérénité qu'il dégage de nouveau. En effet, à l'heure où nous écrivons ces lignes, nul doute que Medvedev est l'un des meilleurs joueurs du circuit avec l'Espagnol. À la "race", le vainqueur de l'US Open 2021 est 2e du classement, derrière Novak Djokovic.
Daniil Medvedev fait de nouveau peur et semble aimer de nouveau le tennis. Hormis le fait qu'il ait été balayé par Alcaraz en Californie, il produit un tennis intéressant et fonctionnel. Dans la tête, il est reparti sur une nouvelle dynamique. Il prend les tournois les uns après les autres et cela se voit sur le court. Ce jeudi soir, à 19h00 (heure française), Medvedev défie Christopher Eubanks pour une place en demi-finale floridienne, un stade qu'il n'a jamais atteint à Miami...
"Il fait forcément partie des favoris. Les conditions à Miami lui sont plus favorables qu'en Californie - même si Alcaraz reste un ton au-dessus, avoue Moynet. Medvedev a vécu un début de tournoi tranquille et bénéficie d'un super tableau. Je vois difficilement qui pourrait l'empêcher d'atteindre la finale. En tout cas, après un an délicat, on le retrouve à un très bon niveau. Et même quand il joue un peu moins bien, il s'accroche et trouve des solutions. C'est un joueur très intelligent… Il a aussi retrouvé une certaine hargne qu'on ne lui voyait plus trop la saison dernière, ni à Melbourne en janvier. Sur dur, c'est le client numéro 1 pour embêter Djokovic avec Alcaraz.
Aller chercher son deuxième grand-chelem ?
Dans le "Sunshine State", Medvedev est le concurrent principal de Carlos Alcaraz, n°1 mondial et tenant du titre. Si l'Espagnol tutoie le soleil depuis quelques semaines, le Russe, lui, n'a que ce dernier devant lui pour l'empêcher d'atteindre le niveau optimal. Avant la gifle en finale d'Indian Wells (6-3, 6-2), le Russe était sur 19 victoires d'affilée. Fini les pleurs, l'ancien nº1 mondial rebondit grâce à une confiance reconstruite en ce début d'année et accélère la cadence dans le but d'atteindre une cinquième finale en 2023. Le tirage de la partie basse du tableau l'a aidé et il profite aussi de conditions de jeu bien plus faites pour lui, certes. Mais le niveau affiché est tout simplement sidérant : à Miami, il n'a abandonné que 9 jeux en 2h13 passées sur le court.
Précis, agressif et solide : le grand Daniil semble avoir retrouvé son jeu d'antan. Face à Quentin Halys en 1/8e de finale (6-4, 6-2), le Russe est expéditif : un service efficace avec 74 % de premières balles passées, une domination des échanges dans l'agressivité avec 30 coups gagnants et dans la précision avec seulement cinq fautes directes, et, surtout, un étouffement continuel de son adversaire pour ne pas lui laisser la possibilité de breaker.
Alors a-t-il ses chances en Floride ? En tout cas, tous les feux sont au vert pour lui. Sa partie de tableau est décimée - Félix Auger-Aliassime et Stefanos Tsitsipas se sont fait éliminer - et le Russe est moins fatigué que prévu, notamment grâce au retrait d'Alex Molcan au 3e tour. Lorsque que l'autre côté Alcaraz va devoir se défaire de Taylor Fritz pour accéder aux demies, lui jouera contre Eubanks, un joueur américain classé 119e à l'ATP.
Sa dernière victoire dans un Masters 1000 remonte à août 2021 à Toronto… À voir si l'actuel 5e mondial peut créer la sensation à Miami. Il a le coffre pour et beaucoup de facteurs sont à prendre en compte. Alors, en Floride, peut-être... mais pour ce qui est du reste de la saison ? Il va de soi que le Russe sera parmi les clients potentiels pour prendre un nouveau Grand Chelem en 2023 s'il maintient son niveau actuel. Et surtout l'US Open, là où il avait brisé le rêve de Djokovic en 2021, lui qui aurait pu, en cas de victoire, réaliser le Grand Chelem calendaire.
"Sa série de victoires de Rotterdam à Dubaï l'a totalement relancé. Sauf si blessure, il sera, je pense, l'un des principaux prétendants au titre à New York. Évidemment derrière Djokovic si le Serbe peut participer, et au même niveau qu'Alcaraz. Le tirage au sort du tableau sera intéressant", conclut Moynet.
Cela va être intéressant de suivre la suite des évènements en 2023 dans la planète tennis donc. Avec la course au trône mondial entre Djokovic et Nadal, la naissance d'une légende comme Alcaraz et la rédemption de Medvedev, tout porte à croire que cette saison risque d'être all-time.