Iga Swiatek a perdu sa place de n°1 mondiale : et maintenant pour la Polonaise ?
Cela lui pendait au nez depuis un moment. Voilà quatre mois que la première place mondiale d' Iga Swiatek était menacée. Il s'en est fallu d'un point à Roland-Garros, puis de quelques jeux à Wimbledon, pour qu' Aryna Sabalenka - meilleure joueuse de 2023, sans aucun doute - ne prenne place sur le trône.
L'ininvisageable est finalement arrivé des mains de la Polonaise elle-même à l'US Open, après une défaite contre Jelena Ostapenko - ironiquement, la dernière joueuse qui avait battu Swiatek avant son historique série de 35 victoires d'affilée en 2022. La voilà n°2 mondiale. Et maintenant ?
Sur le papier, la saison 2023 d'Iga Swiatek n'est pas une mauvaise saison. 56 victoires pour 10 défaites, qui peut dire mieux ? Pas grand monde. Qui plus est, il n'y a pas de mauvaise défaite, tout juste un forfait en demi-finale à Bad Homburg. De quoi largement mériter son classement actuel.
Mais la Polonaise est apparue bien moins dominatrice cette saison, alors qu'elle marchait sur tout le monde en 2022, une année exceptionnelle pour une joueuse totalement libérée. Car avant cela, et bien qu'elle ait remporté Roland-Garros à la surprise générale en 2020; Swiatek n'était pas attendue à pareille fête.
Son année 2021 avait semé le trouble sur une carrière possiblement riche en trophées. Un seul quart de finale en Grand Chelem, mais surtout l'impression de voir une joueuse au bord de l'explosion à chaque match. Une fragilité mentale qu'elle a su corriger l'an dernier, et qui a fait d'elle la reine du circuit WTA, mais qui est réapparue cette saison, car le plus dur, ce n'est pas d'arriver au sommet, c'est d'y rester.
Les images inoubliables de la United Cup, première compétition de 2023, reviennent en mémoire. Pulvérisée par Jessica Pegula - alors qu'il s'agissait seulement de son quatrième match officiel de la saison, elle avait fondu en larmes après la rencontre, non pas pour avoir perdu la compétition - qui se rappelle des vainqueurs de cette United Cup ? - mais pour avoir été impuissante sur le court. Explication après le match ? "Parce que je savais que je me sentais un peu impuissante aujourd'hui, parce que physiquement et mentalement, je n'étais même pas capable de me montrer et de résoudre les problèmes."
Et cela a donné le ton d'une saison où elle était moins flamboyante sur le court. Car plus que la perte de la place de n°1 mondiale - le classement et le système de points étant ce qu'il est - c'est une baisse de niveau réelle qu'elle a subi. Si elle restait constante dans le jeu, elle souffrait de plus en plus contre les énormes serveuses type Sabalenka ou Elena Rybakina, qui a battu trois fois la Polonaise dans les premiers mois (une sur abandon).
Meilleure relanceuse du monde en 2022, sa qualité a baissé dans ce domaine. Les autres joueuses ont aussi commencé à réfléchir à comment rivaliser avec la meilleure, et il est apparu clairement que malgré cette historique série de victoires l'an dernier, elle n'avait pas tant de marge que cela.
Mais le problème le plus criant, ce sont ses performances dans les grands tournois. Son troisième sacre à Roland-Garros est sa seule victoire en Grand Chelem ou WTA 1000. Et ce alors qu'elle en avait raflé six du genre l'an passé. Deux finales en WTA 1000 - perdues contre Barbora Krejcikova et Sabalenka, jamais d'élimination d'entrée de jeu, mais une incapacité à surclasser ses rivales comme ce fut le cas en 2022, la sanction ne pouvait que tomber.
On le sait, être n°1 mondiale, c'est s'exposer à une énorme pression. Une pression dont va donc être débarrassée Iga Swiatek désormais. Mais cela sera-t-il suffisant pour rebondir ? Il reste donc ce WTA 500 de Tokyo, puis un WTA 1000, et les WTA Finals. Trois bons titres à aller chercher, mais surtout des points à mettre sur des i en vue de 2024.
Car la concurrence est plus exacerbée que jamais, et il ne faudrait pas que la Polonaise ne connaise le destin funeste de quelques unes des n°1 mondiales précédentes. Naomi Osaka, pour qui la pression a été bien trop forte, et qui va revenir en 2024, sans qu'on sache dans quel état. Garbine Muguruza, totalement disparue des radars. Karolina Pliskova et Victoria Azarenka, qui continuent pour le plaisir, mais sans réels résultats.
La possibilité est réelle pour que le prime physique et mental d'Iga Swiatek soit déjà terminé. À 22 ans, ce serait sacrément ballot. Mais le circuit WTA en a vu, des reines couronnées et rapidement déchues. Le tennis professionnel peut broyer n'importe quel joueur ou joueuse victime d'une baisse morale. Et après la perte du trône, elle pourrait largement en subir une.
"Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai commencé à faire autant d'erreurs" déclarait-elle en conférence de presse après son élimination à l'US Open. Curieuse déclaration pour une joueuse habituée à dominer, mais qui n'a pas su changer de stratégie. Cependant, on sent, au fil de ses déclarations de l'année une lassitude, une usure mentale, une haine des critiques exacerbée, comme à Cincinnati, quand elle déclarait "La quantité de haine et de critiques que moi et mon équipe recevons après avoir perdu un set est ridicule".
Le tennis moderne, les réseaux sociaux et les paris en ligne font la loi. Et ce n'est pas un univers dans lequel la Polonaise est à l'aise. Tant que ça gagne, tout va bien. Mais au terme d'une année compliquée, l'usure d'Iga Swiatek est apparue au grand jour. Si elle devrait encore nous gratifier d'une belle performance sur les tournois restants, seule la victoire est belle, et si elle ne frappe un grand coup, la déconsidération du circuit pourrait être un facteur aggravant pour elle. De là à couler à pic ? Probablement pas. Mais il se pourrait qu'elle redevienne une joueuse "normale". Sur le plan personnel, ce sera sans doute un soulagement. Mais sur le plan tennistique, il ne faudrait pas qu'elle soit oubliée, car une telle domination, cela ne s'oublie pas.