Hommage à Cédric Pioline, seul finaliste masculin français à l'US Open depuis 1932
Pour trouver trace d'une victoire française lors du simple messieurs de l'US Open, il faut remonter à l'époque des Mousquetaires, les originels. René Lacoste a ouvert le bal en 1926 (contre Jean Borotra) puis en 1927. Henri Cochet prendra la succession en 1928, mais attendre 1932 pour retourner en finale, s'inclinant contre un local. Et c'est tout.
Depuis cette date, les Bleus ne sont pas en réussite, d'abord à Forest Hills, puis à Flushing Meadows. Sauf un irréductible Gaulois, un homme qui contre vents et marées s'est frayé un chemin vers une première finale en Grand Chelem lors de l'édition 1993. Son nom ? Cédric Pioline.
Sa particularité ? Avoir été l'un des joueurs français les plus clivants. Moqué pour son manque de mental – il a dû attendre sa 10ᵉ finale ATP pour enfin rafler son premier titre –, il n'en reste pas moins LE joueur tricolore des années 90. Le dernier à avoir disputé plus d'une finale de Grand Chelem en carrière.
Mais quand il se présente à l'US Open 1993, à 24 ans, on ne sait quoi penser de lui. Certes, il est tête de série n°15, certes, en avril, il a disputé – et perdu – la finale de Monte Carlo, mais s'il vient enfin de franchir le cap des 8e de finale en Grand Chelem - à Wimbledon, le temps commence à presser. Car la France du tennis, post-Noah, post-Leconte, est quelque peu sinistrée, chez les hommes comme chez les femmes. Le spectre du creux générationnel plane au-dessus de l'Hexagone, et Pioline ne semble pas pouvoir faire grand chose pour l'empêcher.
Un point souligné par son entrée en lice à Flushing Meadows. Deux fois cinq sets contre des adversaires particulièrement modestes – David Prinosil et Jared Palmer –, et doit se frotter ensuite à un revenant : Mats Wilander, la légende qui est en train d'orchestrer un retour à la compétition après deux ans d'absence. Un mythe que Pioline va abattre trois fois 6-4, seulement, le pire reste à venir.
Car lorsqu'on observe le tableau en début de compétition, on est déjà inquiet pour le n°1 français. La projection l'envoie défier le n°1 mondial, Jim Courier, en 8ᵉ de finale. Vainqueur à l'Open d'Australie, finaliste à Roland-Garros et Wimbledon, l'Américain est présent lors des grands rendez-vous, c'est le moins qu'on puisse dire.
Pour vraiment lancer une carrière, il faut une performance marquante. Cédric Pioline va l'accomplir contre le meilleur joueur du monde, tenant la cadence face au meilleur relanceur de l'époque, connu pour sa résistance et son volume de jeu. Et en quatre manches en prime. Alors certes, le décalage horaire et l'époque font que cela n'a que peu de retentissement en France. Mais dans le microcosme tennis, cette performance fait un grand bruit.
D'autant qu'elle est confirmée par des succès en quatre manches contre une étoile montante, Andreï Medvedev, puis face à une valeur sûre, Wally Masur. L'impensable vient de se produire. 61 ans après Cochet, un Français est de retour en finale de l'US Open. Et l'on se prend à rêver, 10 ans après Noah, qu'un Tricolore soulève un trophée du Grand Chelem.
Sauf qu'en face, il y a un obstacle majeur : Pete Sampras. Celui-là même qui s'est révélé dans ces lieux trois ans auparavant, celui qui vient de remporter Wimbledon, celui qui est n°2 mondial et celui dont on pense qu'il va régner sur le circuit ATP en peu de temps.
Mais vu de France, le discours est autre. "Il a battu le n°1, pourquoi il ne battrait pas le n°2 ?" Une crédulité liée à l'envie irrépressible de voir un Français triompher dans l'un des plus grands tournois du monde. Un rêve qui va malheureusement être ramené à la réalité par un Sampras absolument implacable.
6-4, 6-4, 6-3 en moins de deux heures : Cédric Pioline n'a pas eu l'ombre d'une chance contre un adversaire qui entre à peine dans son prime, et qui sera sans nul doute le meilleur joueur des années 90. Malgré cette défaite, on promet enfin – et logiquement – un futur brillant à Pioline.
S'il disputera une deuxième finale en Grand Chelem en 1997 à Wimbledon (battu par… Pete Sampras), le sommet de sa carrière sera son triomphe à Monte Carlo en 2000, devenant le premier Français vainqueur en Principauté depuis 1963 – et le dernier à ce jour. Une performance qui symbolise finalement sa carrière : en plein dans une période creuse du tennis français, Cédric Pioline a été un rare rayon de soleil.