Il n'existe pas une plus belle fin de carrière que celle de Pete Sampras à l'US Open 2002
Il fut un temps pas si lointain où les 14 titres du Grand Chelem de Pete Sampras semblaient inaccessibles. Mais ça, c'était avant le Big Three. Car avant cette ultra domination, c'est bien l'Américain qui était le maître du circuit pendant près de dix ans.
Et voilà 21 ans aujourd'hui, même si on l'ignorait à l'époque, il a conclu sa carrière comme il l'a menée : en champion. Languissant avant l'US Open, il va totalement ressusciter et finir comme n'importe quel joueur rêve de le faire : en gagnant un tournoi du Grand Chelem.
Car en 2002, "Pistol Pete" n'est plus le roi du circuit. Lleyton Hewitt est n°1 mondial – et tenant du titre –, et Andre Agassi se charge de porter l'étendard américain sur le circuit. Sampras, lui, a connu une annus horribilis, puisque son dernier résultat d'envergure date... de l'US Open 2001, quand il avait échoué en finale face à l'Australien.
La saison 2002 a pour seule réjouissance une demi-finale à Indian Wells. Humiliation suprême, il s'incline au 2ᵉ tour de Wimbledon contre un véritable inconnu, Georg Bästl, alors 145ᵉ mondial et lucky loser. Un crime de lèse-majesté dans le lieu même des plus grands exploits de l'Américain. Ce qui lui vaut de quitter le Top 10.
Il n'a plus aucune marge, et disputera six matchs dans trois tournois différents avant New York, tous en trois manches, tous extrêmement serrés contre théoriquement de qualité inférieure. Son dernier match avant l'US Open – et donc de facto sa dernière défaite professionnelle – a lieu au premier tour à Long Island, contre un certain Paul-Henri Mathieu.
Il est tête de série n°17 et les rumeurs de retraite imminente sont alors à leur paroxysme. Les médias n'avaient de toute façon que ce mot-là à la bouche durant toute la saison, bien que Sampras ait répété à l'envie qu'il voulait choisir sa fin. Mais l'on se dit alors, s'il livre une ultime bataille homérique sur un des plus grands courts du monde et tombe avec les honneurs, sans doute que cela sera une belle fin.
Et on le pense d'autant plus fort quand il est poussé au cinquième set par Greg Rusedski – un nom pour les initiés –, au troisième tour. C'est maintenant, c'est la fin. Pas encore, car Pistol a encore des cartouches. Il tombe le Britannique, et quelque chose se produit, se débloque en lui, la magie opère à nouveau.
Tommy Haas, alors n°3 mondial ? Écarté avec maîtrise. Andy Roddick, dans un match entre l'ancien et le nouveau monde où l'on imaginait "A-Rod" mettre fin à la carrière de son aîné ? Étrillé. Sjeng Schalken, totalement inattendu à ce niveau de compétition ? Avalé avec une maîtrise retrouvée sur les points importants. En un clin d'œil, Pete est redevenu Sampras, et a réservé son rendez-vous final avec son meilleur ennemi, son Némésis durant toute sa carrière : Andre Agassi.
Qu'est-ce que le comité d'organisation de l'US Open pouvait demander de mieux qu'une finale entre les deux plus grands joueurs américains de la fin du XXe siècle ? Absolument rien. L'évènement s'annonce splendide, d'autant que la rumeur de retraite de Sampras reste présente, mais le 34ᵉ et dernier duel entre le gendre parfait et l'enfant terrible sera un des plus mémorables.
Parce que c'est ce que les États-Unis voulaient voir, parce que le court Arthur Ashe, le plus grand stade de tennis du monde, était le théâtre parfait pour une telle affiche, parce que le match a tenu ses promesses, il fallait que Sampras s'impose. Ce qu'il finira par faire en quatre manches, non sans avoir dû lutter contre un rival jamais battu.
Mais parce que Pete Sampras est un taiseux, qui s'exprime mieux sur le court que devant les micros, il n'annoncera officiellement sa retraite... que lors de l'US Open 2003, quand une cérémonie organisée en son honneur le "forcera" à reconnaître que s'il n'a plus touché une raquette depuis un ans, c'est qu'il y a une raison simple : la retraite. Le roi du service volée a emporté son art avec lui, un art qui a disparu, mais sa légende, elle, est intacte.