Le public de Wimbledon espère toujours le retour au premier plan d'Emma Raducanu
On parle souvent de l'US Open 2021, mais le véritable acte de naissance pour Emma Raducanu a eu lieu deux mois avant, à Wimbledon. Invitée par les organisateurs, elle a rendu grâce à sa wildcard, passant trois tours en sortant notamment celle qui allait remporter l'édition 2023, Marketa Vondrousova, avant d'abandonner en 8e de finale contre Ajla Tomljanovic suite à des problèmes respiratoires.
Fait remarquable, elle n'était alors que la quatrième joueuse britannique à atteindre la deuxième semaine du Grand Chelem sur gazon sur les trente dernières années. C'est dire si le public s'était rapidement pris d'affection pour une joueuse alors en dehors du Top 150, qui avait alors 18 ans, et qui représentait donc le futur d'un tennis féminin anglais moribond en dehors de Johanna Konta, ancienne 4e mondiale, souvent placée, mais rarement gagnante (trois demi-finales perdues en Grand Chelem).
Deux mois plus tard, elle accomplissait un exploit unique en devenant la première, hommes et femmes confondus, à remporter un tournoi du Grand Chelem en sortant des qualifications. Même son parcours encourageant et surprise à Wimbledon ne pouvait préparer à cette performance inouïe, qui a ouvert la voie de la confiance pour les qualifiées (Dayana Yastremska a atteint les demi-finales du dernier Open d'Australie par exemple).
Mais revenons à Raducanu, logiquement propulsée à l'époque nouvelle star du circuit féminin en quête d'idoles. La n°1 mondiale d'alors Ashleigh Barty, bien que supérieure, n'était pas vendeuse, Serena Williams était sur la fin, Naomi Osaka manquait de régularité, la performance de la Britannique était du pain béni pour la WTA. Et pour Raducanu elle-même, qui a signé nombre de partenariats publicitaires et exploité au maximum sa nouvelle puissance médiatique en oubliant l'essentiel, ce qui l'avait emmenée là : le tennis.
Pendant près de trois ans, on n'a eu droit qu'à quelques flashs, quelques matchs intéressants laissant supposer que, quelques sets de haut niveau, quelques promesses. Mais pas de quoi les confirmer, avec en plus un physique fragile qui lui a valu de mettre un terme à sa saison 2023 en avril pour se faire opérer des poignets entre autres choses.
Jusqu'à quelques jours en arrière, à Eastbourne. Certes, elle avait atteint les demi-finales à Nottingham au préalable, mais en battant deux joueuses hors du Top 100 et en bénééficiant de surcroit d'un forfait. Pour le traditionnel dernier tournoi de préparation avant Wimbledon, elle a rejoint les quarts de ce WTA 500 en tombant rien de moins que la n°5 mondiale, Jessica Pegula.
Battre une des meilleurs joueuses mondiales - on balayera l'argument "non spécialiste du gazon", l'Américaine ayant atteint les quarts à Wimbledon l'an dernier - est enfin le signe encourageant que tout le monde attendait. Car gagner sur l'une des plus grandes scènes du monde d'une façon inoubliable et ne pas faire quoi que ce soit de convaincant laisse forcément une belle sensation de gâchis, alors que la Britannique a seulement 21 ans.
Mais puisqu'elle a dû attendre une invitation pour Wimbledon du fait de son classement hors du Top 150, elle n'avait aucune certitude pour le tirage au sort. Si elle a évité un grand nom, elle devra ferrailler avec Ekaterina Alexandrova. La Russe a gagné deux fois sur gazon, à Rosmalen en 2022 et 2023, a un meilleur vécu, une plus longue expérience, et elle est surtout l'une des quatre joueuses à avoir battu Iga Swiatek en 2024, ayant surclassé la Polonaise à Miami.
Mais si la Britannique passait ce premier tour - ce dont elle est capable - la suite pourrait tourner en sa faveur, et surtout, elle bénéficiera du soutien inconditionnel d'un public qui a envie de s'enflammer pour les siens et uniquement pour les siens. Wimbledon attend une gagnante anglaise depuis Virginia Wade, dernière lauréate en 1977 ! Ce ne sera sans doute pas pour cette année, mais Emma Raducanu doit envoyer un signe réel que ce triomphe new-yorkais ne restera pas sans lendemain. Trois ans après, il est temps.