Titouan Carod (champion de France de VTT) : "faire partie de la sélection française veut dire qu'on a les capacités pour chercher un titre"
Flashscore : Vous avez rejoint BMC en 2023 et votre team manager est un nom bien connu du peloton sur route puisqu'il s'agit d'Amaël Moinard.
Titouan Carod : la langue de l'équipe est le français. Il y a un pilote italien qui le parle et deux Suisses qui s'y mettent avec les Suisses francophones. C'est un team très professionnel, une grande famille, tout le monde est plus que motivé et on s'entend tous très bien.
Le VTT et la France, c'est une grande histoire, surtout depuis le titre olympique de Miguel Martinez en 2000 lors de l'apparition de la discipline au programme des JO, sans oublier Julien Absalon et Pauline Ferrand-Prévot. Quelle est la densité actuellement ?
La France est l'une des deux plus grandes nations du VTT cross-country avec la Suisse. Depuis que Julien a pris sa retraite et qui était très au-dessus du lot, nous sommes 5 ou 6 pilotes au même niveau. Donc pour aller chercher un podium en Coupe du monde, voire une victoire car Jordan Sarrou a été champion du monde en 2020, Victor Koretzky en a gagné trois (il a aussi remporté l'argent sur la short-track jeudi, ndlr), moi deux, Maxime Marotte a aussi obtenu beaucoup de podiums, Joshua Dubau arrive en forme cette année et il a fait un podium en Coupe du monde à Nove Mesto où il s'est battu avec Tom Pidcock. Ça nous tire tous vers le haut et on est toujours très motivé pour aller chercher des sélections pour les Mondiaux ou les JO. Ça nous pousse à nous surpasser car faire partie de la sélection française, ça veut dire qu'on a les capacités pour aller chercher un titre.
En termes de parcours, la course cross-country des Mondiaux en Écosse seront-ils différents des JO à Paris et pourrez-vous vous jauger ?
Nous ne sommes jamais allés sur ce parcours en Coupe du monde, donc je ne le connais pas. Les seules informations que nous avons pour l'instant, c'est que c'est un parcours artificiel et pas naturel comme on peut le trouver sur certaines étapes de la Coupe du monde. C'est souvent ce que l'on retrouve aux JO depuis 2008 et on aura aussi un circuit artificiel à Paris. Ça peut être une répétition générale car c'est la plus grosse course du calendrier cette année. Il y aura aussi un test event à Paris fin septembre sur le circuit des Jeux. Ces Mondiaux vont compter pour la sélection pour les JO, il y a beaucoup d'enjeux.
En ce qui concerne les préparations physique et mentale, comme cela se passe-t-il ?
C'est plutôt individuel, on suit tous plus ou moins une préparation de notre côté. Je sais que certains pilotes se préparent en altitude. Je ne le fais pas parce que je préfère le faire tranquillement chez moi. On ne se regroupe pas trop, c'est en fonction des besoins de chacun. S'il y a besoin d'une préparation mentale, c'est le pilote qui doit trouver la personne, avec l'aide de la fédération ou du team, mais il n'y a rien de spécifiquement et automatiquement mis en place. Cela n'a rien à voir avec des équipes sur route avec des coureurs qui partent ensemble en stage. Nous, ce serait plutôt l'hiver, quand on a du foncier à faire on va parfois rouler ensemble mais l'été c'est plutôt chacun de son côté.
Pour les béotiens, comment expliquer la course cross-country ?
Plus qu'une distance, on parle de temps de course en VTT. C'est compris entre 1h20 et 1h35. Désormais le vendredi, nous avons une short-track race qui dure 20 minutes. Pour la distance, cela dépend du circuit : s'il est roulant, on est sur du 45 km, si c'est plus physique et avec des montées raides, on est sur du 32-33-34 km sur 1h30. Et c'est sans compter les conditions climatiques où on peut avoir un demi-tour en moins, par exemple, si ça se dégrade.
Au niveau du rythme cardiaque, la short-track race et la cros-country doivent être assez éloignées ?
Ce sont deux efforts différents et qui n'ont rien à voir. En short-track race, sur 20 minutes, il n'y a aucune gestion de l'effort, du départ à l'arrivée. Mon cœur ne redescend jamais en dessous de 190-180. Sur une course cross-country, il y a un gros effort à produire au départ pour être tout de suite bien placé, c'est de la résistance, un mixte entre l'endurance et un sprint. Il y a une gestion de l'effort importante.
La réputation des vététistes est d'être les geeks du cyclisme, devant les pistards et les routiers, c'est usurpé ?
Je ne sais pas exactement ce que font les autres coureurs, mais je pense que c'est vrai. La partie matériel est plus importante que sur piste ou sur route, sans vouloir me fâcher avec eux (sourire). On est passé sur des vélos 29 pouces, tout suspendu, avec des tiges de selle télescopiques, des vélos de 120 mm de débattement alors qu'il y a 10 ans, c'étaient des mini-enduros. Tous les vététistes font attention à ça et sont de plus en plus attentifs à la qualité du matériel, des pneus, de la gomme, de la section des pneus, des sections de roue. On travaille énormément avec les fabricants de suspension. On a, par exemple, passé tout l'hiver à développer les suspensions pour qu'elles collent vraiment au terrain. C'est devenu une grosse part du travail. Cela ne va pas vous faire gagner dix minutes par course mais ce sont des petits détails qui s'ajoutent, qui nous mettent en confiance et nous font économiser 5 pulsations, récupérer dans une descente ou gagner deux ou trois secondes par descente. Ce sont de petits gains qui ne sont pas négligeables. On fait aussi attention au poids, sans aller dans l'extrême car on est dans un sport mécanique sujet aux casses et il faut choisir le bon compromis. On roule dans la terre, donc le choix des pneumatiques dépend du profil. Cela nous prend du temps, aussi bien dans le cross-country que dans la descente.
Vous parliez du poids : y a-t-il une limite imposée ?
Non, l'UCI n'en a pas fixée, contrairement à la route. Mais si on descend trop, c'est aux risques et périls du coureur car, si on peut gagner sur certains aspects, il faut aussi finir la course. La moyenne doit être entre 10 kg et 10,5 kg parce que 98 % du peloton roule en tout suspendu. Il y a 6-7 ans, on était au bout du semi-rigide qui pesait aux alentours de 9 kg. Mais en fait, même avec un kilo de plus on va plus vite par rapport à un vélo sans suspension. Actuellement, le poids n'est pas la préoccupation d'un coureur, il s'agit surtout d'avoir un vélo performant, rigide, qui fonctionne très bien en termes de cinématique de suspension, qui apporte de la confiance en descente et sur lequel on peut se reposer dans certains moments de course pour se concentrer sur d'autres parties.
Sur route, on voit de plus en plus souvent des problèmes de dérailleurs et de blessures après une chute en raison des freins à disque. La même chose arrive en VTT ?
Ça ne m'est jamais arrivé, je touche du bois ! Les freins à disques, ça fait longtemps qu'on les utilise, je crois même que je n'ai jamais dû rouler avec des brakes. En VTT, on ne peut plus s'en passer. Sur la transmission, sur route, on voit quelques fois des mono-plateaux mais, en VTT, ça fait presque dix ans qu'on a ça et que ça a été développé, si bien qu'on n'a de moins en moins de problèmes. On est sur des produits très fiables. Les gros problèmes en VTT concernent surtout les crevaisons.
2024 devrait être une année particulière au niveau de la concurrence puisque plusieurs noms connus du peloton sur route veulent participer à la course olympique de VTT. Tom Pidcock évidemment, mais aussi Mathieu van der Poel et Peter Sagan.
Normalement, ces trois-là seront là mais je ne sais pas ce que Mathieu a prévu en termes d'objectifs à Paris. Au Mondial, il fait la course VTT aussi mais je ne sais pas s'il pourra le faire à Paris. Pidcock viendra défendre son titre olympique. Pour Sagan, il était venu aux JO de Rio en 2016 mais il a eu un problème mécanique, une crevaison. On sait qu'il va se concentrer à 100 % sur le VTT en 2024, on verra ce que ça donnera. Le problème qu'il aura avec Mathieu, c'est par rapport au classement UCI qui compte énormément pour la mise en place sur la grille de départ. Ça veut dire qu'ils devront marquer beaucoup de points pendant la saison 2024, ce qui signifie peut-être se fatiguer plus pendant l'année. Il y a de nombreux facteurs à prendre en compte mais j'ai hâte de voir ce que ça va donner. C'est bien d'avoir des stars parce que ça nous apporte de la visibilité et de la crédibilité parce qu'ils gagnent mais pas souvent, ce qui prouve que nous ne sommes pas des quiches et qu'on sait appuyer sur les pédales (rires).
Vous parliez de la grille de départ : combien de secondes séparent la première ligne de la dernière ?
Sur les circuits de Coupe du monde ou de Jeux olympiques, on a une start loop, c'est-à-dire une boucle de départ pour étirer le peloton. Tout dépend si cette start loop a un entonnoir au bout de 150-200 mètres, tu peux te retrouver au bout de 10 minutes de course à 30 ou 40 secondes de la tête si on part de derrière et c'est presque terminé. Le départ en VTT en cross-country, même si c'est 1h30, est extrêmement important. Pour moi, sur des JO ou des Mondiaux, il faut partir au pire au niveau de la 4ᵉ ligne. Au-delà, c'est plus compliqué sachant qu'on est aussi beaucoup plus exposé aux chutes. Et puis au niveau des traces, on est gêné en montée et en descente, on peut aussi choisir des trajectoires moins propres et moins fluides pour doubler.
S'il ne fallait retenir qu'un nom dans le VTT actuellement, ce serait qui ?
Clairement, c'est Nino Schurter, une légende du VTT, dix fois champion du monde, vainqueur de 35 étapes de Coupe du monde. C'est l'homme à battre. Derrière lui, c'est ouvert. Il y a Jordan Sarrou, Joshua Dubau, le Suisse Mathias Flückiger, le Roumain Vlad Dascalu qui est champion d'Europe, l'Allemand Luca Schwarzbauer qui a été surtout présent sur les short-track races mais qui a montré qu'il était costaud en cross-country. Pour moi, il y a 10-12 pilotes qui peuvent gagner une Coupe du monde dans les années à venir.
Pour terminer, la question qui tue pour vous qui êtes natif de Die : si vous faites un podium samedi, ce sera champagne ou clairette ?
(Rires) Pour le podium, ce sera sûrement champagne mais ensuite, c'est clair que ce sera Clairette de Die sans problème, surtout que mes parents sont producteurs !