Un Clásico sous haute tension sur le terrain et dans les bureaux
Après sa qualification mercredi pour les 1/4 de finale de la Ligue des champions, le Real Madrid se déplace au Camp Nou pour tenter un coup. Malgré les neuf longueurs d'écart qui séparent les joueurs d'Ancelotti avec leur adversaire, les Madrilènes sont quasiment sur la même base de points que l'an passé (57 à la 25e journée en 2021-2022 ; 56 cette saison). Problème : l'éternel rival a décidé de faire de cette compétition un objectif prioritaire et Xavi et son groupe réalisent, pour le moment, une campagne historique.
Entre régularité, persévérance et assise défensive solide, les Culés ont activé le pilotage automatique depuis la reprise et ils ne faiblissent pas. En 25 matches, le Barça a remporté 21 rencontres, dont 11 par seulement un but d'écart. Preuve que l'aspect défensif a été l'un des points travaillé par Xavi. L'équipe catalane, qui n'a jamais eu la réputation de savoir bien défendre, elle qui était concentrée principalement sur le beau jeu et la possession dans le passé, a pris un nouveau tournant tactique cette saison sous la main de son ancien capitaine.
Et alors que ce Clásico promet sur le terrain, voilà que celui-ci est aussi sous le feu des projecteurs pour l'"Affaire Negreira" -ou "Barça Gate"-. Le dossier, qui est passé cette semaine entre les mains du parquet anti-corruption, a secoué les relations entre les deux institutions dimanche dernier, après un communiqué à caractère exceptionnel du Real Madrid.
Le "Barça Gate" et le communiqué du Real Madrid
Après de longs mois d'enquête, le parquet espagnol a décidé de dénoncer, le 7 mars dernier, le FC Barcelone pour corruption dans le cadre des paiements versés à l'ancien vice-président du CTA (Comité Technique des Arbitres), José Maria Enriquez Negreira. Le club catalan pourrait être accusé de corruption commerciale continue, comprenant le délit de fraude dans le domaine sportif. Alors que le dossier était entre les mains d'un juge de Barcelone, celui-ci a connu un tournant cette semaine puisque le parquet anti-corruption a été désigné pour reprendre le flambeau.
Face à cela, le Real Madrid, qui ne s'était pas encore officiellement prononcé, a communiqué dimanche dernier que le club avait décidé de comparaître au civil devant la justice.
« Le conseil d’administration du Real Madrid C. F. a pris connaissance, lors de sa réunion d’aujourd’hui, des graves accusations portées par le ministère public de Barcelone contre le FC Barcelone (…) sur la base de délits potentiels, entre autres, de corruption dans le domaine du sport, a annoncé le club merengue. Le Real Madrid exprime sa profonde préoccupation quant à la gravité des faits et réitère sa pleine confiance dans l’action de la justice et a convenu que, pour défendre ses intérêts légitimes, il comparaîtra dans la procédure dès que le juge l’ouvrira aux parties lésées ».
Un communiqué qui s'est attiré les foudres du côté de la Catalogne. Pour la presse locale, la déclaration a été pointée du doigt comme étant une atteinte au club barcelonais. Celui-ci n'a pas hésité à répondre, notamment par le biais de son président Joan Laporta sur Twitter : "Culés, rassurez-vous. Le Barça est innocent de ce dont on l'accuse et victime d'une campagne contre son honneur dans laquelle tout le monde est désormais impliqué. Sans surprise, nous défendrons le Barça et prouverons son innocence. Beaucoup devront rectifier." Avant d'ajouter lors d'un acte du club, en début de semaine, qu'il avait "très envie d'affronter ces scélérats qui salissent notre écusson".
Après ces déclarations, la presse catalane informait que le traditionnel déjeuner prévu le jour du match entre les directions des deux clubs avait été annulé. Une nouvelle qui a fait sonner l'alerte du côté de la capitale espagnole, alors que les deux institutions étaient depuis quelques années très proches, particulièrement dans le projet de la Superligue.
Mis à part ses sorties, aucune explication sensée et raisonnable n'a été donné par le président Laporta depuis que le parquet espagnol a décidé de dénoncer le club blaugrana. Ce dernier s'est défendu dans un communiqué, disant que le Barça n'avait "jamais acheté d'arbitre ni tenté d'influencer leurs décisions". Avant cela, les Catalans avaient déclaré que les 7,3 millions d'euros versés à JMEN, via sa société Dasnil, de 2001 à 2018, avaient servi à payer des rapports relatifs à l'arbitrage. Le média Libertad Digital a divulgué cette semaine plusieurs de ces rapports, où il y est très bonnement détaillé les qualités et les défauts des arbitres de Liga.
Ce jeudi, El Confidencial informait que "ce qui était le plus déterminant pour le parquet anti-corruption, c'était le pouvoir qu'avait Negreira au sein du CTA et la capacité de contrôle qu'avait cet organisme sur l'arbitrage" et "qu'il n'était pas obligatoire" pour le parquet "de prouver qu'un arbitre pu être payé pour favoriser une équipe". Seul le fait de "prouver que le FC Barcelone avait l'intention d'obtenir des avantages dans la compétition en procédant aux paiements" serait suffisant.
Mais Laporta continue d'éviter la situation et de rentrer dans le vif du sujet. Vendredi, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux du club, ce dernier affirme qu'une "campagne médiatique" les "vise", que cela "n'a rien d'un hasard" puisqu'elle chercherait à "déstabiliser l'équipe à court et moyen terme".
En pleine tourmente, et face à toutes ces accusations, le FC Barcelone et son président Joan Laporta préfèrent prendre la parole lorsque l'éternel rival sort un communiqué. A contrario, lorsque la Liga et les clubs espagnols - hors Real Madrid -, sortent une déclaration, pas un mot. Alors que la grande majorité des socios du Barça attendent des explications rationnelles sur les finalités de cet argent versé, le club blaugrana, lui, botte en touche. Par contre, il n'y aura pas de comida dimanche midi entre les directions, en gage de protestations sur la position du club madrilène dans l'affaire. S'attendant à un accueil hostile, Florentino Pérez ne voyagerait pas à Barcelone selon El Mundo. Malgré tout, la rencontre avec les autres dirigeants du club merengue en tribune présidentielle promet.
Les joueurs, eux, se focalisent sur les enjeux sportifs
C'est dans ce contexte que les vingt-deux acteurs vont devoir disputer la 26e journée de Liga. Un match décisif du point de vue sportif. En cas de victoire, les joueurs de Xavi prendraient définitivement le large - potentiellement 12 points d'avance -, tandis que si le Real Madrid l'emporte, il relancera la fin du championnat et les 13 dernières journées.
"Le président nous dit d'être tranquilles, que nous travaillons, que nous sommes ici pour le football et c'est sur ce quoi, je travaille. Nous n'avons pas parlé de ce sujet dans le vestiaire, nous ne parlons que de football et c'est ce qui me convient", avait déclaré Xavi juste avant la rencontre face à l'Athletic Club.
Et on ne pourra pas dire que le champion du monde 2010 faillit à sa mission. À San Mamés, les astres étaient alignés pour le Barça. Les Catalans ont ouvert le score grâce à Raphinha dans le temps additionnel de la première mi-temps, après avoir subi durant les 45 premières minutes et avant de souffrir en seconde période. Mais Ter Stegen, la défense catalane, les poteaux et la VAR - qui a refusé un but à Iñaki Williams - en ont décidé autrement. Ce Barça a tout d'un futur champion - le mental et la chance - et la rencontre face au Real Madrid est le moment parfait pour le prouver.
Pour cela, Xavi devra faire sans Pedri étant "trop juste". Malgré tout, l'entraîneur catalan reste confiant. "C'est du 50-50, mais je pense que nous sommes un peu plus favoris, car le Real Madrid est dans l'obligation de faire un résultat. Si nous gagnions, ce serait un gros coup. Ce ne serait pas définitif, mais ce serait fort", a-t-il avoué en conférence de presse samedi.
En face, les Madrilènes sont largués au classement, certes. Mais les chiffres sont aussi bons que l'an passé, à l'issue duquel le Real a fini champion. La seule différence est que cette saison, il y a un véritable concurrent pour accéder au trône d'Espagne. Certaines défaites ou matches nuls auraient pu être évités, mais dans une saison qui a connu un calendrier exceptionnel avec un Mondial entre mi-novembre et mi-décembre, on ne peut pas reprocher aux joueurs d'y avoir laissé des plumes en cours de route. Les chiffres étant quasi-équivalents à la saison précédente, il faut plutôt louer le travail fait jusqu'ici par le Barça.
"C'est une équipe très solide qui a encaissé très peu de buts. C'est ainsi qu'ils ont pris des points dans des matches dans lesquels ils ont souffert", a avoué Carlo Ancelotti samedi.
"Demain, nous devons voir le Barça comme un lion et non comme un chat. Si vous pensez que c'est un chat, vous allez subir. C'est un match important pour lequel nous devons nous battre jusqu'au bout et faire preuve d'engagement. Je ne sais pas si j'ai peur ou si je suis inquiet, mais les heures qui précèdent les matches sont les plus compliquées, du moins pour moi".
Malgré tout, il est vrai qu'il y a un Real Madrid à deux visages. Celui qui joue le week-end sur la pelouse de Vallecas ou du Visit Mallorca Stadium, et celui qui met le costume un soir de Ligue des champions. Les Merengues vont-t-ils définitivement tirer un trait sur la Liga en cas de défaite dimanche, sachant qu'ils ont un réel coup à jouer en Europe ? Le club vous répondra qu'il se battra jusqu'au bout, mais, dans les faits, les joueurs lèveront le pied. Surtout que certains joueurs comme Benzema ou Alaba, avec leurs pépins, ne font pas leur meilleure saison. Et aussi, parce que s'il fallait choisir de gagner un Clásico en particulier, très certainement que la majorité des joueurs répondraient qu'ils choisiraient de tout miser sur le match retour de Coupe du Roi (perdu 1-0 au Bernabéu), plutôt que sur celui de Liga.
Mais un Clásico se gagne et pour cela, Ancelotti pourra compter sur un groupe quasi-complet : seul le défenseur autrichien manque à l'appel et l'italien voit Ferland Mendy revenir après presque deux mois d'absence.
C'est un Clásico sous haute tension qui attend les deux équipes ce soir au Camp Nou et c'est aux joueurs de faire abstraction au contexte. Rendez-vous à 21h pour le spectacle.