Vendée Globe : un tour du monde solitaire mais hyperconnecté
Sur le compte Instagram géré par son équipe, Alan Roura (Hublot) pose tout sourire, en t-shirt, après avoir franchi l’Équateur. Il se douche au jet d'eau sous un ciel bleu turquoise. Quelques jours plus tard, il est emmitouflé sous un duvet, en sweat-shirt. Et le voilà blessé au bas du dos après une chute à l'intérieur de son bateau.
Lors de l'édition 2020-2021, les amateurs du Vendée Globe avaient pu suivre les skippers presque en direct, dans leur avancée et leurs déboires, au fil des saisons et des paysages.
"C'est une bonne chose de pouvoir partager ce que l'on vit, montrer nos péripéties. Cela fait vivre la course et peut donner à un nouveau public l'envie de la suivre", explique le skipper suisse, qui reprendra le départ du Vendée Globe le 10 novembre.
Pour cette dixième édition, la plupart des voiliers seront équipés du système Starlink, de SpaceX, qui fournit par satellite un accès haut débit à internet jusque dans les zones les moins bien desservies.
"On capte la 5G jusqu'aux Kergelen (très au sud de l'Océan Indien)", sourit Yannick Bestaven (Maître Coq), dernier vainqueur de ce tour du monde sans escale et en solitaire.
"Moins isolés"
En 2008, lors de son premier Vendée Globe, la Britannique Samantha Davies (Initiatives-Cœur) avait filmé sur cassette quelques séquences de sa course.
"Il fallait ensuite la sortir de sa boîte étanche, puis numériser le film. Et prier pour que la connexion marche assez longtemps pour expédier le fichier. Aujourd'hui on est beaucoup plus connectés, on se sent moins isolés", raconte la skippeuse qui s'engage pour une quatrième participation.
Sa connexion à bord lui permettra cette fois-ci de correspondre "à peu près partout et à tout moment" avec ses proches, par visioconférence ou messagerie instantanée. Et de suivre l'actualité, dont elle était "complètement coupée" par le passé. Le tour du monde en solitaire s'en trouve-t-il transformé ? "Cela ne change pas la course, mais cela modifie un peu le challenge", répond Samantha Davies.
Pour Yannick Bestaven, les contacts avec les proches sont un "plus", même s'il évite de "trop en abuser". "Lorsqu'on raccroche, on reste quand même tout seul sur le bateau, il faut faire gaffe à ça. J'essaye d'avoir mes filles en visio au moins une fois par semaine, mais je crois que je préfère presque leur écrire", explique-t-il.
Alan Roura se limite aussi à une visioconférence par semaine avec sa compagne et ses enfants.
"40 bateaux, 40 histoires"
Mais les contacts avec la terre ne dépendent plus que d'eux : côté images, les 40 participants au Vendée Globe sont soumis à un cahier des charges strict. Pendant toute la durée de la course, ils sont tenus d'envoyer à l'organisation au moins six photos par semaine, ainsi que "deux minutes d'images vidéo (plans séquences ou images prémontées)", trois fois par semaine.
D'après le règlement, ces images doivent "notamment comprendre des prises de parole tournées avec une caméra mobile et/ou fixe à l'intérieur et à l'extérieur, des images permettant de voir le bateau en navigation sur différents axes, des images permettant de voir le skipper à la manœuvre, des images permettant de voir la vie quotidienne du skipper (...) etc."
Autre obligation: les photos et vidéos partagées sur les comptes personnels des skippers doivent d'abord transiter par l'organisation.
"Il ne faudrait quand même pas que cela fasse trop: les mêmes vagues, les mêmes couchés de soleil. Est-ce que le public ne va pas se lasser?", s'interroge Alan Roura.
L'organisation y voit de son côté un "double intérêt". "Il y a l'intérêt pour les médias : 40 bateaux, 40 histoires. Et l'intérêt d'émargement présentiel: donner signe de vie, signe d'humeur de nos skippers", explique Hubert Lemonnier, directeur de la course.
Après avoir montré sur Instagram ses derniers préparatifs avant le départ, Alan Roura y poursuivra son carnet de bord 2.0, au fil de l'eau.