Vu du Ghana : Le football ghanéen est en train de couler, tout le monde en est conscient... sauf les dirigeants
Depuis 2019, les Black Stars ont dérivé sans but, incapables de remporter la moindre victoire en Coupe d'Afrique des Nations (AFCON), leur destin faisant écho à l'histoire tragique du Titanic - une légende insubmersible qui a connu une fin glaciale dans l'Atlantique Nord.
La récente défaite 2-0 contre le Soudan a jeté une ombre sur les espoirs du Ghana, menaçant de le plonger dans les profondeurs du désespoir en risquant de manquer la qualification pour l'AFCON pour la première fois depuis plus de vingt ans.
Si le Ghana ne parvient pas à se qualifier pour la prochaine AFCON, les répercussions seront rapides et graves. Otto Addo, qui a signé un contrat de 34 mois avec une option de prolongation de deux ans, devrait être démis de ses fonctions et faire l'objet d'une enquête approfondie sur les piètres performances de l'équipe.
Il s'agit clairement d'un cas de déjà-vu, car ce scénario est devenu trop familier, les dirigeants du football ghanéen ayant recours à la même tactique chaque fois que l'opinion publique s'inquiète.
Avant 2017, les Black Stars ont maintenu des normes élevées, atteignant régulièrement les demi-finales de l'AFCON. Cependant, depuis 2019, ils n'ont pas goûté au football à élimination directe dans aucun tournoi majeur, ce qui révèle des problèmes profondément enracinés qui n'ont pas été résolus depuis longtemps.
Cette période de turbulences coïncide avec la présidence de Kurt Okraku à la tête de la Fédération ghanéenne de football (GFA), qui a débuté en octobre 2019. Sous sa direction, les Black Stars ont connu une série d'entraîneurs - Charles Akonnor, Milovan Rajevac, Chris Hughton et actuellement Otto Addo - chacun apportant sa propre vision sans pour autant parvenir à créer un changement durable. Ce carrousel de dirigeants a engendré confusion et incohérence sur le terrain, les joueurs s'efforçant de s'adapter à des tactiques en constante évolution.
En l'espace de cinq ans, 66 joueurs différents ont été convoqués pour des rencontres et des tournois internationaux. Parmi eux, 41 ont joué au moins une minute en équipe nationale. Ces statistiques mettent en lumière une réalité cruciale : il ne suffit pas de changer de joueurs et d'entraîneurs pour résoudre les problèmes du Ghana. Les problèmes sous-jacents sont multiples et profondément enracinés.
Le leadership est souvent cité comme la cause ; tout le reste n'est qu'un effet. Ainsi, la GFA actuelle ne peut échapper à sa responsabilité dans la crise imminente que traverse le football ghanéen. Ironiquement, cette même GFA a nommé à plusieurs reprises son vice-président Mark Addo pour superviser les candidatures d'entraîneurs à la recherche du bon candidat au fil des ans.
Dans sa dernière tentative, la GFA a cherché un vainqueur éprouvé avec au moins 15 ans d'expérience et les plus hautes qualifications footballistiques disponibles dans le monde comme conditions préalables pour le poste d'entraîneur principal. Or, Otto Addo, qui a finalement été choisi, ne répond pas à ces critères, car il est relativement novice en matière d'entraînement. Bien qu'il ait du potentiel et qu'il évoluera sans aucun doute dans son rôle, il n'a pas l'expertise immédiate requise par une équipe dans la tourmente.
Les luttes prolongées des Black Stars ont rendu les fans de plus en plus impatients ; ainsi, tout nouvel entraîneur devra se battre pour mettre en œuvre sa philosophie dans des délais limités. Il est peut-être temps de changer radicalement d'approche.
Contrairement au Titanic, qui a connu un destin tragique dans les eaux glacées, les Black Stars du Ghana ont encore une chance de se racheter. Les succès remportés de 2006 à 2017 ont été largement attribués à la qualité exceptionnelle des joueurs plutôt qu'à des processus systématiques. De nombreux joueurs de cette époque peuvent prétendre au titre de meilleurs joueurs du Ghana - une génération dorée qui se démarque de la réalité d'aujourd'hui.
À trois ans de la fin du mandat d'Okraku, il y a encore de l'espoir pour une revitalisation. Voici six mesures stratégiques qui pourraient aider les Black Stars à s'éloigner du déclin et à renouer avec le succès.
1. Reconnaître le vrai niveau
Reconnaître la riche histoire du football ghanéen comme l'un des géants de l'Afrique, tout en admettant que le pays n'est plus à ce niveau.
Le fait qu'Okraku déclare publiquement que le Ghana va remporter l'AFCON dans son état actuel n'aide pas à contrôler les attentes et la pression des supporters.
La première étape pour résoudre un problème aussi important que celui-ci est de comprendre l'impact de la chute, ce qui permettra ensuite de déterminer ce qu'il faut faire pour remonter la pente. Une réévaluation complète de tous les aspects de l'infrastructure du football est cruciale, en commençant par la réforme de la FA.
La pratique habituelle qui veut que les membres du conseil exécutif soient affiliés à des clubs constitue un conflit d'intérêts évident et devrait être supprimée.
2. Adopter les technologies modernes
Le football a considérablement évolué ; il est donc essentiel de tirer parti de la technologie pour progresser. L'idée d'un ADN du football mise en œuvre par la GFA est une bonne chose, mais il est nécessaire de disposer de données plus complètes.
Le fait de disposer d'un modèle aligné sur l'ADN permettra de conserver une base de données sur les performances des joueurs qui correspondent à l'ADN. Il est temps que la GFA investisse dans l'analyse des données afin d'améliorer les performances des joueurs et la prise de décision tactique.
Un certain nombre de pays africains de premier plan sont actuellement inscrits sur Opta et obtiennent des données de haut niveau non seulement pour leurs équipes nationales, mais aussi pour les équipes de jeunes et les ligues nationales. Une telle initiative favorisera le développement du football ghanéen.
3. Cultiver des relations authentiques
Il est temps de ne plus se contenter de parler du retour de l'amour du football, la GFA doit l'encourager activement.
Il est essentiel d'établir des liens avec les joueurs, notamment en facilitant les interviews avec la presse locale, en organisant des séances d'entraînement ouvertes aux supporters et aux médias et en s'engageant dans des projets communautaires qui rendent service à la société.
Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra véritablement développer l'amour du football, car les supporters se sont éloignés de la génération actuelle de joueurs.
4. Investir dans le développement des jeunes
Depuis 2017, le football de jeunes du Ghana est en chute libre, le pays n'ayant pas réussi à se qualifier pour l'AFCON U17 et n'ayant obtenu qu'une seule participation à la Coupe du monde U17 (Inde 2017) au cours des 15 dernières années. La sélection U20, autrefois porteuse d'espoir après avoir été le premier pays africain à remporter la Coupe du monde U20 en 2009, ne s'est qualifiée que pour deux des six derniers tournois.
Lors des quatre dernières AFCON U20, les performances du Ghana ont été médiocres : une victoire en championnat en 2021, deux qualifications manquées et une élimination décourageante en phase de groupes en 2019. Ce déclin constant reflète les difficultés de l'équipe nationale senior et met en évidence un problème systémique au sein du football ghanéen.
Depuis 2014, seuls Mohammed Kudus, Lawrence Ati-Zigi et Fatawu Issahaku sont passés avec succès des rangs des jeunes à ceux des piliers des Black Stars, ce qui met en évidence une tendance troublante d'occasions manquées.
Pour inverser ce déclin, il est impératif de créer de solides académies de jeunes dans tout le pays. Ces académies peuvent assurer une réserve régulière de talents pour les générations futures en donnant la priorité aux programmes de base et en dépistant très tôt les joueurs émergents. Le football de jeunes devrait être utilisé comme une plateforme permettant aux joueurs d'intégrer l'équipe nationale, et rien d'autre.
En investissant dans le développement des jeunes et en cultivant les jeunes talents, le Ghana peut reconstruire ses fondations footballistiques et retrouver son statut de force redoutable du football africain. Il est temps d'agir, l'avenir du football ghanéen en dépend.
5. Améliorer la formation des entraîneurs
Si les critères de sélection d'un entraîneur principal pour les Black Stars reposent toujours sur le fait que le candidat a des racines ghanéennes, alors plus il y aura d'entraîneurs ghanéens qualifiés, mieux cela vaudra.
L'éducation et la formation continues des entraîneurs à tous les niveaux sont essentielles. L'établissement de partenariats avec des institutions réputées dans le domaine du football peut permettre aux entraîneurs locaux d'acquérir des techniques et des stratégies avancées qui s'alignent sur les pratiques du football moderne.
Jusqu'à présent, la GFA ne propose que des cours d'entraînement pour la licence D et la licence C. La GFA doit donner la priorité à l'éducation et à la formation des entraîneurs. La GFA doit donner la priorité à l'organisation des cours de licence A et B de la CAF, ainsi que des cours de recyclage pour les entraîneurs locaux.
6. Achever le Centre d'excellence du football ghanéen
La GFA doit donner la priorité à l'amélioration et à la rénovation du Ghanaman Soccer Centre of Excellence afin de fournir aux Black Stars une base d'entraînement et de camping appropriée.
Actuellement, l'installation n'est pas dans un état optimal, comme le montrent les rapports indiquant que les terrains sont inadéquats pour accueillir les séances d'entraînement de l'équipe nationale. Investir dans ce centre permettra non seulement d'améliorer la qualité de l'environnement d'entraînement, mais aussi de signaler un engagement à développer le football ghanéen à tous les niveaux. La modernisation de cette installation peut favoriser une atmosphère professionnelle qui nourrit le talent, améliore les performances des joueurs et cultive la cohésion de l'équipe.
En outre, à l'heure où le football ghanéen s'efforce de reconquérir son statut de puissance africaine, il est essentiel de disposer d'un centre d'entraînement ultramoderne pour attirer les meilleurs talents et faire en sorte que l'équipe nationale soit bien préparée pour les compétitions internationales. En revitalisant le Ghanaman Soccer Centre of Excellence, la GFA peut créer une pierre angulaire pour les succès futurs, en veillant à ce que les Black Stars disposent des ressources dont ils ont besoin pour prospérer sur la scène continentale.
Alors que les Black Stars du Ghana s'éloignent de leur gloire passée, il est essentiel que toutes les parties prenantes - joueurs, entraîneurs et administrateurs - réfléchissent à leur rôle dans ce déclin.
Les récentes performances de l'équipe contre des nations moins bien classées mettent en évidence non seulement des déficiences tactiques, mais aussi la nécessité d'une réévaluation complète de la manière dont le Ghana aborde le football international.
Si les Black Stars ont encore de l'espoir de retrouver leur place parmi l'élite africaine, il leur faudra plus qu'une foi aveugle. Pour naviguer dans ces eaux troubles, il sera essentiel de remédier à l'instabilité des dirigeants, à la sélection des joueurs et aux problèmes systémiques. Ce n'est qu'à cette condition que les Black Stars pourront espérer sortir de ce chapitre sombre et repartir vers des horizons plus radieux.