Will Still, après sa confirmation au poste d'entraîneur du Stade de Reims
Sur la route en fin de matinée en direction de Reims, beaucoup de brouillard, peu de visibilité jusqu'à l'arrivée au Centre de vie Raymond Kopa, situé au nord de l'agglomération rémoise. Et là, Will Still nous ouvre les portes du club. C'est le début d'une rencontre avec un passionné du jeu et du football et c'est alors que l'éclaircie survient.
Installés dans la conférence de presse exigue, mais tout à fait cosy, l'entretien démarre et dure 45 minutes. En voici l'intégralité, dont le contenu risque de plaire à tous les fans de ballon rond.
Vous devez gérer une trêve inédite en plein mois de novembre-décembre, ce n’est pas nécessairement idéal, comment faites-vous ?
(Il réfléchit) C’est une bonne question. Idéal ou pas idéal, c’est embêtant, parce que nous étions dans une dynamique assez positive, mais on n’a pas trop le choix. Du coup, on s’adapte, on fait avec, on continue, on fait comme tout le monde. Les joueurs ont eu deux semaines de congés – pas d’arrêt complet, car ils ont eu un programme individuel -, mais ils ont eu deux semaines de trêve et on a repris hier. Maintenant, on a quatre semaines avant le premier match de championnat contre Rennes à domicile (le 29 décembre, ndlr). On part en stage vendredi (2 décembre, ndlr) et on va essayer de préparer au mieux la seconde partie de saison, qui sera déjà beaucoup plus longue que la première, donc c’est un peu inédit aussi. On sait que la Coupe du monde était inédite cette année, ce n’est pas un gros problème, c’est une question d’adaptation, c’est essayer de trouver le meilleur équilibre entre les temps d’arrêt et la reprise des entraînements.
Après un parcours atypique comme le vôtre, auriez-vous imaginé être entraîneur principal du Stade de Reims à 30 ans ?
Non, c’est dingue ! (rires) Si on m’avait dit ça il y a 5 ou 6 ans, j’aurais dit « non, vous êtes fous » ! Si on m’avait dit ça il y a 10 ans, j’aurais dit « non, impossible ». Je ne me suis jamais pris la tête avec ça, les opportunités se sont présentées, j’en ai pris une, puis l’autre et ça s’est enchaîné. J’essaye toujours de faire au mieux. Si ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas, tant pis et on se remet en question et essayer de voir ailleurs. Je ne me suis jamais posé la question, mais je sais qu’à chaque fois qu’on me le dit, je me dis « c’est vrai que c’est n’importe quoi ». Mais j’essaye de ne pas faire une fixette dessus et de me concentrer sur ce dont l’équipe a besoin.
Vous avez été confirmé dans vos fonctions par vos dirigeants pour le reste de la saison, est-ce un premier accomplissement à vos yeux ?
Je suis super reconnaissant envers les gens qui m’entourent, les joueurs et surtout la direction de m’avoir donné cette opportunité. Parce que quand t’y goûtes, t’as forcément envie de continuer, de le faire le plus longtemps possible, mais si j’avais dû, par la force des choses, redevenir adjoint, c’est ce que j’aurais fait et j’aurais fait le boulot avec autant d’énergie et de passion. C’est sûr que la reconnaissance est forte, des deux côtés je pense. C’est pour un bien, dans le meilleur des mondes.
Vous êtes titulaire d’une licence UEFA A, insuffisant pour la Ligue 1, votre formation actuelle pour acquérir le diplôme nécessaires se déroule-t-elle correctement ?
Pour l’instant, je suis inscrit, c’est en cours. En Belgique, une fois que tu participes aux cours, tu peux être entraîneur en D1, parce que c’est suffisant. Mais en France, ce n’est pas le cas, donc soit tu payes une amende, ou tu t’adaptes, tu trouves une autre solution. Mais je le dis et je le répète, je ne l’aurais pas pu le faire avant. À 30 ans, avoir une licence pro, c’est incroyable.
Vous êtes le plus jeune de votre promotion on imagine…
Oui et il y a tous les anciens joueurs, qui ont 35, 36 ans et les mecs un peu plus vieux. J’en suis là où j’en suis, c’est l’étape logique.
C’est la dernière, non ?
Oui, c’est l’équivalent du BEPF, c’est la licence pro UEFA.
Vous avez arrêté le football en tant que joueur à 18 ans, voulant alors intégrer un staff technique, est-que Football Manager vous a donné envie de franchir la barrière, est-ce que ça a été le déclic ?
J’ai commencé à jouer à Football Manager, à l’âge de 9 ou 10 ans avec mon grand frère, mais comme tout le monde je pense. Tu passes des heures à appuyer sur la barre espace. Tu te dis « je vais encore jouer un match, puis encore un match et puis tu te retrouves à 4h du mat' » (rires). Malgré cela, c’est plus le foot qui a toujours été la grande passion de la famille. Mais la vraie histoire concernant Football Manager, c’est parce que nous n’avions pas le droit d’avoir une Playstation chez nous, nos parents ne voulaient pas, du coup on est allé sur l’ordinateur, car on pouvait ! (rires) Donc à la base, c’est parti de là, mais tu t’accroches, parce que c’est un jeu de fou. Le foot, j’avais 19 ans et je me suis rendu compte que je n’avais pas envie d’attendre quelques années pour devenir pro, puis je n’avais pas les capacités athlétiques pour le devenir. Pour moi, il n’y avait que le foot, j’aurais mis des plots sur un terrain s’il le fallait, laver des maillots… mais je voulais travailler dans le monde du foot. Et j’ai eu la chance qu’une porte se soit ouverte en tant qu’analyste à Saint-Trond en D2, avec Yannick Ferrera qui était coach, c’est grâce à lui. À la base, j’étais stagiaire, je n’étais pas payé et on a eu la chance d’être champion dès la première saison et puis c’est parti de là. Quand je regarde en arrière, je me dis que le chemin parcouru est fou. Et Football Manager nous accompagne toujours au quotidien, parce que tu restes accro au foot. Sur les deux semaines de congés, tu te dis « non je ne vais pas jouer », parce que tu as plein d’autres trucs à faire, mais tu l’installes et tu te dis « ah merde c’est parti » ! (rires)
Avez-vous encore la passion pour le jeu et le temps de jouer à FM ? (rires)
Oui, même FIFA, j’ai acheté une PS5. Mais oui, j’ai reçu les codes Football Manager et tu te dis « non, je ne vais pas le faire », mais t’es dans le train (rires), tu t’ennuies et tu fais « ah je vais le faire ! », puis t’as commencé un truc et tu te dis « bon bah… », mais quand le championnat est en cours, c’est un peu plus chaud, parce que tu le fais en vrai et t’as pas trop le temps de jouer. Mais les statistiques sont tops, la base de données est folle. Elle est super réaliste et utile. Tout ça pour dire que c’est agréable d’y jouer. Ça restera toujours une partie de ce que je suis.
Vous avez évoqué votre famille, vos deux frères sont dans le football...
Edward s’est fait virer à Charleroi il y a un mois (21 octobre, ndlr) et là, il a repris Eupen (22 novembre, ndlr), aussi en D1 belge. Et le petit frère était son adjoint et vient de signer à Eupen et l’a donc suivi. Je crois qu’ils s’apprécient, c’est bien pour eux (rires).
C’est une histoire de famille ?
Oui, mais je le dis, le foot, depuis qu’on a… Ce n’était même pas… tu n’y réfléchissais pas, on ne se disait pas « ouais, il faut que je joue au foot parce que… ». On avait un grand jardin, des ballons qui partaient dans tous les sens, il fallait en trouver qui était gonflé, mais dès l’âge de 5, 6 ans, tu joues en club et puis tu rentres le week-end après ton match, tu vas jouer dans le jardin et sinon tu es sur l’ordi le soir, ou tu regardes « Match of the day » sur la BBC. Le foot était tout le temps là, c’était un truc que l’on kiffait. On a continué, puis le jour où tu as l’opportunité d’en faire ton métier, c’est le rêve. Je sais que je suis chanceux de faire ce que je fais.
C’est Oscar Garcia qui vous a fait venir au club, comment cela s’est passé et que retenez-vous ?
Oscar devait arriver avec son staff complet (23 juin 2021, ndlr), mais il y a un adjoint qui a signé en Espagne et il était à la recherche d’un adjoint-terrain, qui savait animer les séances, être adjoint n°1. Et c’est le Mathieu Lacour qui m’a appelé (le directeur général, ndlr), deux semaines avant le début de la préparation, en me demandant si j’étais intéressé, car cela faisait quelques années qu’il me suivait. J’avais décidé de ne pas rester au Beerschot et là on me propose la Ligue 1, à 28 ans, c’est le top, donc je n’ai pas hésité. J’ai rencontré Oscar, on a parlé pendant des heures, comment on voyait le foot, comment on se voyait travailler ensemble et ça a matché direct. On a trouvé un équilibre intéressant, j’ai donc signé (juillet 2021, ndlr). Mais en parallèle, j’étais en cours, en Belgique. Ils se déroulaient le mercredi après-midi et samedi matin. Je faisais la route chaque semaine et les aller/retour pour assurer les séances. Au bout de trois mois, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tenir le rythme. Six heures de route sur une journée, au bout d’un moment, tu satures. J’ai alors informé le club, qui n’était pas forcément heureux, ce qui est normal. Je suis retournée en Belgique (au Standard, ndlr), et l’été dernier, j’aurais pu prendre la tête des U23, en D2, mais je n’étais pas emballé plus que ça… Puis Oscar m’a rappelé pour me dire qu’il voulait que je revienne. J’avais fini les cours et je m’étais plu à Reims, donc je n’ai même pas hésité et le lendemain je suis revenu. Merci surtout au club de m’avoir reaccueilli, car j’en connais qui n’auraient pas permis cela. Je suis très reconnaissant.
Votre ancienne position d’adjoint vous a-t-elle aidée dans le relationnel avec vos joueurs, pour instaurer une relation de confiance, que le travail psychologique fonctionne ?
Oui, parce que j’ai leur âge, on est né dans le même contexte social, on a grandi dans la même vie et ça ne marcherait pas si j’essayais de me prendre pour un autre ou d’être le père… les joueurs s’en foutent complètement et moi aussi. J’essaye juste de rester honnête, sans me prendre la tête, car dès que tu commences à faire ça, le joueur te regarde « ouais, chef, c’est bon… ». Si j’ai envie de les faire chier, je vais les faire chier, parce que je sais qu’ils vont me rendre la pareille. Ce matin, prenons l’exemple de l’Angleterre, je suis Anglais, on a tous regardé l’Angleterre pendant la Coupe du monde et après le deuxième match contre les États-Unis, c’était « Ah Will, elle est nulle ton équipe anglaise, donc ce matin tu as le droit de venir parce que tu as gagné 3-0 » (rires). Il y a des mecs dans le staff qui apportent cette sérénité, cet esprit un peu plus posé, mais je n’y réfléchis pas, c’est juste comme ça que je suis, que j’ai toujours été et je ne pourrais pas ne pas leur parler, parce que j’en ai envie.
Donc la relation est horizontale et non verticale ?
Oui, mais ils savent que je vais prendre la décision derrière. C’est trouver le moment… parce que tu ne peux pas être patronnant. Tu es juste honnête, tu lui dis « bah écoute, je vais te montrer avec la vidéo, avec toutes les stat’ que j’ai et notre ressenti… » et tant que tu es honnête avec lui… Il ne va pas te dire « bah non, je ne suis pas d’accord ». C’est la chance qu’on a ici, au Stade de Reims, tu as des joueurs très ouverts d’esprit et sont prêts à entendre la critique, tant que c’est constructif, parce que si tu critiques pour dire « tu es un cancre, tu ne sers à rien, dégages », toute la nouvelle génération va te regarder et te dire « hé ho, va prendre ton linge et tu vas le faire sans moi, parce que je m’en fous ». Tant que tu arrives à les concerner, à être honnête avec eux et être droit, ils vont toujours accepter et il y aura des moments où l’émotionnel est plus important… Par exemple, tu perds un match, tu n’as pas fait rentrer un joueur et il va te dire « ah Will, tu fais chier, parce que je n’ai pas joué ou je n'ai pas joué autant que je voulais », mais c’est normal, tu l’acceptes, parce qu’à ce moment-là, c’est ce qu’il avait envie de dire. Après, tu peux toujours avoir une conversation concernant le comportement et dire que ce n’était pas top. Donc ça se passe dans un climat normal, ils savent que tu vas prendre la décision, donc il y a une forme de respect qui est logique.
Êtes-vous fier d’ailleurs de voir l’un de vos joueurs, Junya Ito, avoir été appelé pour participer à la Coupe du monde ?
Oui, forcément, mais c’est surtout une fierté pour le club, pour le groupe. D’avoir permis à un gars comme ça d’aller à la Coupe du monde… c’est le rêve de tout le monde. Mais j’étais surpris de ne pas l’avoir vu jouer durant le deuxième match (face au Costa Rica, ndlr). Mais au regard de ce qu’ils ont fait face à l’Allemagne, ça peut se comprendre et pourquoi pas faire quelque chose de dingue face à l’Espagne. Parce qu’ils ont vraiment un potentiel intéressant. Collectivement et individuellement, il y a des joueurs qui sont vraiment pas mal.
Les statistiques, ce sont toujours des données qui t’ont suivi et qui te suivent encore, comment tu les utilises à Reims ?
Je pense que c’est une étiquette qui nous est collé à la peau. On est jeunes et ça fait juste partie de notre quotidien, et tous les clubs au monde utilisent les stat’ de la même manière que nous, même Ancelotti au Real Madrid. Je ne vais jamais laisser une stat’ prendre une décision à ma place, car il y a toujours l’aspect humain et terrain qui rentre en compte. J’utilise uniquement les stat’ pour appuyer ce que je suis en train de dire, comme étape de vérification dans ce que je fais. Par exemple, je prépare une séance, j’ai une idée plus ou moins globale de l’intensité qu’on va mettre, des kilomètres qu’on va parcourir et du nombre de sprints qu’on va devoir faire, mais tu n’es jamais sûr à 100 %, donc tu fais ta séance et après je vais regarder quels joueurs ont couru à quelle intensité, si on était dans les bonnes zones, mais je ne vais pas dire « ah, attention, nous ne sommes pas dans cette zone-là, donc va falloir adapter ». Non, ce n’est pas réaliste. C’est pareil pour les stat’ de jeu. Oui, j’ai envie de récupérer le ballon le plus haut possible, mais je ne vais pas dire « ce match-là, on doit récupérer 35 ballons dans la partie adverse », ce n’est pas réaliste. Je vais regarder cette stat’-là après le match, parce qu’elle m’intéresse et c’est comme ça qu’on veut jouer, mais ça fait juste partie du foot actuel. Mais ça ne prendra jamais le premier rôle, comme certains veulent te faire croire. Ça te conforte seulement dans ce que tu es en train de faire.
Êtes-vous satisfaits de vos cinq premiers matchs à la tête du Stade de Reims ?
Oui, mais j’aurais vraiment voulu gagner à Montpellier, parce que je pense que ça aurait été mérité au vu du match et ça nous aurait permis d’avoir deux points en plus et d’être un tout petit peu plus tranquille. Mais sur l’ensemble, je suis satisfait, parce qu’il y a une énergie qui est super intéressante, tout le monde est impliqué. On a réussi à réinstaurer une forme de concurrence et de compétition au sein de l’effectif, en réintégrant des mecs qui n’ont peut-être pas joué en début de saison, sur lesquels on ne s’attendait pas à ce qu’ils jouent forcément. Je pense à Thibault De Smet, à Alexis Flips et parfois à des postes qui ne sont même pas les leurs. Donc ça, c’est super intéressant, il y a beaucoup de positivité autour du groupe, autour du club. Il y a une satisfaction aussi par le fait que nous n’ayons pas perdu, c’est bien en Ligue 1. S’il y avait eu une ou deux petites victoires en plus, ça aurait été magnifique, mais je fais le difficile. On va se contenter de ce qu’on a et de maintenir cet état de forme et cet état d’intensité qu’on a réussi à mettre. Il n’y a que comme ça qu’on va réussir à prendre des points.
Vous êtes devenus le premier entraîneur rémois à être invaincu sur ses cinq premières rencontres, est-ce une fierté ?
Quelqu’un me l’a dit. C’est cool, mais je n’ai pas d’objectif personnel. C’est comme lorsque j’avais 28 ans et qu’on m’a dit que j’étais le plus jeune entraîneur (de D1 belge, ndlr). Ce n’est pas un objectif réel. J’en suis conscient, je sais que les gens en parlent, mais ce n’est pas le plus important et je ne suis pas le plus important. Tant que l’équipe gagne et qu'elle va bien, c’est le plus important.
Tactiquement, vous avez débuté par un 3-5-2 le 15 octobre à Lorient, mais depuis, vous avez adopté le 4-2-3-1, pourquoi un tel changement ?
Pour mettre un maximum de joueurs à leur meilleur poste et là où ils se sentent le mieux sur le terrain. Aussi, par le fait qu’il y ait eu des blessés, des suspendus, on s’est adapté. Quand tu n’as que deux défenseurs centraux, tu ne vas pas en inventer un troisième. On fait au plus simple, au plus efficace. Et je pense, parfois, qu’il y a une fixette sur le système mis en place. Parce qu’à Lorient, on a défendu à 4, attaquer à 5 et encore, dans notre 4-2-3-1, cela devient un 4-3-3 avec une pointe basse en possession, donc ça évolue, avec Arber (Zeneli) notamment, qui a un rôle un peu libre sur le côté gauche. Donc tu essayes de créer des déséquilibres, des supériorités, dans certaines zones, pour attirer ou faire bouger le bloc adverse. Le système n’est pas le plus important, c’est là où le joueur va se sentir le mieux sur le terrain. Le meilleur exemple, c’est Ito. Tu le mets en pointe dans un système à deux, il est inconfortable. Il presse parce que c’est un excellent joueur et qu’il a des qualités hors-normes, mais si tu lui demandes où il se sent le mieux sur le terrain, il te dira « collé à la ligne, côté droit ». Si tu veux être performant, sois performant-là et on s’adaptera à ce qu’il y a autour de toi.
Votre équipe a inscrit 4 buts, en a encaissé 2, c’était une volonté de votre part de retrouver une solidité défensive ?
Clairement, mais c’était déjà une volonté d’Oscar, car on se rendait bien compte qu’on prenait trop de buts et de cartons rouges. C’était déjà un axe de travail, j’ai seulement adapté et changé certains principes très simples. Au lieu de défendre en reculant, c’est mieux de défendre en avançant et d’éloigner le danger de notre but, ce qu’on a réussi à faire plutôt bien. Mais oui, il y a plein d’axes de travail, que tu repères, qui te viennent au fur et à mesure des semaines. On a encore plein de choses à travailler, c’est intéressant, c’est un challenge, c’est emballant, tu es continuellement dans le renouvellement et dans l’adaptation, notamment ce dont l’équipe a besoin. Au quotidien, tu es toujours occupé.
Tu as évoqué un précepte plutôt offensif et surtout moderne, Guardiola a montré qu'au plus haut niveau, cela pouvait fonctionner, as-tu justement des préceptes de jeu, une philosophie de jeu ?
Le mot qui me correspond le mieux, c’est être « proactif », c’est de générer quelque chose, et de ne pas être réactif ou dans l’attente. C’est aller de l’avant, éloigner le plus possible le danger de ton but. Mais c’est aussi un style de jeu, je ne sais pas s’il est moderne, mais c’est celui que les joueurs ont envie de pratiquer. Tu proposes à un joueur d’attendre sur le bord de tes 16 mètres ou d’être proche du but adverse, et bien, tout le monde te dira d’être proche du but adverse. Faisons-le, mais pour cela, il y a certains points-clé qu’il ne faut pas négliger. Il faut beaucoup courir, mettre une énorme intensité, car sinon tu n’existes pas et tu te fais éliminer trop vite. Et il faut être prêt à faire ces efforts à très très haute intensité. Finalement, si tu mets tout ça en place, chacun prend du plaisir, c’est agréable à regarder et plus loin tu es de ton but, plus proche tu es du but adverse et plus tu peux créer du danger. On doit beaucoup s’améliorer dans la propension à être dangereux, dans la symbiose en attaque, ce qui est logique puisque cela ne fait que 4 ou 5 semaines qu’on a commencé à mettre des choses en place. En tout cas, il faut être proactif, je n’aime pas être dans l’attente, regarder, on veut prendre des risques, aller de l’avant.
Vous faites partie de cette vague de jeunes entraîneurs, comme Julian Nagelsmann, avez-vous des modèles, des inspirations ?
Oui, on en a tous. Les exemples les plus logiques restent les Klopp, Guardiola, Mourinho à l’époque, car il a arrêté de se renouveler à un moment. Les Nagelsmann forcément, par l’âge. Tu as toujours tendance à regarder ce qui se fait de mieux. C’est là que tu trouves ton inspiration et des idées intéressantes. Mais il ne faut pas oublier la recherche de l’équilibre, entre vouloir être proactif et l’équilibre défensif justement, qui nous permet d’encaisser le moins de buts possibles. Un effectif équilibré, mais positif. Donc forcément, tu regardes Bielsa, la manière dont son équipe presse, comment ses joueurs courent, c’est fou par moment. Mais il y a des idées partout. Tu regardes les matches de la Coupe du monde, tout le monde joue différemment, à sa manière. Il faut rester ouvert d’esprit, sans se prendre la tête, il n’y a personne qui a inventé le football et ce n’est pas une science exacte, parce que tu ne contrôles pas si un mec glisse ou si un ballon fait un rebond dégueulasse. Tu essayes de faire au mieux. Quand ça marche, c’est magnifique, quand ça ne marche pas, c’est chiant, mais tu fais avec, c’est le foot. Il n’y a rien qui sera parfait, malgré le fait que tu cherches la perfection. Tu peux essayer de mettre les joueurs dans les meilleures conditions, mais… Il n’y a aucune logique, tu peux faire la même préparation, le même entraînement, manger la même chose, dormir le même nombre d’heures, tu peux faire deux matches complètement opposés. C’est ça qui rend le challenge encore plus emballant, car tu ne sais jamais. Et ce qui te montre la qualité d’un grand joueur, c’est qu’il est capable de répéter des prestations à un niveau exceptionnel… mais ça se paye cher de nos jours. Mais pourquoi pas essayer de les conditionner au sein d’un environnement, qui les pousse à être la meilleure version d’eux-mêmes. C’est ce que tu cherches à faire quand t’es au Stade de Reims, au PSG, à l’Atlético de Madrid ou au Barça.
Ce que vous dites fait écho à la conférence d’après-match de Pep Guardiola après l’élimination de Manchester City par le Real Madrid, durant laquelle il explique qu’il a envie de contrôler un maximum de paramètres, mais ce n’est pas possible et il accepte le sort qui lui a été réservé…
Si tu prends l’exemple du Real Madrid l’année dernière, leur campagne en Ligue des champions, c’est n’importe quoi. Ils auraient dû être éliminés cinq fois et ils ne l’ont pas été. Ils mettent des buts venus de nulle part. Contre City, ils marquent à la 89e ou à la 90e… (90e et 91e, ndlr) C’est comme les cartons rouges chez nous en début de saison, tout le monde disait « qui va prendre rouge aujourd’hui, combien on va en prendre ? ». C’était comme avec Alex Ferguson, quand il était à Manchester United, le nombre de buts qu’ils ont marqué dans les dernières minutes d’un match, c’était dingue ! Mais ce n’est que dans la tête… et si tu arrives à générer cela… C’est un peu comme ici « bon les gars, nos cartons rouges, on arrête », et on a réussi petit à petit – je ne dis qu’on ne prendra plus de rouges, car ça arrivera -, mais on en prend plus un ou deux à tous les matches. Et le Real, c’était un peu ça l’histoire de la saison, on sait qu’ils vont revenir et qu’à un moment ils vont se créer une occasion. Dans la tête de joueur, il se dit « bah ouais je vais marquer », et ça n’a aucune logique. Mais ça, c’est l’environnement qu’a réussi à créer Ancelotti là-bas « ne vous inquiétez pas, ça va aller, quoi qu’il arrive ça va aller », et peu importe l’environnement que tu veux créer, c’est comme ici, « les gars, soyons positifs, prenez des risques, allez commettre une erreur si vous en avez envie, je m’en fou complètement, tant que vous courrez après l’erreur et que vous savez que vous avez fait l’erreur pour la bonne cause, faites-le ». Mais du coup, tu as des joueurs qui commencent à prendre des risques. Et tu as des joueurs qui commencent à faire un contrôle offensif et casser une ligne et à courir derrière, mais ce n’est que dans la tête. Si tu le convaincs qu’au bout d’un moment, sa prise de risques va fonctionner, il y a bien un moment où elle passera et puis tu le diras « tu vois… puis il te dira oui, mais je vais le refaire, bah vas-y » ! Le meilleur exemple jusqu’à maintenant, c’est Arber Zeneli, car le nombre de fois où il arrive à se mettre dans une situation qui est plus ou moins intéressante, puis son dernier geste ou son dernier dribble ou son dernier crochet est dégueulasse, je le regarde, il s’énerve « ça casse les couilles, ah non Will, ça n’a pas marché », si tu t’arrêtes, c’est sûr que ça ne va pas marcher. En attendant, tu perds le ballon dans des zones où c’est moins dangereux de le perdre et il y a un moment, ton crochet va passer, parce que tu l’as fait mille fois dans ta vie… « Oui, je sais bien, mais c’est chiant », mais ce n’est pas grave, c’est instaurer un environnement où les joueurs se sentent en capacité de faire ce que tu leur demandes de faire.
Sur le plan personnel, en tant qu’entraîneur, avez-vous un rêve en particulier ?
Non, parce que depuis le début, je n’ai pas de plan de carrière. J’ai pris ce qui est venu sur ma route et j’ai essayé de le faire au mieux. Étant Anglais, il y a toujours une partie de moi qui me dit « j’ai envie de rentrer à la maison ». Tout le monde sait que la Premier League, c’est le rêve de chacun. Retrouver cette culture foot, et puis c’est chez moi ! J’étais à Londres, pendant les congés, je suis sorti de l’Eurostar et puis « ah… c’est le bled ici, c’est chez moi » ! (rires) Donc pourquoi pas un jour… mais si je n’y arrive pas, ça ne va pas me miner, mais si l’opportunité se présente, je sauterai dessus, parce que j’ai envie.
Tournons-nous vers l’avenir, quels sont vos objectifs sur la seconde partie de saison ?
Je suis tout à fait conscient qu’on va encore perdre des matches, qu’on va avoir des moments un peu plus difficiles, à nous de le reconnaître et de positiver derrière, car il y a encore x nombre de matches à jouer et c’est sur ceux-là qu’il faudra se concentrer.
Bonne chance pour la suite de la saison…
Oui, on va essayer, merci beaucoup. Prochain match contre Rennes, à domicile, le 29 décembre.